lundi 28 mars 2011

Florence sonne la révolte

Est-ce un événement isolé ou le début de quelque chose ? La ville de Florence vient de stopper unilatéralement les remboursements de sa dette envers trois banques (UBS, Bank of America et Dexia) qui lui avaient refourgué des prêts pourris, enfin, contenant des produits dérivés pour reprendre la terminologie en vigueur. C’est la première fois, selon Moody’s, qu’une collectivité locale italienne (et certainement européenne) se permet d’agir ainsi, avant qu’un tribunal ait statué. La sanction est immédiate, l’agence a dégradé la ville. Il est vrai que, techniquement, il s’agit d’un défaut. On imagine les sueurs froides chez les banquiers si d’autres collectivités en Europe prennent la même décision…

A propos de notre pétition contre les emprunts d’Etat à 100 ans, on signalera cet article des Echos qui se penche sur le problème et signale que des entreprises privées y ont déjà eu recours, ainsi que le Mexique. Ce pays a fait défaut sur sa dette en 1982, les acquéreurs de son emprunt à 100 ans sont donc extrêmement optimistes !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 24 mars 2011

Contagion et crise dans la zone euro

Avec la tragédie japonaise et la guerre en Libye, on avait fini par ne plus trop penser à la zone euro. Retour à la réalité avec la démission du premier ministre portugais, José Socrates, face au refus du parlement d’approuver son plan d’austérité. « Cette crise politique aura des conséquences gravissimes sur la confiance dont le Portugal a besoin auprès des institutions et des marchés financiers » a-t-il averti. En effet, les rendements de la dette portugaise ont battu, mercredi, un nouveau record à 8,28% sur cinq ans, un prix exorbitant. Un plan d’aide devrait être mis en place par l’UE, mais cela suffira-t-il ? Car derrière le Portugal se profile l’Espagne, en grande difficulté également, et Moody’s n’a pas attendu longtemps puisqu’elle vient de dégrader 30 (trente ! ce n’est pas une faute de frappe) banques espagnoles. Après la Grèce et l’Irlande, ça commence à faire beaucoup, cela pourrait même déstabiliser l’ensemble de l’Europe et la plonger dans une crise sévère selon le « scénario du pire » élaboré par Standard & Poor’s : chute du PIB de 20 % dans les pays périphériques et récession en France et en Allemagne…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 15 mars 2011

La zone euro fait des ronds dans l’eau

Au fait, il y a eu un sommet européen samedi dernier. Aucune décision fondamentale n’en est sortie, le « pacte de compétitivité » souhaité par l’Allemagne reste au niveau des intentions, la Grèce a obtenu une restructuration de sa dette (même si ce mot à la charge symbolique trop forte n’est pas utilisé) : le délai de remboursement passe de 3 à 7 ans et le taux d’intérêt de 5,2 à 4,2 %. Ca ne servira à rien, la Grèce est insolvable, les CDS indiquent d’ailleurs que c’est le pays le plus risqué au monde… Une vraie nouveauté tout de même, le fonds de secours (le FESF) pourra acheter de la dette publique sur le marché primaire (c'est-à-dire lors de l’émission de ces obligations par un Etat), ce qui veut dire concrètement que les contribuables des pays en bonne santé financeront les déficits des pays en difficulté, mais que ces décaissements et ces encaissements seront étalés dans le temps grâce au fonds précisément, ce qui en diminuera nettement l’impact politique et électoral, bien joué, non ? On en avait parlé dans cette note, mais concernant le marché secondaire.

Autrement, pour prolonger notre note sur les Etats-Unis, on lira ce très intéressant texte de Marc Mayor qui explique pourquoi la Fed est déjà en faillite.

Le 11 janvier, le Japon annonçait qu’il allait acheter des obligations européennes pour soutenir la zone euro. Les chefs d’Etat européens avaient apprécié à l’époque. Allons-nous faire de même en faveur des Japonais désormais ?

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 14 mars 2011

Le Japon face à la catastrophe

La tragédie que connaît le Japon actuellement met en lumière un principe économique universel mais largement ignoré : l’Etat est son propre assureur. La loi oblige les personnes et les entreprises à s’assurer, sous peine de fortes amendes, mais les Etats s’exonèrent de cette obligation. Il est vrai qu’assurer tous les bâtiments publics, les équipements divers, des infrastructures entières, coûterait une fortune. Mais l’Etat met-il de l’argent de côté pour couvrir les dommages, comme le fait une société d’assurance ? Non, un comportement si vertueux lui est inconnu, il paye au fil de l’eau (voir cet article de L’Express). De fait, la conséquence de ce principe est simple : c’est le contribuable qui paye. Par ailleurs l’Etat limite-t-il son endettement pour garder des marges de manœuvre et pouvoir faire face à une catastrophe ? Et là on revient au cas du Japon qui est le pays le plus endetté au monde (plus de 200 % de son PIB, « seulement » 80 % pour la France). Pourquoi un tel endettement ? Pour soutenir l’économie depuis l’éclatement de la bulle spéculative (immobilière et boursière) au début des années 90, l’effet est nul (la croissance reste atone) mais les plans de relance financés à crédit ont continué bien sûr (c’est ce que font les Etats-Unis depuis 2008, avec le même résultat). Un endettement pour rien ou presque. Le Japon est désormais « aux taquets » pour son endettement public et il doit faire face à une catastrophe majeure, mais prévisible au moins en partie. Imprévoyance ? Le principe « l’Etat est son propre assureur » permet surtout de nier le problème, voici une question dont tous les Etats doivent se saisir, car aucun pays n’est à l’abri d’une catastrophe.
(Notons que des grandes entreprises comme BP tentent de faire de même, s’autoassurer, ce qui ne manque pas d’inquiéter.)

Ayons une pensée pour nos amis japonais avec la Maison de la culture du Japon à Paris.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 11 mars 2011

Un krach de la dette américaine à prévoir ?

C’est un peu comme si la BNP-Paribas disait : «je n’ai plus aucune obligation du Trésor français en portefeuille, j’ai tout liquidé, je n’ai plus confiance dans la dette française», on imagine le coup de tonnerre ! Eh bien cela vient de se passer aux Etats-Unis : Pimco, le plus grand gestionnaire de fonds obligataires du monde, a liquidé tous les titres de dette de l'Etat fédéral. Son patron, Bill Gross, anticipe une remontée des taux longs et n’a plus confiance en Washington pour réduire le déficit budgétaire. Il envisage même, avec Nassim Taleb, un krach des bons du Trésor US (pour Taleb «il vaut mieux détenir des euros que des dollars, l’euro est accroché à l’Allemagne, le dollar à rien du tout»…). Hormis un marché boursier bullaire (merci Bernanke), il faut dire que les indicateurs sont au rouge : le marché immobilier est dévasté (voir ces cartes effrayantes sur les saisies), les bilans bancaires encore contaminés (et leur comptabilité n’est pas fiable), les muni-bonds sont une bombe à retardement, et le plafond de dette risque bientôt d’être atteint. Un krach de la dette américaine (ou, variante, un Quantitative easing délirant qui se transforme en hyperinflation) est littéralement impensable, mais économiquement de moins en moins irréaliste.

Ca craque de partout dans le monde en ce moment, y compris au propre au Japon. La «fragilité» du monde augmente partout dans des proportions inquiétantes.

PS : pour faire suite à notre article précédent sur les stress tests bancaires, les régulateurs annoncent qu’ils seront plus sévères que les précédents (Les Echos du 10/3 page 28), donnons leurs en acte, sans se faire d’illusions cependant. Notons surtout que pour le président de la Fédération bancaire française, François Pérol, le scénario du défaut souverain n’est « pas plausible », il affirme : «Je ne teste pas l’explosion de la zone euro, non, j’ai refusé que l’on fasse cela, à quoi ça sert ?». Hallucinant. Un tel aveuglement, pour l’organisme représentatif des banques françaises on le rappelle, est proprement effrayant.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 9 mars 2011

Stress tests bancaires : une blague

Les stress tests des banques européennes de juillet 2010, demandés par l’UE et réalisés par le Comité des régulateurs européens, n’avaient déjà été qu’une opération de communication. Les scénarios de « stress » retenus s’avéraient en effet trop timides, d’ailleurs les banques irlandaises, en faillite totale trois mois plus tard, ce qui déclencha le plan d’aide à Dublin, les avaient passés avec succès ! Eh bien l’UE s’apprête à recommencer en pire, c'est-à-dire avec des scénarios encore moins difficiles ! A l’heure ou les prix du baril de pétrole et des matières premières explosent, amputant d’autant la croissance des pays industrialisés, où chacun sait que la Grèce et l’Irlande sont insolvables, où la « reprise » demeure surtout fantasmatique, où les bilans bancaires sont encore remplis de créances douteuses, les scénarios de crise retenus se limitent à des chocs très limités : une baisse de 0,5% du PIB, une chute de 15% sur les marchés financiers, une perte de 20% de la valeur des obligations d'État portugaises détenues par les banques et de 15% sur les valeurs liées à la dette souveraine espagnole. Une blague. Un choc pétrolier, qui n’est plus très loin, ferait assurément reculer le PIB de plus de 0,5%. Un défaut de la Grèce signifierait une perte de 50% du nominal selon S&P. En Espagne les banques ont 100 milliards de crédits « problématiques ». Etc. On se fiche du monde. Mais il ne faut surtout pas montrer que les banques et les Etats sont à ce point engagés l’un envers l’autre (voir cette note), ça ferait peur, sauvons plutôt les apparences...

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

Le modèle chinois en difficulté ?

Situation d’attente en Europe en ce moment, ce vendredi 11 mars aura lieu un important sommet européen sur la dette. La Grèce (encore dégradée par Moody’s) et l’Irlande sont insolvables, le Portugal et l’Espagne (les banques espagnoles ont 100 milliards de crédits « problématiques ») sont en difficulté, il va falloir regarder la situation en face.

Mais tournons-nous vers la Chine : l'agence Fitch évalue à 60 % le risque d'une crise bancaire dans les trois ans. Quasiment aucune reprise de l’info dans la presse, allo ? Explosion du crédit, « titrisation informelle » (pour contourner les limitations de prêt), bulle immobilière, voilà qui ressemble au scénario américain avant la crise des Subprimes… Et il y a de plus une remontée de l’inflation qui inquiète le pouvoir. Mais c’est vrai, le yuan est fixé au dollar, de façon à garantir l’excédent commercial, mais comme le dollar perd de la valeur (suite au Quantitative Easing de la Fed), le yuan glisse également et « encaisse » à plein la hausse du prix des matières premières. Le « modèle chinois » commence-t-il à connaître des ratés ?

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr