vendredi 26 février 2010

Grèce : le début de la fin ?

On a parlé dans cette note de la « dette masquée » de la Grèce, un article du FT/Alphaville détaille les SPV (Special Purpose Vehicle, structures financières créées pour gérer ces échanges de flux financiers : un versement en faveur de l’Etat grec en échange de revenus régulièrement reçus), ils sont au nombre de trois, Aeolos SA (redevances aéroportuaires), Ariadne SA (revenus de la loterie nationale), mais aussi Atlas Securitisation SA (fonds structurels européens versés par l’UE à la Grèce). Ces derniers jours, le journal du 20 heures de France 2 faisait état d’évaporation et de détournement des aides structurelles versées par l’Union Européenne à la Grèce, effectivement elles servaient de gages ! Il ne fallait donc pas que cet argent soit investi dans des infrastructures, mais détourné pour être reversés à Atlas Securitisation SA ! Une arnaque d’Etat. Est-ce le début de la fin pour la Grèce ? Les banques allemandes Eurohypo, Hypo Real Estate et Postbank n’achèteront plus de dette grecque, selon Eurointelligence (citant le FT Deutschland)… On ne sera pas surpris d'apprendre que la notation de la dette grecque risque d'être encore dégradée. Et enfin, juste pour rire, on apprend qu’un ancien de Goldman Sachs vient d’être nommé responsable de l’agence chargée de la dette grecque (l'équivalent de notre AFT).

Details on those other Greek debt deals, FT/Alphaville

A run on Greece, Eurointelligence

La Grèce sous la pression des agences de notation, Le Figaro

Un ancien de Goldman Sachs nommé responsable de l’agence chargée de la dette grecque, NextFinance

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 24 février 2010

Budget de l’Etat : changer de méthode

L’ampleur de la dette publique et des déficits oblige à renouveler notre façon de gérer le budget de l’Etat, il ne faut pas se laisser enfermer dans des habitudes comptables mais savoir s’interroger sur la façon de contrôler les dépenses et les recettes. A cet égard, deux idées intéressantes nous viennent du ministre des finances d’Israël :
1) Faire un budget bisannuel : on l’oublie tant cela est entré dans nos habitudes, mais le budget de l’Etat est remis sur le métier tous les ans, un délai très court. Les hommes politiques dénoncent la myopie des marchés, mais ils ne font guère mieux ! Planifier les dépenses sur deux ou trois ans permettrait (ou obligerait à) des actions plus volontaires, plus structurelles, en un mot plus réformatrices, alors que le budget annuel n’offre qu’une vision purement comptable et jouant à la marge, quelques pourcents par ci ou par là. Il existe déjà des lois de programmation militaire s’étendant sur plusieurs années (et pour cause, les équipements militaires, coûteux et d’une durée de vie d’une décennie au moins, interdisent une vue à l’année), pourquoi ne pas l’étendre aux autres domaines ?
2) Déterminer l’augmentation des dépenses publiques en fonction du rapport entre la dette publique et le PIB. C'est-à-dire fixer un taux d’endettement par rapport au PIB et ne pas y déroger. Pour s’y tenir, deux solutions : le contrôle des dépenses et/ou la croissance (du PIB justement), ce qui permet de ne pas se limiter à un simple gel des dépenses mais d’articuler le poids de l’Etat par rapport à la croissance. On se donne ainsi plus de marges de manœuvre, et on montre clairement à tout le monde que la croissance est aussi un excellent moyen de faire diminuer le poids de la dette (un message encourageant !).

Le ministre des finances propose une révolution dans la gestion des finances publiques, Israël Valley

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 19 février 2010

Swaps et manipulation

La Grèce n’est pas le seul pays à maquiller sa dette grâce à des outils financiers complexes, l’Italie, l’Espagne et le Portugal y ont aussi eu recours. Mais, à notre avis, l’article du Monde fait une erreur en mettant la France (et l’Allemagne) dans le même sac : ce n’est pas parce que ces pays utilisent des swaps qu’ils trichent tous ! Pour la Grèce, le swap n’est que l’habillage d’une manipulation destinée à récupérer de l’argent frais sans s’endetter (mais en gageant des ressources futures, voir notre précédente note). Pour la France, en fait l’AFT (Agence France Trésor) qui gère la dette, il s’agit de gestion active de la dette, en l’occurrence de réduire la durée de vie moyenne de la dette, et ainsi sa charge (voir la note de l’AFT ci-après). La Cades (qui gère la dette de la sécu) utilise également des swaps de devises parce qu’elle emprunte pour partie en dollars, mais ces swaps sont destinés à se couvrir contre les variations euro/dollar, ils n’ont aucune vocation spéculative ou dissimulatrice, seulement de couverture. On peut critiquer le fait que la Cades emprunte en dollars, mais cette couverture par des swaps procède d’une saine gestion (voir cette note). Rien ne nous permet de penser que la France s’est livrée à des manœuvres frauduleuses comme la Grèce, même s’il faut bien sûr rester vigilant.

La Grèce n'est pas la seule à "maquiller" sa dette, Le Monde

Utilisation du swap, sur le site de l’AFT

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 15 février 2010

Le scandale de la dette masquée

Bien, la situation est finalement plus grave que prévue, un article du New York Times de ce week end nous l’apprend. Non seulement la Grèce a triché sur ses statistiques nationales et budgétaires (pour entrer dans l’euro, et au cours de cette année qui a vu un changement de gouvernement), mais en plus – c’est ce que nous apprend le quotidien américain – la Grèce a masqué l’ampleur de sa dette, avec l’aide de Goldman Sachs ! Les critères de Maastricht empêchant de trop augmenter la dette, la Grèce – conseillée par Goldman Sachs (300 millions de dollars de commission pour cette opération, merci) – a trouvé une autre formule : du cash contre des versements futurs, ce qui formellement n’est pas une dette mais un swap (un échange de flux financiers entre deux parties) ; le tour est joué. En l’occurrence, la Grèce a reçu une somme d’argent et devra verser pendant plusieurs années (à Goldman Sachs ou à une structure ad hoc) une part de ses redevances aéroportuaires et des revenus de sa loterie nationale. La Grèce se vend par morceau pour financer son déficit, sans en avertir la population car tout a été fait dans le plus grand secret. On est au-delà de la nausée. Et s’il n’y avait que la Grèce, le vilain petit canard de l’Europe, mais non, l'Italie, l'Espagne et le Portugal ont également utilisé de tels expédients ! Là c’est la construction européenne elle-même dont la crédibilité est atteinte, car que vaut l’euro et les règles communes si des pays peuvent mentir et dissimuler leurs comptes à ce point ? Et bien sûr, quand leurs emprunts d’Etat sont attaqués sur les marchés, ceux qui dirigent ces pays accusent la «spéculation», bah voyons. Ce sont des irresponsables. Une question se pose : la France a-t-elle utilisé de tels outils ? «La France, mais enfin Monsieur !». Bon d’accord, mais nous serons vigilants…

Wall St. Helped to Mask Debt Fueling Europe’s Crisis, New York Times

Goldman Sachs aurait aidé la Grèce à camoufler sa dette, Le Figaro


Philippe Herlin
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mercredi 10 février 2010

Cour des comptes : la dette s’emballe

Dans son rapport annuel, la Cour des comptes revient sur la dette publique française : la dette s'emballe et risque d'approcher 100 % de PIB en 2013. La charge des intérêts pourrait atteindre 90 milliards d'euros. "Il existe un risque, certes non automatique, de dégradation de la notation des dettes souveraines", écrit la Cour. 90 milliards de «charge des intérêts» (c’est le poste «service de la dette» dans le budget de l’Etat, ce que coûte la dette), c’est le double d’aujourd’hui, en l’espace de seulement trois ans ! Et c’est un chiffre «toutes choses égales par ailleurs», notamment avec un taux d’intérêt comparable à celui que l’on connaît aujourd’hui, alors que l’on sait parfaitement que la politique laxiste des banques centrales ne pourra se maintenir indéfiniment. Les recettes du budget 2010 s’élèvent à 252 milliards d’euros, un budget «de crise», soyons gentiment optimistes et considérons un chiffre de 300 milliards de recettes pour 2013 (en 2006, avant la crise, elles s’élevaient à 287,5) et l’on voit que les charges de la dette représentent presqu’un tiers des recettes de l’Etat ! La conclusion est claire : la réduction du déficit devient impossible, on entre dans un processus d’emballement, de boule de neige. Au passage nous aurons perdu notre AAA bien sûr. Nous serons alors dans la situation de la Grèce, au bord de la banqueroute. Il est encore temps d’inverser la tendance mais le temps presse !

Dette : la Cour des comptes exhorte l'Etat à agir vite et fort, Les Echos

Le rapport de la Cour des comptes

Philippe Herlin
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mardi 9 février 2010

La spéculation a bon dos !

Depuis que la Grèce à fait connaître ses problèmes budgétaires suite au changement de gouvernement, les tensions se sont nettement accrues dans la zone européenne, l’Espagne et le Portugal sont touchés à leur tour et l’euro glisse face au dollar. Mais la principale réaction que l’on constate, aussi bien chez les gouvernants que parmi de nombreux éditorialistes, est «haro sur la spéculation» ! Loin de nous l’idée de défendre les hedge funds qui spéculent sur une sortie de la Grèce ou de l’Espagne de la zone euro, ou sur un défaut de paiement, mais cette «spéculation» dénoncée comme le bouc émissaire n’existe que par deux manquements graves, de la seule responsabilité des gouvernements européens. Premièrement le manque complet de crédibilité des plans de rigueur présentés par la Grèce, l’Espagne et le Portugal, qui se contentent de limiter la progression des dépenses publiques et de créer de nouveaux impôts. Face à l’ampleur des déficits c’est tout à fait insuffisant. Deuxièmement l’absence de règles européennes pour faire face à ce type de problème. Les critères de Maastricht sont complètement dépassés, qu’est-ce qu’on fait ? On ne sait pas ! Rien n’est écrit dans le pourtant très volumineux traité constitutionnel récemment adopté dans toute l’Union. Si un pays connaît un défaut de paiement sur ses emprunts, faut-il le sortir de l’euro ? Faut-il l’aider ? Comment ? A tout le moins, un mécanisme de type FMI (une aide conditionnée par un programme imposé de réduction des dépenses publiques) aurait permis de clarifier les choses et de mettre les pays trop dispendieux face à leurs responsabilité. Au lieu de cela chacun joue au poker menteur : la Grèce (aidez-moi sinon je fais un malheur), l’Espagne («l’euro est une monnaie forte» affirme Zapatero, on applaudit la méthode Coué), la BCE («nous n’aiderons personne», au risque de jouer la crédibilité de l’euro ?), l’Allemagne et la France (nous ne ferons rien… sauf au dernier moment mais on ne va pas le dire), pendant que Barroso et Rompuy (humour) sont aux abonnés absents. Une situation rêvée pour les spéculateurs !

Philippe Herlin
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samedi 6 février 2010

La BCE joue avec le feu !

Suite de l’article d’hier, à savoir sur la BCE qui commence à faire de grosses erreurs, pouvant affecter la crédibilité même de l’euro. Après avoir approuvé le plan bidon présenté par le gouvernement grec (voir la note précédente), la BCE souhaite maintenant pouvoir garder le secret sur ses opérations de sauvetage des banques (bravo à Olivier Demeulenaere pour avoir signalé cette info). Cela signifie deux choses :
- La crise n’est pas terminée, au contraire elle risque même de ressurgir et de mettre à nouveau en péril le système bancaire. La glissade des bourses dans le monde depuis deux semaines semble indiquer que les nuages noirs s’approchent…
- La BCE croit bien faire en gardant secret l’aide qu’elle apporte aux banques, mais ce faisant elle endosse le risque systémique et met en péril la crédibilité de l’euro, ce qui est contraire à sa mission. Et par ailleurs c’est totalement antidémocratique.
Espérons que les gouvernements européens et l’opinion s’opposeront à cette dérive gravissime.

La BCE souhaite le secret pour certains sauvetages de banques, Reuters

Philippe Herlin
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vendredi 5 février 2010

L’erreur de la BCE

La pression sur les dettes souveraines augmente encore d’un cran, Moody’s en vient à menacer les Etats-Unis de leur faire perdre leur AAA… Mais c’est en Europe que la tension est la plus forte, l’éditorialiste des Echos François Vidal évoque un «scénario à la Lehman» : «Un bras de fer est désormais engagé entre les marchés et la zone euro. Et son issue est incertaine. Tant que le risque était circonscrit à la Grèce aux déficits publics abyssaux et à l'économie vacillante, mais dont le poids dans la zone euro reste marginal, la peur d'un effet domino s'apparentait davantage à un fantasme qu'à une réalité économique. Depuis hier, la donne a changé. En pointant du doigt la fragilité de deux autres maillons supposés faibles de l'euroland, à savoir le Portugal et surtout l'Espagne, 4e économie de la zone, les marchés ont donné corps au risque de contagion. C'est désormais l'ensemble des composantes de la monnaie unique qui se retrouvent sous pression.»

Le «mur de la dette» se rapproche et la BCE vient peut être de commettre sa première erreur dans ce domaine. D’habitude austère et suspicieuse, la Banque centrale européenne vient de donner sa bénédiction au plan de rigueur présenté par la Grèce. La BCE «approuve les objectifs à moyen terme» que se fixe la Grèce pour sortir de son impasse budgétaire, et témoigne sa «confiance dans le gouvernement pour prendre les décisions en vue d'atteindre cet objectif», a déclaré Jean-Claude Trichet. Quelle blague ! La Grèce, qui a triché à plusieurs reprises sur ses statistiques, présente un plan ridicule comparé aux enjeux (des taxes sur l'énergie, le gel du traitement des fonctionnaires et le recul de l'âge du départ à la retraite) et la BCE applaudit ! Résultat l’euro dévisse. Et le premier ministre grec d’accuser la «spéculation», quel comique ce Papandréou ! Quel incapable surtout. La BCE avait jusqu’ici plutôt pas trop mal joué depuis la crise (stabilité dans la communication, refus de la planche à billet, remontrances aux Etats pour leurs déficits), mais en approuvant les mesurettes grecques, elle vient de commettre un faux pas.

La dette publique pourrait coûter aux Etats-Unis leur note AAA, Les Echos

Euro : un scénario à la Lehman, Les Echos

Mur de la dette et crédibilité des politiques publiques, Les Echos

Trichet relativise la gravité des déficits budgétaires au sein de la zone euro, Les Echos

Lire aussi l'édito de Jean-Michel Apathie

Philippe Herlin
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lundi 1 février 2010

Déficits : des efforts nettement insuffisants

Il y a un point commun entre la dette publique grecque et celle de la France : les deux tiers sont détenues par des non-résidents (étude Natixis page 3), un taux très élevé qui rend cette dette très sensible au contexte international (on rappelle que c’est seulement 28% pour la dette US et 7% pour le Japon). Une crise de confiance se traduit immédiatement par un risque de disparition des investisseurs, à moins de proposer des taux très élevés comme l’a fait la Grèce (6%). Cela devrait nous servir d’avertissement, au lieu de cela le plan de redressement que propose le Premier ministre François Fillon est aussi peu crédible que celui de son homologue grec Georges Papandréou, qu’on en juge : «Ce plan prévoit que les dépenses publiques globales progresseront à un rythme inférieur à 1% par an. […] Quant à l'objectif de progression des dépenses de l'assurance-maladie, il devra descendre sous les 3%». Cela peut-il suffire pour revenir à 3% de déficit en 2013, relance le journaliste ? «Oui, si nous parvenons à partir de 2011 à atteindre une croissance de 2,5% par an. Ce rythme me paraît crédible compte tenu de la stratégie de croissance que nous sommes en train de mettre en place». Qui peut croire cela ? On fait la même politique depuis trente ans : surtout pas de réforme de structure parce qu’on est tétanisés par les syndicats et les corporatismes, et on comprime (on l'annonce surtout) les dépenses budgétaires en espérant que la croissance déversera sa corne d’abondance dans les caisses de l’Etat. On peut en constater les résultats : toujours plus de déficit et de dette.

Ce que la situation de la Grèce nous apprend sur le fonctionnement de la zone euro, Natixis

Fillon est «déterminé à faire des efforts sans précédents», Le Figaro

Philippe Herlin
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