jeudi 7 juillet 2011

Contagion

Le risque de contagion revient hanter les marchés titre Les Echos. Par contagion on pense à une propagation de la crise de la dette à d’autres pays, et c’est effectivement un canal de transmission possible. Mais il faut également en envisager un autre, qui irait directement de banques locales à la Banque centrale européenne (BCE), puis à toute la zone euro. Le Think thank Open Europe vient de publier une étude qui montre que la BCE est exposée à hauteur de 444 milliards d’euros à la dette souveraine de pays au bord de la faillite (Grèce, Irlande, Portugal) ou en difficulté (Espagne, Italie). Pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal, ce montant s’élève à 338,7 milliards d’euros (cf tableau 2 page 6 de l’étude).

Comment en est on arrivé là ? Les banques grecques, irlandaises et portugaises ne peuvent pas se refinancer sur le marché interbancaire (aucune banque européenne ne veut leur prêter de l’argent vu que leur Etat est au bord de la banqueroute), donc elles se tournent vers la BCE, qui leur donne des liquidités en échange d’actifs financiers (le « collatéral »), essentiellement des bons du Trésor de leur pays, ou d’autres actifs plus ou moins pourris. La BCE accepte sinon c’est la faillite avec un krach à la Lehman à la clé. Et ainsi la BCE se retrouve avec un bilan rempli de bons du Trésor grec, irlandais et portugais, c'est-à-dire complètement toxique ! D’autant qu’elle possède peu de fonds propres, elle se retrouve ainsi avec un ratio digne d’un hedge fund hyperspéculatif : 1 euro de cash pour 23,4 euros d’engagement (cf tableau 1 page 6 de l’étude, la Banque nationale de Suisse a un ratio de 1 pour 6,25) !!!

Un scénario possible serait donc une crise de liquidité (une faillite) d’une banque grecque (ou irlandaise). C’est d’autant plus possible qu’elles sont notées CCC (l’une des pires notes avant le défaut) et que les déposants grecs retirent leur argent pour le mettre à l’étranger (un comportement rationnel !). Cela s’étend par ricochet aux autres banques grecques, et la BCE se retrouve de facto INSOLVABLE (euh, une faillite de la banque centrale, c’est à quelle page du manuel d’économie ça ?). Bien sûr immédiatement les Etats actionnaires (Allemagne, France, etc.) renfloueraient la BCE pour qu’elle continue à fonctionner, mais le choc de défiance sur l’euro serait énorme.

Le pire c’est que le Traité de Lisbonne interdit le renflouement d’un pays et à la BCE d’acquérir des emprunts d’Etat, ce qui pourtant a été fait, sur la pression des dirigeants politiques. Résultat, la zone euro se trouve désormais dans une situation inextricable et très dangereuse.


Addendum : vous pourrez voir que mon article sur l’assurance-vie sur Atlantico a fait l’objet d’un correctif à la demande d’Axa, dans le 2e paragraphe (qui n’est pas exposé à la Grèce à hauteur de 1,9 milliard d’euros mais de 1,1). Bien. Mais le fond de l’article n’est pas remis en cause, ce qui signifie qu’il est validé par Axa, à savoir que les souscripteurs d’assurance-vie vont se manger la plus grande partie des pertes en cas de défaut de la Grèce. Merci à Axa pour cette confirmation. Maintenant chacun est prévenu.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr