mardi 30 novembre 2010

L’engrenage

Une crise, une vraie crise, correspond à une situation inextricable qui ne peut se résoudre que par un effondrement économique, comme cela est arrivé en 1929, ou a failli le 15 septembre 2008. Nous sommes en train d’approcher une telle situation critique.

« Les banques portugaises pourraient être confrontées à un "risque intolérable" si le pays ne parvient pas à consolider ses finances publiques, a prévenu mardi la banque centrale. » (Reuters). Effectivement, si la dette souveraine du Portugal est dégradée par les agences de notation (ou si l’Etat portugais fait défaut ou doit rééchelonner), les banques portugaises, qui en ont plein dans leur bilan, se retrouveront avec un actif « spéculatif », dévalué, dont la valeur doit être sévèrement diminuée. Conséquence, le marché interbancaire se fermera, elles devront lever des milliards d’euros pour provisionner ces actifs, mais qui voudrait leur prêter ? Personne. Et surtout pas l’Etat portugais, à court d’argent et ayant perdu la confiance des investisseurs. Résultat, faillites du système bancaire et de l’Etat, et un effondrement économique.

Mais ce que l’on vient de décrire pour le Portugal peut se produire à l’échelle de l’Europe. Les banques et les assurances européennes sont gavées d’obligations souveraines des pays de la zone euro. Une défiance envers l’Espagne, l’Italie ou la France provoquerait une onde de choc destructrice dans le système bancaire et envers l’euro lui-même. Aujourd’hui on ne sait répondre à ce type de crise que par un surcroît d’endettement public (le FESF), c'est-à-dire encore plus d’obligations publiques, achetées par les banques ! On tourne en rond, en apesanteur, jusqu’à l’écroulement final.

Déjà des tensions apparaissent sur le marché interbancaire européen. Les taux ne montent pas encore parce que « la BCE agit maintenant comme une sorte de contrepartie centrale au marché interbancaire, autorisant les différentes parties à prêter-emprunter auprès d'elle sans être obligées de se prêter entre elles » selon Les Echos. Mais l’inquiétude est réelle. Des rumeurs de dégradation courent sur la France (Le Figaro) et le spread de taux d’intérêt avec l’Allemagne s’agrandit (Reuters).

Il faut sortir de cette logique d’accumulation de l’endettement public pour retrouver le chemin de la croissance (par des réformes structurelles que seule l’Allemagne, parmi les grands pays, a réalisées jusqu’ici en Europe) et de la baisse des dépenses publiques, sinon…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 26 novembre 2010

Crise de l’euro : un effet domino ?

Comme le disait Nouriel Roubini : « De manière concrète, on peut définir une crise financière comme un événement qui contraint les dirigeants politiques à passer un long week-end à essayer désespérément d’annoncer un nouveau plan de sauvetage destiné à éviter la panique au niveau national et international avant la réouverture des marchés le lundi matin. » (« Ce n’est pas la fin de la crise ! » 14 mai 2010). Nous y sommes ! Les ministres des finances de la zone euro vont organiser une téléconférence dimanche tandis que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se concertent pour éteindre l’incendie.

Faut-il craindre une contagion de la crise à la France ? Pour sûr, même l’Allemagne peine à emprunter ! Le renflouement de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne obligerait à activer le FESF, certains à Bruxelles parlent même d’en doubler la taille, fixée à 440 milliards d’euros aujourd’hui. Mais ces 440 milliards n’ont pas encore été levés (c’est un plafond, simplement), imagine-t-on que les investisseurs européens et mondiaux vont acheter des centaines de milliards d’obligations émises par le FESF, en plus de celles émises par l’Allemagne, la France, l’Italie, etc alors que la crise s’étend en Europe et que l’euro baisse ? Certainement non (« les investisseurs encore acheteurs de dette européenne la semaine dernière sont désormais tous vendeurs » selon le Financial Time). On fait comment alors ? (reste à faire comme la Fed, monétiser à tour de bras…)

L’agence Reuters commence à « imaginer l’impensable » : l’éclatement de la zone euro. Nous sommes dans une crise systémique. Bon week-end à nos ministres des finances européens.

Accord sur une aide de l'Europe et du FMI à l'Irlande attendu dimanche, La Tribune

Les marchés s'affolent, la contagion gagne le Portugal, Le Figaro

L'Allemagne peine à emprunter, Le Figaro

Imaginer l'impensable, un éclatement de la zone euro, Reuters

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 23 novembre 2010

La fuite devant la réalité

On y voit plus clair dans le plan d’aide à l’Irlande, même s’il faudra attendre quelques semaines pour que les modalités précises soient établies entre Bruxelles et Dublin. On parle d’une aide totale de l’ordre de 90 milliards d’euros, mais au final le FESF (Fonds européen de stabilité financière) pourrait ne pas être sollicité, ou très peu. Le FESF est directement garanti par les grands pays européens (le FESF lève des fonds en son nom, mais si un pays auquel il a prêté fait défaut, l’Allemagne, la France, etc payent la note ! et c’est notre AAA qui saute au passage). L’Union européenne possède en effet une capacité à s’endetter de 60 milliards d’euros (par le MESF, Mécanisme européen de stabilité financière), le FMI interviendrait à hauteur de 50 % et le Royaume-Uni ferait un prêt bilatéral de 8 milliards d’euros ; ça pourrait suffire. De son côté, l’Irlande garderait son taux d’impôt sur les sociétés de 12,5 %, le plus bas d’Europe. Tout est bien qui finit bien ?

Non car on parle maintenant de contagion vers le Portugal et l’Espagne, également empêtrés dans leur dette publique. Et on reparle de la Grèce, l’UE et le FMI doutent qu’elle puisse rembourser les 110 milliards du prêt européen en 2014 et 2015 (c’est évidemment impossible). En fait les dirigeants européens (hormis Berlin et Londres) refusent de prendre conscience des déséquilibres structurels de leurs comptes publics ainsi que d’admettre l’absence de toute reprise économique. Et ils espèrent passer ce mauvais cap en rajoutant de la dette publique européenne à de la dette publique nationale. Ou en essayant de bercer d’illusions les marchés, comme avec ces stress-tests sur les banques européennes réalisés en juillet dernier et que les banques irlandaises, aujourd’hui en faillite totale, passaient sans encombre.

Surtout pas de remise en cause, on apprend par exemple que le FMI vient d’embaucher, pour diriger son département européen, un ancien de Goldman Sachs qui a directement participé au maquillage des comptes publics de la Grèce… Et juste pour rire, le site France.fr dépense un demi-million d’euros pour fabriquer un spot niaiseux vantant les mérites de la France ; ceci dit on pourra toujours le recycler lorsqu’il faudra quémander une aide européenne.

Comment fonctionnera le plan de sauvetage irlandais, Le Figaro

Grèce: vers un nouveau prêt (FMI et UE), Le Figaro

Un ancien de Goldman Sachs à la tête du département Europe du FMI, AFP

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 22 novembre 2010

Merci le con-tribuable !

Le principe du plan d’aide à l’Irlande a été acté mais ses modalités précises restent à préciser, nous y reviendrons. L’Union européenne, le FMI et le Royaume-Uni (par l’intermédiaire d’un prêt bilatéral) vont apporter environ 90 milliards d’euros. 90 milliards versés par des structures étatiques, c'est-à-dire concrètement de l’argent public, donc prélevé dans les poches des contribuables. Uniquement. Alors posons la question sacrilège : pourquoi les banques ne contribuent-elles pas ? Les banques et, d’une façon générale, tous les investisseurs qui ont acheté de la dette irlandaise. Les banques françaises sont en effet particulièrement exposées à la dette « périphérique » (Grèce, Irlande, Portugal). Et pourquoi les banques françaises et européennes ont-elles acheté de la dette grecque ou irlandaise ? Parce que ça rapporte plus ! Les bons du Trésor allemand ou français rapportent 2 à 3 % d’intérêt quand les grecs ou les irlandais offrent 5 à 8 %, pourquoi se gêner. Depuis longtemps confrontés à des difficultés budgétaires, ces pays doivent offrir un meilleur rendement à leurs émissions obligataires. Sauf que le risque de banqueroute ou de rééchelonnement aurait du être pris en compte, ce que se sont bien gardées de faire les banques, se persuadant que la zone euro ne laisserait jamais tomber ces pays, et n’accepterait même pas un rééchelonnement. Et ce plan vient confirmer cela. Merci qui ? Merci le con-tribuable !

L'Europe s'accorde sur un plan de soutien à l'Irlande, Le Figaro

Grèce, Irlande, Portugal: les banques françaises très exposées, Slate.fr

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

samedi 20 novembre 2010

Roubini inquiet sur la dette de la France

Pour faire suite au billet précédent, c’est maintenant l’un des économistes les plus lucides sur la crise actuelle, Nouriel Roubini, qui se met à douter de la dette française. « La France, par certains aspects essentiels, n'a pas l'air en bien meilleur état que la périphérie » de la zone euro, a-t-il affirmé sur CNBC, « ils n'ont rien fait d'un point de structurel, leur déficit budgétaire est élevé, politiquement ils sont limités dans leur capacité à faire des réformes. » Bien vu, rien à rajouter.

La France pas mieux que Grèce ou Irlande selon Nouriel Roubini, AFP

Nouriel Roubini sur CNBC

Philippe Herlin

jeudi 18 novembre 2010

Des tensions sur la dette française ?

Dans mon livre « France, la faillite ? » j’ai signalé que l’Etat avait, depuis la crise de 2008, augmenté son endettement à court terme (page 70) ; cela a un avantage (l’endettement à court terme coûte moins cher) mais un inconvénient majeur (il faut revenir plus souvent sur les marchés, et en période de crise et de tension c’est risqué), c’est en somme un calcul à courte vue, et il fut dénoncé comme tel par la Commission des finances du Sénat. Eh bien la France fait machine arrière et le fait savoir par une interview du directeur général de l’Agence France Trésor (AFT), Philippe Mills, à l’agence de presse Reuters, en pleine période de crise sur la dette irlandaise. L’endettement à court terme (moins d’un an) est passé de 18,6 % du total de la dette de l’Etat à 15,7 % au cours de l’année 2010, et l’effort sera poursuivi en 2011. Ce revirement traduit clairement un début d’inquiétude des investisseurs, mais qui ne se manifeste pas pour l’instant par des tensions palpables sur les marchés (hausse des taux ou des CDS). Incontestablement, la situation est tendue.

La France réduit l’encours de sa dette à court terme, Reuters

> A signaler que France, la faillite ? a fait l’objet d’un deuxième tirage et continue donc de bien se vendre. Je rappelle aux lecteurs de ce blog que 80 % du contenu du livre est inédit et n’a pas été publié sur ladettedelafrance.fr, la lecture des deux est ainsi parfaitement complémentaire ! Son prix est de 14 euros seulement.

> Par ailleurs, je participe au colloque « Dette publique : la France en faillite ? » jeudi prochain à Paris

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 17 novembre 2010

Le plan d’aide à l’Irlande en négociation…

Le principe du plan d’aide à l’Irlande a été acté lors de la réunion des ministres des finances de la zone euro hier à Bruxelles. Reste à en négocier, dans les jours qui viennent, les modalités, et celles-ci tournent autour de deux axes :
1) Qui va payer ? Comme nous l’expliquions dans notre billet précédent, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) n’existe que sur le papier, et la France et l’Allemagne n’ont pas vraiment envie de solliciter les marchés à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, Paris pourrait craindre pour son AAA. Solution toute trouvée : faire payer les Anglais ! Ils avaient réussi à se faire oublier lors du renflouement de la Grèce, manque de chance cette fois, leurs banques sont très engagées auprès du système financier irlandais, ils sont coincés. Le chancelier de l’échiquier George Osborne, qui met actuellement en place un plan de réduction drastique de la dépense publique, va être très content de mobiliser des dizaines de milliards de livres dont il n’est pas vraiment certain de revoir la couleur… D’autre part, le FMI, qui était regardé de travers par les capitales européennes lors de la crise grecque (son intervention était perçue comme une atteinte à la souveraineté de l’Europe) est maintenant accueilli à bras ouverts, il pourrait contribuer à la moitié du financement total selon le Wall Street Journal…
2) Quelle contrepartie pour l’Irlande ? Dublin a mis en place dès 2009 un vrai programme de contrôle des dépenses publiques, on ne peut donc pas l’attaquer sur ce point, mais il y a un élément qui énerve les capitales européennes, c’est son dumping fiscal ; voilà où frapper ! « Dublin redoute notamment que ses partenaires européens lui réclament une hausse de l'impôt sur les sociétés - de 12,5% actuellement et l'un des plus bas en Europe - qui est à la base du miracle irlandais et que les Irlandais eux-mêmes sont prêts à défendre bec et ongles. » (Les Echos). Ce serait pourtant un calcul à courte vue puisqu’il affaiblirait l’économie et les recettes fiscales futures de l’Irlande. D’où le discours du gouvernement irlandais affirmant que ses banques ont besoin d’un renflouement mais nullement l’Etat (sous-entendu, ne touchez pas à ma politique fiscale).
Résultat dans les jours qui viennent…

La zone euro acte le principe d'une aide à l'Irlande, Les Echos

Le plan d’aide prend forme, Boursier.com

Aide à l'Irlande: décision prochaine, AFP

Le Royaume-Uni "prêt" à aider l'Irlande, AFP

Addendum : les banques britanniques sont engagées à hauteur de 222 milliards de dollars auprès de Dublin !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 15 novembre 2010

Une crise de l’euro cette semaine ?

Ca se complique dangereusement, l’Irlande serait en discussion avec Bruxelles pour un plan de renflouement, tandis que le Portugal pourrait sortir de l’euro, selon son ministre des affaires étrangères. Rappelons que l’outil de la zone euro pour parer à une crise de la dette souveraine, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière), est purement virtuel puisque les 440 milliards sensés être apportés par les pays européens n’ont pas été levés sur les marchés ! Imagine-t-on l’Allemagne, la France, et quelques autres pays (Autriche, Pays-Bas, Italie peut être, mais pas l’Espagne en difficulté), lever sur les marchés financiers des centaines de milliards d’euros, en plus de leurs propres programmes d’émissions, comme ça, sans risque sur leur notation ? Et, sur le fond, rajouter de la dette à de la dette ne constitue pas une solution. Les autorités européennes sont face à un dilemme : 1) renflouer les pays en difficultés, mais l’endettement public dans la zone euro atteint des limites dangereuses, ou 2) rééchelonner les dettes des PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne), éventuellement en les sortant de l’euro, mais la dépréciation de leur dette provoquera une crise bancaire européenne (des centaines de milliards de bons du Trésor de ces pays se trouvent en effet dans les comptes d’institutions financières européennes, une dépréciation générerait des pertes très importantes). Dans les deux cas c’est la crise…

Panique dans la zone euro, Presseurop

Le Portugal pourrait devoir renoncer à l'euro, Les Echos

L'Irlande appellerait à l'aide pour ses banques, Le Figaro

L'Irlande entretient l'ambiguïté sur un plan de sauvetage européen, Le Monde

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 12 novembre 2010

Craintes sur la Grèce, l’Irlande et le Portugal

Comme l’indique « BA » dans les commentaires du billet précédent, la situation se tend dangereusement pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Les taux d’intérêt exigés montent à des niveaux de plus en plus élevés, tandis que la Grèce, on l’a déjà dit, ne peut plus emprunter qu’à court terme, le moyen-long terme lui est en fait fermé. Selon un sondage réalisé par l’agence financière Bloomberg auprès de professionnels de la finance, désormais la moitié d’entre eux (51 %) croient à une banqueroute de l’Irlande, c’est plus que le Portugal (38 %) mais moins que la Grèce (71 %)… Manifestement, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) ne suffit pas à rassurer les marchés, il va falloir trouver autre chose, et vite.

Plus d’un financier sur deux craint une banqueroute irlandaise, Boursier.com

Crise de la dette irlandaise : au G20, cinq ministres des finances européens tentent de rassurer, La Tribune

Par ailleurs, le podcast de mon débat avec Henri Sterdyniak sur RFI le 11 novembre : « Que faut-il attendre du G20 ? »

Philippe Herlin

lundi 8 novembre 2010

Guerre en coulisses

Une guerre feutrée se livre dans les coulisses des lieux de pouvoir, celle des Etats contre les agences de notation. La dégradation de la note d’un pays a de graves conséquences, on le sait, d’un renchérissement significatif des emprunts à la crise de confiance. Pour se libérer de cette menace, Bruxelles commence à entraver le business des agences de notation, et même à les taper au portefeuille, suivant en cela l’exemple de Washington. Après les avoir placées (pour janvier 2011) sous la supervision de la future autorité européenne des marchés financiers, l’Europe réfléchit tout haut pour imposer de nouvelles règles de transparence, selon Le Monde, « Etant donné l'importance et les spécificités des notations souveraines, il pourrait être justifié d'augmenter le niveau de transparence et d'ajouter des obligations spécifiques que les agences devraient respecter ». En outre, les agences pourraient être obligées de publier gratuitement l'intégralité de leur rapport (lorsqu’elles dégradent un pays) et ne plus être rémunérées par les pays qu’elles notent. On ne va pas défendre ici les agences de notation (un oligopole, n’ont rien vu des subprimes, en conflit d’intérêt intrinsèque puisqu’elles sont rémunérées par ceux qu’elles notent), mais tout de même, casser le thermomètre, même imprécis, ne constitue pas une solution. Et lorsque l’on donne des leçons de transparence, il faut montrer l’exemple, or on vient d’apprendre que la BCE a refusé de divulguer des documents internes montrant comment la Grèce a utilisé des instruments dérivés pour cacher sa dette… La confiance ne reviendra pas sur les marchés sans la transparence, et personne ne doit s’y soustraire.

L'Europe veut durcir les règles pour les agences de notation, Le Monde

ECB Rejects Request for Greek Swap Files, Citing `Acute' Risks, Bloomberg

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 3 novembre 2010

La Société Générale joue avec le risque

La Société Générale annonce une forte hausse de son bénéfice trimestriel. Génial, alors c’est la reprise ? Pas du tout, cela résulte d’opérations comptables, à savoir un « recul plus prononcé que prévu des provisions pour pertes sur le crédit », une « baisse du coût du risque » (une notion par ailleurs contestable) ainsi, paradoxalement, qu’une hausse de la « valeur de son portefeuille d'instruments de couverture (CDS) » puisque la tension sur les marchés s’accroît (les CDS servent en effet à se couvrir contre le risque, fort bien, mais ce produit c’est aussi de la nitroglycérine, une bulle, mais c’est un autre problème). Remarque en passant, notons une contradiction entre le troisième effet comptable et les deux premiers. Deuxième remarque, pour rire : "L'embellie est favorisée par la bonne tenue du portefeuille d'actifs illiquides", des actifs illiquides (invendables c'est à dire qui ne valent rien) mais qui se "tiennent bien", comprenne qui pourra, ça doit être de l'humour de banquier. Bref, la Générale fait comme les banques américaines, une baisse des provisions et du coût du risque, qui produit une hausse du bénéfice, largement artificielle. Dangereuse même puisque les risque réels augmentent dans des proportions inquiétantes : Forclosuregate aux USA (cf les articles de Vincent Bénard) et problèmes de dettes souveraines en Europe. D’ailleurs la restructuration de la dette grecque devient de plus en plus inévitable, la Société Générale a-t-elle fait des provisions en conséquence ? Bien sûr que non. Et pour le Portugal, l’Espagne ? Non plus. En négligeant ainsi un risque pourtant évident, les banques vont amplifier, plutôt qu’amortir, une crise des dettes souveraines européennes qui se profile à l’horizon.

Société Générale tourne le dos à la crise, Le Figaro

Grèce : le spectre d'une restructuration ressurgit, Le Figaro

Spécial promo : mon livre chroniqué par Hashtable

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr