lundi 28 novembre 2011

Zone euro : le début de la fin ?

Nouvelle étape dans la dégradation de la zone euro, Moody’s affirme que «l'aggravation rapide de la crise de la dette dans la zone euro menace les notes de solvabilité de tous les pays européens. Cela provoquerait très probablement la dégradation de la note souveraine de ces pays dans la catégorie spéculative» (Le Figaro, le communiqué de Moody’s). Cela ne constitue cependant pas une surprise, après l’échec de l’adjudication de l’Allemagne (voir notre précédent billet), c’est désormais toute la zone euro qui suscite la défiance, y compris les pays vertueux. C’est le financement de toute la zone euro qui pose problème, comme le confie un responsable d’un SVT (Spécialiste des valeurs du Trésor, une banque chargée de placer la dette française) : «Il n’y a plus d’intérêt pour les emprunts d’Etat européens de la part des investisseurs hors zone euro, se désole le même SVT. Avec de tels niveaux de volatilité, il est impossible de réaliser les 800 ou 850 milliards d’émissions à moyen long terme prévues l’an prochain en Europe.» (L’Agefi). Plus de financement, ce qui veut dire la faillite. Londres se prépare à un démantèlement de la zone euro, et même, selon le Telegraph, à des émeutes. Que faire ? Comme je l’ai déjà dit dans deux anciens textes, voici mes conseils pour les chefs d’Etat, et pour les particuliers.

Philippe Herlin

jeudi 24 novembre 2011

Scoop : la Bundesbank monétise !!!

Dans le flot de (mauvaises) nouvelles sur la crise de la dette, on peut laisser passer des choses, par exemple, concernant la grande information d’hier. L’Allemagne n’est pas parvenue à vendre toutes ses obligations, sur les 6 milliards d’euros proposés, seuls 3,89 milliards ont trouvé preneur. Expliquant cela, l’article de L’Agefi explique ensuite, et on lit à deux fois pour être sûr, «La demande n’a atteint que 3,89 milliards, forçant la Bundesbank, qui est coutumière du fait, à souscrire le reste, soit le montant plus élevé depuis mai 2008.» Ah bon, la Bundesbank monétise !!! Cette information est confirmée par d’autres articles. C’est énorme. On se pince pour y croire. La BCE n’a pas le droit, et elle s’y refuse absolument, d’acheter de la dette d’Etat sur le marché primaire (c'est-à-dire lors de l’émission, comme ici), elle peut le faire sur le marché secondaire (en la rachetant à des investisseurs), mais avec parcimonie (c’est tout le débat actuel où l’on demande à la BCE de soutenir les pays en difficulté). Donc la BCE ne peut pas, par contre, une banque centrale nationale comme la Buba peut le faire ! Les banques centrales des pays de la zone euro font pourtant partie du Système européen de banques centrales, dirigé par la BCE ; mais si chacune peut faire ce qu’elle veut dans son coin, où va-t-on ? Pourquoi la banque centrale grecque, italienne ou française n’achèterait pas, à son tour, de la dette de son Etat ? C’est du grand n’importe quoi. Explications bienvenues ;-)

Addendum du 5/1: selon cet article des Echos, la Bundesbank ne joue qu'un rôle logistique auprès de l'agence chargée de placer la dette allemande...

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 23 novembre 2011

La lente dégradation du système bancaire français

Les nuages s’amoncellent sur le secteur bancaire français : l’Etat pourrait remettre au pot pour sauver Dexia, la première version du plan étant, nous l’avions dit, particulièrement favorable à la France. On lira au passage les justifications totalement pathétiques de l’ancien de l’ancien président, Pierre Richard. Les Banques Populaires, après Natixis, recapitalisent le Crédit Foncier de 1,5 milliards d’euros. L’assureur Groupama met en œuvre un «plan de redressement drastique». L’ensemble des banques françaises accèdent toujours avec difficulté à la liquidité, ce qui est le signe d’une défiance généralisée, que ne masquent pas la manipulation de leurs résultats. D’habitude pondéré, Les Echos, par la plume de l’un de ses principaux éditorialistes, s’inquiète : «"Est-on au bord du gouffre ?" "Oui"... et à ce rythme-là, à Noël c’est plié" si on n’a pas trouvé de solution... Ainsi s’est exprimé cette semaine un grand banquier français devant un public restreint.» On nous a longtemps vendu le modèle bancaire français, il a l’air aussi vérolé que notre modèle social.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 18 novembre 2011

Les magouilles de la Société Générale, et des autres…

L’Autorité des marchés financiers (AMF), dont la mission consiste à contrôler la bonne marche du marché financier français, se met rarement en colère, on lira donc avec intérêt sa dernière décision condamnant deux anciennes filiales de la Société Générale à 2,5 millions d’euros d’amende (article du Monde), SGAM (Société Générale Asset Management) et SGAM AI (Alternative Investment). On lira aussi les décisions in extenso sur le site de l’AMF : SGAM et SGAM AI.

Nous sommes à l’été 2007 et la crise des subprimes (qui éclatera un an plus tard lors de la faillite de Lehman Brothers) commence à étrangler les banques, elles manquent de liquidité. On se rappelle que le 9 août 2007 BNP Paribas a annoncé le gel de trois fonds contenant des subprimes, provoquant la consternation sur les marchés. La SG évite d’en arriver là en prenant des libertés avec la gestion du risque et l’intérêt de ses clients, pas moins. Selon l’AMF, «Le manquement de SGAM à son obligation d'assurer un contrôle des risques effectifs, en préservant l'indépendance de cette fonction par rapport à la fonction de gestion, est pleinement caractérisé». Et concernant SGAM AI, il est «inadmissible qu'une société de cette importance ait donné priorité à la poursuite de ses propres objectifs par rapport au devoir qui était le sien d'assurer l'information, la sécurité et la préservation des intérêts de ses clients.» On y apprend que la banque a fait signer des CDS croisés entre ses filiales de façon à contourner le ratio réglementaire de solvabilité, le tout en faisant exploser les risques (cf "l’examen du grief" page 9), hallucinant !

Au moment où la crise de la liquidité bancaire se réinstalle et où les doutes sur les banques en France et en Europe montent en flèche, on se dit que les banques recourent peut être encore à de tels expédients, qui permettent de colmater temporairement une brèche, mais font exploser les risques. On peut se poser la question, d’autant que l’amende (2,5 millions d’euros) est d’un montant ridicule.

Par ailleurs, à lire :
- "Est-on au bord du gouffre ?" "Oui"... et à ce rythme-là, à Noël c’est plié" si on n’a pas trouvé de solution... Ainsi s’est exprimé cette semaine un grand banquier français devant un public restreint. (Dominique Seux, Les Echos)
- Les obligations souveraines françaises sont sur une très mauvaise pente (Eric Fry, La Chronique Agora)
- Il y a une bombe sous le tapis (Myret Zaki, Bilan)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 15 novembre 2011

Le voile tombe

Cela aurait pu arriver il y a plusieurs mois, même plusieurs années si la crise de 2008 n’avait pas bouleversé le paysage économique mondial, mais finalement nous le voyons aujourd’hui sous nos yeux : le voile tombe. La France ne mérite pas son triple A, la culture du déficit est congénitale à toute la classe politique, rien de sérieux n’a été fait depuis 1974 pour contrôler la dépense publique. Y-a-t-il un salut dans l’Europe ? Non, le FESF ou la monétisation de la BCE ne sont que des pyramides de Ponzi (voir nos textes précédents), et la taille de la dette française dépasse leurs capacités d’action. Y-a-t-il un salut à attendre de la prochaine élection présidentielle ? Non, tous les candidats sont des étatistes sous des formes diverses et variables, aucun n’inscrit dans son programme une baisse de la dépense publique. L’Etat emprunte à des taux d’intérêt de plus en plus élevés, la crise est là, devant nous. Les réformes structurelles demandent du temps, et nous l’avons gâché, il ne nous reste plus que l’urgence et les coupes budgétaires. La contagion sera aussi intérieure, nos banques ne vont pas si bien qu’elles veulent le faire croire. Tout faisait impression malgré tout, mais maintenant que le voile est tombé, on va se rendre compte que tout est fissuré.

Suivez l’actualité de la crise ici.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 9 novembre 2011

Comment les banques manipulent leurs résultats

Comment les banques manipulent leurs résultats, mon nouveau texte pour Atlantico. Un texte important : on y explique de façon didactique comment les banques s’y prennent pour gonfler artificiellement leurs recettes. Ce mécanisme est seulement connu des spécialistes, il est ici expliqué pour la première fois au grand public.
> addendum à 14h : c'est l'article le plus lu d'Atlantico !

Philippe Herlin
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mardi 8 novembre 2011

Le Triplathon

Le Triplathon est la course de lenteur que mène le gouvernement français pour perdre le plus tard possible le « triple A ». Depuis des années il essaie de biaiser, et déjà avant la crise de 2008 la menace planait. Avec la crise, les budgets de tous les pays développés ont plongé dans le rouge, ce qui a temporairement masqué la mauvaise performance française. Mais maintenant, en Europe, les budgets des pays vertueux (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, pays nordiques) reviennent à l’équilibre, et cet effet s’efface. La France est désormais le plus mauvais élève de la catégorie AAA, la perte de cette note n’est qu’une question de temps. Même l’Italie, dont on se moque, est en meilleure situation que nous puisqu’elle dégage un excédent primaire (hormis les charges d’intérêt de sa dette, son budget dégage un excédent, ce qui n’est même pas notre cas). Les deux mini plans d’austérité depuis la rentrée ne permettent que de gagner un peu de temps, mais comme ils sont dénués de toute vision politique et ne comportent pas de réformes structurelles, leur effet réel sera très limité. Le compte à rebours est enclenché, et au Triplathon il n’y a rien d’autre à gagner qu’une aggravation majeure de la crise.

Philippe Herlin
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vendredi 4 novembre 2011

Comment dit-on Quantitative easing en italien ?

Le psychodrame est terminé, finalement la Grèce ne fera pas de référendum ! Pour notre part, nous n’y avons vu à aucun moment un « sursaut démocratique », mais plutôt la manœuvre d’un politicien en bout de course tentant de se maintenir au pouvoir à tout prix. La Grèce a un problème de dette, mais elle a surtout une classe politique pitoyable. Elle n’est pas sortie d’affaire ! Et pour la zone euro, un autre clignotant passe au rouge avec l’Italie, les banques fuient ses emprunts, et l’Italie c’est une autre histoire !

Mais l’information importante et lourde de sens hier a été la décision du nouveau gouverneur de la BCE, l’italien Mario Draghi, de baisser le taux directeur (de 1,50 à 1,25) à la surprise générale. La bourse applaudit, les chefs d’Etats également, tout le monde il est content. Cela veut dire que Draghi va amplifier la politique de son prédécesseur pour suivre l’exemple de Bernanke, le gouverneur de la Fed, à savoir la monétisation à grande échelle (le « Quantitative easing »). Comme l’endettement, la monétisation ne fait que gagner du temps sans régler les problèmes (voir l'amusante vidéo ci-dessous). On pouvait se douter que l’ancien directeur de Goldman Sachs Europe serait plus « conciliant »…


La politique monétaire de la Fed expliquée... par matbeeno

Philippe Herlin
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mardi 1 novembre 2011

Référendum en Grèce, le coup de théâtre !

A la surprise générale, le premier ministre grec Georges Papandréou vient de décider de soumettre le plan d’aide européen à un référendum ! C’est un véritable séisme : le plan d’aide approuvé mercredi dernier est d’ors et déjà suspendu, et certainement caduc. La zone euro se retrouve encore plus fragilisée et la contagion va reprendre de plus belle. Déjà cet accord peinait à convaincre (trop flou, trop complexe), désormais il tombe à l’eau : évidemment les banques ne vont pas effacer 50% de leurs créances, comme elles s’y étaient engagées, alors que le plan risque d’être invalidé par le référendum ! Le FMI et l’UE ne vont pas prêter l’argent promis alors que le plan est en suspend ! Ce référendum est prévu pour le début 2012, rien ne pourra se faire d’ici là pour régler la crise, et la Grèce pourra-t-elle seulement tenir jusqu’à cette date ? Le résultat du référendum ne fait, lui, guère de doute, selon un récent sondage, seuls 12% des Grecs jugent ce plan positif. « Voulez-vous être pressurés comme des citrons pendant 10 ans ? », ce sera non, comme en Islande.

Cette volte face de Papandréou démontre en tout cas qu’il fait double jeu depuis le début, quémandant des fonds en agitant la menace du défaut, mais se défaussant au dernier moment lorsque les plans d’austérité font plonger son parti dans les sondages. Cela ne surprendra que les naïfs, c’était lisible depuis le premier plan d’aide à la Grèce de mai 2010, nous l’avions dit ici.

Avec ce coup de théâtre, le niveau de risque va progresser à tous les niveaux, tout le monde aux abris ! (que faire ? acheter de l’or bien sûr) Le système se fragilise d’ailleurs de partout, un grand courtier américain vient de faire faillite, BNP Paribas rapatrie 30 milliards d’euros de sa filiale belge Fortis (euh… un problème de cash ?), l’Allemagne fait une erreur comptable de 56 milliards d’euros dans sa dette publique (en sa faveur, cette fois), le DG du FESF envisage d’émettre des obligations libellées en yuan (et le risque de change ! il est fou !)… La crise monte encore d’un cran, et nous rapproche d’un krach de type Lehman Brothers.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr