lundi 29 mars 2010

La part des non-résidents, un indicateur crucial

Alors que l’inquiétude sur la dette souveraine s’accroît de jour en jour, il existe un indicateur à garder à l’esprit, autant sinon plus crucial que le taux d’endettement par rapport au PIB, nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, c’est le taux de détention de la dette publique par les non-résidents. En effet, lorsqu’un pays connaît une perte de confiance sur sa dette, les effets destructeurs sont d’autant plus importants qu’il se finance en priorité sur les marchés internationaux. Le Japon est certes endetté à hauteur d’environ 200 % de son PIB (plus du double de la France), mais cette dette est entièrement absorbée par l’épargne nationale, ce qui lui donne une sécurité bien plus grande que la France qui place, elle, les deux-tiers de sa dette auprès des non-résidents (marquant ainsi la disproportion entre la dette de l’Etat et l’épargne nationale). En cas de perte de confiance au niveau international, la France se trouverait rapidement en défaut de paiement et en banqueroute, alors que le Japon peut encore compter sur son épargne nationale (l’inquiétude qui apparaît actuellement sur la dette japonaise vient justement du fait que l’abondante épargne locale ne suffit plus et que le gouvernement va devoir faire appel aux investisseurs internationaux, et donc gagner en crédibilité). Pour les Etats-Unis la part des non-résidents s’établit à 28 %, une situation assez « sécurisante » également, et qui relativise les discours rendant les Américains dépendant des Chinois (voir cette note). Il en va tout autrement pour les grands pays européens qui, eux, dépendent largement des non-résidents, que ce soit l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas, c’est plus de la moitié de la dette qui est détenue par des non-résidents ! Pour la Grèce, qui ne figure pas dans ce graphique (…), la part des non-résidents est des 2/3, d’où l’acuité de la crise. Il y a bien sûr beaucoup de détentions croisées intra-européennes et la part des non-résidents au niveau de l’Europe serait certainement inférieure, mais c’est ici un pur calcul abstrait car en situation de crise les frontières réapparaissent comme on le voit avec la Grèce… En tout cas cette fragilité spécifique des dettes souveraines européennes ne fait que rendre plus urgente la réduction des déficits.

Structure of government debt, Eurostat
> part des non-résidents (liste des pays)

United States public debt, Wikipedia
> graphique “Estimated ownership”, voir « Foreign and international »

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr