jeudi 23 décembre 2010

Prévisions pour 2011 (2)

Pour faire suite aux commentaires du billet précédent, rajoutons quelques éléments clés à surveiller de près :
- Les problèmes de dette privée aux Etats-Unis sont loin d’être terminés, il reste des prêts aux particuliers qui vont arriver à échéance, les crédits conso (dont le taux de défaut explose) ont également été titrisés, etc, les banques en ont plein leurs bilans. Plus globalement, il existe un réel risque de deuxième crise (« Double-dip ») ; nous n’avons, ici, jamais cru à la « reprise ».
- La Belgique, qui n’a toujours pas de gouvernement, a vu sa note mise sous surveillance par S&P.
- Toute la zone euro est sous pression, les montants à lever pour financer les dettes publiques sont énormes (cf commentaire de BA), le risque d’effondrement est réel.
- La France enfin, paralysée jusqu’à l’élection présidentielle de 2012, inquiète de plus en plus (The Daily Reckoning, MailOnline) et… la Picardie vient d’être dégradée ! Pas d’inquiétude, l’Etat est garant des collectivités locales.

Bonnes fêtes de fin d’année quand même !

Philippe Herlin

mercredi 22 décembre 2010

Prévisions pour 2011

Comme disait Claude Allègre, « Dieu a inventé les économistes pour que les météorologues se sentent moins seuls ». Tentons tout de même, pour le 200e article de ce blog, avant les fêtes de Noël et du Nouvel An, de formuler des prévisions pour 2011, ou plus modestement, de pointer les éléments clés à surveiller.

- La crise de l’euro : bien sûr rien n’est réglé, et ça va même plus sûrement empirer ! L’Irlande se débat encore avec ses banques (la banque publique de défaisance a repris pour 71,2 milliards d'euros de prêts immobiliers), alors que l’on sait maintenant que la Grèce devra rééchelonner, elle a même commencé. Le Portugal et ensuite l’Espagne vont-ils être touchés ? Les inquiétudes s’accroissent.

- La France gardera-t-elle son AAA en 2011 ? C’est LE point crucial, qui sera déterminant pour son équilibre interne comme pour celui de la zone euro. Le prix des CDS atteint des records, les investisseurs s’interrogent. Sortir de l’euro serait catastrophique pour certains (ce scénario exagère les choses, il associe changement de monnaie et crise de la dette, ce qui n’est pas automatique), facile pour d’autres (faisons tourner la planche à billets en abrogeant la loi de 1973, bah voyons !). Et si au lieu de se focaliser sur l’euro on s’occupait des vrais problèmes : compétitivité de notre économie, poids excessif des dépenses publiques, impôts, taxes et cotisations trop élevés, niveau de l’enseignement en baisse, etc !

- La Chine pousse ses pions : du fait de ses excédents commerciaux, sa banque centrale regorge d’euros. Elle souhaite en placer une partie en obligations du Trésor portugais. Pour acquérir un « pouvoir de négociation » et ensuite racheter le port de Lisbonne, comme elle l’a fait en Grèce avec Le Pirée ?

- Et si la crise de la dette venait des USA ? C’est le scénario qui monte, le déficit budgétaire fédéral se maintient à un très haut niveau, la dette explose, la confiance dans le dollar risque-t-elle de se retourner ? C’est ce que pensent Bill Bonner de La Chronique Agora et le blog The Economic Collapse (ainsi d’ailleurs que pour les Muni-Bonds, l’un comme l’autre).

On a du en oublier mais vos commentaires sont les bienvenus !

Philippe Herlin

lundi 20 décembre 2010

La BCE, voiture-balai de la zone euro !

La BCE s’expose doublement à la crise irlandaise puisqu’elle offre des prêts à ses banques pour qu’elles continuent à fonctionner (aucune banque commerciale ne veut leur prêter vu la dégradation de leurs comptes) et, dans le même temps, elle rachète des obligations de l’Etat irlandais sur le marché (les banques commerciales veulent s’en débarrasser vu le risque qu’elles représentent). La BCE a ainsi alloué 136 milliards d'euros de prêts spéciaux et 45 milliards de prêts en urgence aux établissements bancaires irlandais (soit 181 milliards au total). Pour les obligations d’Etat on n’en connait pas le montant exact, mais la BCE a reconnu avoir acheté, depuis la crise grecque de mai 2010, pour 72 milliards d’euros d’emprunts grecs, irlandais et portugais. La BCE est donc engagée envers l’Irlande pour au moins 200 milliards d’euros. Et ça l’inquiète bien sûr, car en cas de « restructuration » de la dette (privée et/ou publique), son capital de 5 milliards d’euros (bientôt 10) n’y suffirait pas ! On voit le mouvement : les banques commerciales se débarrassent des emprunts d’Etats en difficulté, refusent de prêter aux banques trop touchées par la crise, et la BCE vient à la rescousse des victimes pour éviter un krach financier (du type Lehman Brothers). C’est le cas pour l’Irlande, la Grèce, le Portugal, pour l’instant. Ce faisant elle récupère des créances dont la valeur réelle s’avère de plus en plus douteuse. La BCE c’est un peu la voiture-balai de la zone euro ! Aux Etats-Unis, la Fed fait la même chose mais elle monétise à tout va (Quantitative Easing II de 600 milliards de dollars), ce qui desserre la contrainte, mais ne fait que reporter le problème dans le temps cependant. Moins laxiste, la BCE subit d’autant plus de contraintes sur son bilan…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 17 décembre 2010

Un sommet pour presque rien

Les résultats du sommet des dirigeants européens réuni ce jour à Bruxelles sont plus que limités, et pas du tout à hauteur des défis actuellement posés à la zone euro. Ils concernent deux points :

1) La Banque centrale européenne (BCE) double son capital, le passant de 5 à 10 milliards d’euros. Mais est-ce seulement suffisant ? Son bilan se monte à 138 milliards d’euros, dont 72 milliards d’obligations grecques, irlandaises, portugaises. Le rééchelonnement de ces dettes publiques fait de moins en moins de doutes, et une décote (une « restructuration ») de 30 % signifierait une perte sèche de 21,6 milliards pour la BCE (72.0,3), presque deux fois son futur capital. Et l’Espagne arrive, avec ses banques totalisant 176 milliards d’euros de pertes selon Moody’s. D’autant qu’il faut aussi tenir compte de « l’Eurosystème », la structure qui réunit la BCE et les banques centrales nationales, qui est engagé auprès des banques à hauteur de 334 milliards d’euros… Les banques centrales des pays en difficultés devraient elles aussi augmenter leur capital, mais cela n’a pas été évoqué lors du sommet. Une remarque : voici encore une construction bancale puisque la monnaie européenne dépend de plusieurs banques centrales, même si la BCE a la prééminence. Que se passe-t-il en cas de dysfonctionnement ou de conflit ? Encore un élément de défiance et de risque systémique supplémentaire…

2) Pour pérenniser le mécanisme d’aide aux Etats surendettés, il a été décidé d’ajouter un paragraphe à l’article 136 du Traité européen ainsi rédigé : « Les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent établir un mécanisme de stabilité qui puisse être activé s'il était indispensable de sauvegarder la stabilité de l'euro dans son ensemble. L'octroi de toute assistance financière requise via ce mécanisme sera sujet à de strictes conditionnalités. » C’est assez abscons mais ça veut dire qu’en cas de crise on ne se décidera à bouger que si tout menace d’exploser… on avait vraiment besoin de l’écrire. Et c’est ce que fait l’UE depuis le début de la crise de l’euro, non ? Ce paragraphe sera effectif à partir de 2013, bien sûr on a le temps. Bref, on attend avec impatience le prochain sommet européen qui devra régler la prochaine crise.

Et autrement, si vous cherchez une idée de cadeau de Noël, ou une autre idée ;-)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 15 décembre 2010

Inquiétudes sur l’Espagne

Comme nous l’expliquions dans ce billet à propos du Portugal, « l’engrenage » entre les banques et l’Etat (leur dégradation financière se renforçant l’un l’autre) commence à toucher l’Espagne. Après avoir lancé, la semaine dernière, un avertissement sur les banques espagnoles, plombées par des pertes potentielles de 176 milliards d’euros, Moody’s menace désormais de dégrader une nouvelle fois la note de l’Espagne. Malheureusement logique. Le recours au Fonds européen de stabilité financière (FESF) n’est pas évoqué par l’agence de notation, et est fermement repoussé par le gouvernement ; l’enjeu est d’importance, l’Espagne assècherait à elle seule ce fonds !

Philippe Herlin

lundi 13 décembre 2010

L’Islande aussi rééchelonne !

Pour faire suite au billet précédent, il n’y a pas que la Grèce qui rééchelonne sa dette, c’est aussi le cas de l’Islande ! Le rééchelonnement, le défaut partiel ou, autre synonyme, la restructuration de la dette publique, fait ainsi son chemin, sans que les médias en parlent, pour l’instant.

Rappel historique : les trois grandes banques islandaises se sont fortement développées à l’international (RU, Irlande, Pays-Bas notamment) en captant l’épargne de particuliers alléchés par des taux d’intérêts supérieurs à la moyenne. Cette croissance à tombeaux ouverts explose en plein vol lors de la crise de 2008, les banques sont ruinées. Pour éviter une explosion sociale et une défiance envers le système bancaire, les gouvernements de Londres, Dublin et Amsterdam remboursent leurs déposants et se retournent ensuite vers Reykjavik. Les Islandais, qui n’ont pas froid aux yeux, font un référendum en mars 2010 pour refuser de payer pour leurs banques. Cependant le défaut intégral n’est pas tenable (risque de mise au ban, rétorsions commerciales, etc), résultat, il faut négocier. L’accord vient de tomber, sur une des trois banques, (mais il doit encore passer devant le parlement islandais) et chacun fait un pas, l’Islande paye mais sur un délai très long (au plus tard 2046 !) et pas en totalité (l’Irlande, qui n’est plus à ça près, en sera de sa poche pour 394 millions d’euros). Il s’agit bien d’un rééchelonnement. L’idée progresse donc (c’est ce qu’il aurait fallu faire dès le début avec la Grèce, bref).

Remarque incidente : la filiale française d’une banque batave (un exemple parmi d’autres, mais c’est le plus marquant) déploie une publicité omniprésente et offre des taux d’intérêt aguicheurs, et ça a l’air de marcher pour elle, mais au fait, les instances bancaires françaises de régulation se soucient-elles de la solidité de la maison-mère ? On l’espère.

Philippe Herlin

samedi 11 décembre 2010

La Grèce rééchelonne !

Chut, il ne faut pas le dire ! La Grèce rééchelonne une partie de sa dette. Le prêt de 110 milliards d’euros qui lui a été accordé par l’Union européenne en mai dernier, et qui devait être remboursé en 2015, le sera finalement en 2024 (ou plus tard, la date n’est pas encore absolument établie). On essaie simplement de sauver les apparences et de ne pas utiliser le terme « rééchelonnement » dans les communiqués, mais les faits sont là. D’habitude c’est le pays débiteur qui met ses créanciers devant le fait accompli (« je décale mes remboursements de dix ans, je ne peux pas faire autrement, point »), ce qui provoque une tempête diplomatique et une crise de confiance sur les marchés. Ici le débiteur (la Grèce) et les créanciers (Allemagne, France, etc) se sont entendus discrètement sur ce report, avec la complicité du FMI. Surtout pas de vagues. Mais cette décision signifie, à ceux qui en doutaient encore, que la Grèce ne pourra pas rembourser toute sa dette. Et il en sera certainement de même pour l’Irlande, le Portugal, l’Espagne…

Ici les débiteurs sont des Etats (un grand merci aux contribuables), donc le « scandale » n’éclate pas, mais lorsqu’il s’agira de rééchelonner la dette « normale », détenue par des investisseurs privés, ça va hurler ! Les banques, les assurances et les fonds devront enregistrer des pertes sèches dans leurs bilans et les actionnaires vont se faire entendre (tiens, les actionnaires se font plus entendre que les contribuables, étonnant).

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 8 décembre 2010

Moody’s menace le triple A des Etats-Unis !

Il n’y pas que la zone euro qui va mal, Moody’s annonce que le triple A américain pourrait être remis en question. Rien que ça. A la limite la question maintenant c’est qui va tomber le premier, l’euro ou le dollar ? Accumulation de dette publique (nationales et européenne) d’un côté, monétisation à outrance de l’autre, faites vos paris ! Une différence de taille toutefois, le dollar, tout le monde en possède, c’est la monnaie de réserve et de transaction dans le commerce international (on paye son pétrole en dollars, les matières premières, les Boeing et les Airbus, etc), donc personne n’a vraiment intérêt à ce qu’il perde sa valeur ; cependant à long terme ce n’est pas suffisant. Les deux principales monnaies mondiales sont embarquées dans une fuite en avant inquiétante.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 7 décembre 2010

Ligne de fracture dans la zone euro

Pour prolonger le billet précédent, la récente réunion des ministres des finances de la zone euro a, une nouvelle fois, mis en évidence la ligne de fracture entre l’Allemagne suivie de quelques uns de ses alliés, et la majorité des pays adeptes d’une politique financière et budgétaire plus « souple ». « Augmentons le Fonds de stabilité (FESF) ! », « émettons de la dette européenne ! » supplient les Etats dépensiers, incapables de maîtriser leurs déficits budgétaires et, surtout, habitués à ne jurer que par la dépense publique. « Non » répond l’Allemagne, avec raison. Le jeu de la BCE est plus trouble, elle tient habituellement un discours de rigueur budgétaire mais, cette fois, elle soutient l’augmentation du plafond du FESF. La raison est simple, en cas de crise grave (problème de financement de l’Espagne ou de l’Italie) et donc de risque de collapsus du système financier européen, soit il faut de l’argent public (FESF), soit il faut monétiser à haute dose, et entre ces deux maux la BCE choisit le moindre. Comme si, constatant la dérive des comptes publics et l’inefficacité de ses appels à la rigueur, la Banque centrale s’attendait à ce que ça arrive…

Bonus : en interview pour LeFigaro.fr sur l'appel de Cantona

Philippe Herlin

samedi 4 décembre 2010

Un scénario à envisager : l’Allemagne quitte l’euro !

L’information est d’importance et elle est publiée par The Guardian : Angela Merkel a déclaré fin octobre lors d’un sommet européen que l’Allemagne pourrait quitter l’euro ! Le porte-parole de la chancelière a immédiatement démenti, mais voici un élément qui ne devrait pas rassurer les marchés. Ce scénario est en réalité tout à fait crédible (je l’évoque dans mon livre page 124), l’Allemagne – qui garde en mémoire le traumatisme de l’hyperinflation de 1923 – choisirait de quitter un euro qui part à vau l’eau (monétisation à outrance, cours en chute libre, inflation) plutôt que d’essayer de le sauver. Et, selon moi, elle essaierait de nous vendre cette idée en faisant la promotion d’un « euro fort » (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) et d’un « euro faible » (France, pays méditerranéens) ; mais ce serait un marché de dupes car si un euro fort est parfaitement viable, un euro faible ne le serait absolument pas et exploserait à son tour (à cause des divergences entre ses membres, et cela voudrait dire que la France seule prendrait en charge les problèmes grec, portugais, espagnol…). Bref, on commence à se poser des questions à Berlin…

Bonus : à lire, ce commentaire du billet précédent.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 3 décembre 2010

Super Trichet !

La BCE s’en sort beaucoup mieux que les grandes nations européennes et l’UE réunies : la panique sur les marchés s’est stoppée net hier suite aux déclarations de Jean-Claude Trichet. Bien sûr ce n’est qu’une pause avant la prochaine crise, mais tout de même, le président de la BCE n’a pas cédé sur ce que les marchés attendaient, à savoir l’achat en direct d’obligations émises par les Etats en difficulté, la « monétisation » (ce que fait la Fed avec son « Quantitative Easing 2 » de 600 milliards de dollars). Il pointe même la source du problème et a invité les gouvernements à « renforcer la confiance dans les finances publiques » et à mettre en œuvre « des stratégies de consolidation crédibles et ambitieuses » (Les Echos). Il a raison, et nous le disons ici suffisamment, ce n’est pas en rajoutant de l’intervention publique que l’Europe va s’en sortir (le FESF, que certains veulent doubler, une « dette européenne », la monétisation), mais au contraire en diminuant les dépenses publiques et en restaurant la croissance. Comme on en prend pas vraiment le chemin, il faut craindre une prochaine crise (l’Espagne, l’Italie ?) et cette fois les marchés, soutenus par les Etats impécunieux, feront peut être céder la BCE et l’obligeront à monétiser les dettes publiques à grande échelle. L’Allemagne s’y opposera, et l’euro lui-même sera en jeu, ou elle cédera et ce ne sera qu’un répit. La réponse bientôt.

Autrement, comme s’il n’y avait pas suffisamment de bulles immobilières dans le monde, la FIFA vient d’en créer une belle en accordant la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar. Ce pays d’un million d’habitant devra construire 12 stades (climatisés car il fait 50 degrés à l’ombre) pour une facture estimée à 50 milliards de dollars (soit 1 « Madoff », les nouvelles unités de comptes de la crise financière étant 1 Kerviel, 5 milliards, 1 Madoff, 50 milliards) !

Ca n’a rien à voir mais je m’occupe aussi d’un site de téléchargement de musique classique « low cost » (1 euro l’œuvre), n’hésitez pas : Classical Music Mobile !

Et bien sûr, si vous cherchez une idée de cadeau pour Noël ;-)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr