jeudi 22 décembre 2011

La BCE joue au Père Noël

Ce que la BCE refuse de donner de la main droite, elle le donne de la main gauche ! « Non je n’achèterai pas de dette souveraine à grande échelle » clame Mario Draghi, le président de la BCE, « sinon toute cette création monétaire provoquera de l’inflation ». Nous étions un peu rassurés. Mais quelques semaines après ces déclarations, il ouvre les vannes en faveur des banques ! C’est guichet ouvert : taux à 1% sur 3 ans. Avec deux semaines d’avance, le Père Noël passe, le succès est au rendez-vous, 523 banques empruntent 489 milliards d’euros (Les Echos) !

Certains parlent de bonne nouvelle… La BCE intervient massivement parce que le marché interbancaire est quasiment à l’arrêt. Les banques n’ont plus confiance en elles, leurs bilans sont remplis de dette souveraine européenne dont la valeur baisse, et elles possèdent encore des actifs toxiques datant de la crise de 2008. Selon Les Echos, elles doivent refinancer 230 milliards d'euros au premier trimestre, et elles ne peuvent pas l’emprunter, ni le lever sur les marchés parce que leurs actions sont massacrées en bourse. La BCE intervient au bord du précipice, d’où le soulagement actuel.

Face à un risque de faillites bancaires et de ‘credit crunch’, la BCE a décidé de faire une croix sur le contrôle de la masse monétaire. Elle devient par ailleurs dépendante des banques et cela fragilise son bilan (si des banques ne peuvent pas rembourser leurs prêts, va-t-elle les mettre en faillite ? Non bien sûr, elle encaissera la perte). Nous y avons gagné un répit de quelques mois, mais sans rien régler sur le fond : le manque de solvabilité du système financier européen.

Philippe Herlin

mercredi 21 décembre 2011

SCANDALE : la France gage l’or de la Banque de France !

Comme jadis les pays dits « sous-développés », qui sont désormais « émergents » et nous rattrapent à toute vitesse, la zone euro se met sous tutelle du FMI (Le Figaro). Incapables de se diriger eux-mêmes, les européens – attention ce n’est pas une blague – versent de l’argent (150 milliards d’euros) au FMI pour qu’il le reprête à des pays européens en difficulté !

Mais au fait, comment fonctionne cette tuyauterie ? Il s’agit de « prêts bilatéraux des pays au FMI » et, c’est magique, « de tels prêts n'impliquent aucun risque en capital pour leurs souscripteurs, car le FMI est, par construction, toujours remboursé sur ses propres crédits ». On aimerait bien savoir comment car le FMI ne peut pas faire tourner la planche à billets. S’il enregistre des pertes, il faut bien que quelqu’un paye. En outre ces prêts sont en réalité des « avances », elles ne figurent donc pas dans le budget des Etats concernés. C’est magique, on vous le dit, de l’argent circule et il n’est décaissé de nulle part, et toute perte est impossible.

Ceci dit, comme le FMI et l’UE n’ont pas encore inventé la pierre philosophale, il y a quand même un « gage » dans cette affaire. Lisons l’article : « ces avances ne présentent aucun caractère budgétaire pour l'État prêteur: il s'agit en réalité d'accords de swap («échanges») à partir des réserves en devises et en or des banques centrales (telle la Banque de France) et le FMI. » Et voilà : l’or de la Banque de France (2435 tonnes) sert, au moins pour partie, de garantie à ce montage !

L’or de la Banque de France, c’est le patrimoine national, comme la Joconde ou la Tour Eiffel. S’en servir de gage pour un tel montage financier est une HONTE et un SCANDALE. Cette opération a été réalisée en catimini, c’est pitoyable. L’or de la Banque de France doit servir de garantie ultime (c’est notre « arme nucléaire » monétaire), nous exigeons que ce gage soit annulé, et comptez sur ce blog pour suivre l’affaire.

Suivez l’actualité de la crise sur Facebook et Twitter.

Philippe Herlin

mercredi 14 décembre 2011

Sommes-nous face à un risque imminent de faillite bancaire en France ?

Pourquoi Les Echos se sent-il obligé de consacrer un dossier intitulé «Banques : ce que risquent les déposants français» ? Avec une interview du président du Fonds de garantie des dépôts, Thierry Dissaux, qui profère d’ailleurs une contrevérité («On ne demande pas à un assureur de disposer de réserves égales à la totalité des sinistres qu'il couvre», si justement, la totalité des sinistres pondérés par leur probabilité de survenance, alors que le Fonds avec ses malheureux 2 milliards ne couvre au mieux que la faillite d’une petite banque régionale). Et un édito faussement rassurant («le dispositif de garantie des dépôts est suffisamment solide pour que l'hypothétique défaillance d'un établissement puisse avoir lieu sans dégâts collatéraux pour les épargnants», c’est bien sûr totalement faux). En fait nous avons déjà eu une faillite bancaire en France avec Dexia (renfloué par des fonds publics), et un groupe d’assurance «sous forte pression financière» avec Groupama (aidé par la CDC, le bras financier de l’Etat). A qui le tour ? L’économiste suisse Charles Wiplosz affirme que des banques françaises vont tomber («Banks will collapse, including possibly a number of French banks that are very exposed to Greece, Portugal, Italy and Spain»). Les grandes banques françaises vendent des filiales, licencient, sont à court de dollars, et manipulent leurs résultats. La BNP vend des CDS sur la dette de la France pour faire rentrer un peu de cash (voir Zero Hedge), on en est là. Que va-t-il se passer ? Il faut comprendre une chose : une banque ne prévient jamais qu’elle risque bientôt de faire faillite, sinon ses clients vident leurs comptes et elle fait effectivement faillite dès le lendemain de sa déclaration ! Lorsque l’on regarde les faillites et rachats de la crise de 2007-2008, Bear Stearns, par exemple, a vu le cours de son action baisser régulièrement pour perdre 90% de sa valeur. Mais la direction était toujours rassurante. Puis le 16 mars 2008, la banque, en fait complètement en faillite, est rachetée par JP Morgan. Ca se passera comme ça. En France, les cours des grandes banques ont perdu de l’ordre de 90% (par rapport à avant la crise de 2008). Tombera, tombera pas ? Nous serons bientôt fixés sur la solidité réelle des banques françaises. Mais que personne ne fasse d'illusions sur ce Fonds de garantie ! Si cela devait arriver, l'Etat nationaliserait la banque, et après ce serait une autre histoire.

Philippe Herlin

vendredi 9 décembre 2011

C’était ça le sommet de la dernière chance !

Le sommet d’hier à Bruxelles était celui de la dernière chance, nous avait-on dit, voyons le contenu de l'accord signé :
- Commençons par la nouvelle positive, l’instauration de la règle d’or dans la constitution des pays de la zone euro, une idée que nous défendons ici, et qui a le mérite de pointer la source du problème. Maintenant, les délais de mise en place risquent d’être trop longs par rapport à l’urgence de la situation.
- Ensuite, une mesure d’affichage avec des sanctions prononcées contre les pays en déficit excessif, cela était déjà prévu dans les critères de Maastricht et n’avait pas été appliqué…
- Puis la recette utilisée depuis le début de la crise : rajouter de la dette à la dette, avec le MES (Mécanisme européen de stabilité, qui se rajoute au FESF), et aussi, coup de billard à deux bandes, en prêtant 200 milliards (qui seraient débloqués via les banques centrales nationales, mais la BCE n’est pas d’accord) au FMI pour qu’il les reprête à des pays européens. N’importe quoi. Du Ponzi à l’état pur.
- Enfin le déni complet de la réalité : «le secteur privé ne sera plus mis à contribution en cas de restructuration de la dette d'un État comme cela fut le cas avec la Grèce». L’UE veut empêcher les restructurations de dette souveraine à l’avenir (il s’agit là d’inciter les investisseurs à revenir acheter de la dette européenne en leur assurant qu’ils ne subiront pas de pertes) alors que plusieurs pays (Portugal, Irlande, peut être Espagne et Italie) ont une dette insoutenable.
Il s’agit d’un bricolage maladroit, rien de plus. Encore un sommet pour pas grand-chose, en attendant le prochain qui sera, soyons-en sûr, celui de la « dernière chance ».

Philippe Herlin

mardi 6 décembre 2011

AAA : J - 90

En mettant sous surveillance négative les notes des quinze pays de la zone euro qui n'ont pas encore été dégradées (tous sauf la Grèce et Chypre), Standard & Poor’s (communiqué) confirme l’avertissement de Moody’s, à savoir que la zone euro dans son entier suscite la défiance des investisseurs. Même l’Allemagne, même le Luxembourg (qui a une dette publique de 20% de son PIB seulement) sont menacés ! Ces 17 pays devront lever en 2012 sur les marchés environ 800 milliards d’euros pour financer leurs dettes publiques, il n’est pas certain qu’ils y parviennent tous. La France est spécialement dans le collimateur, sa note pourrait être abaissée de deux crans, et non pas seulement un, essentiellement à cause de ses banques, dont les actifs sont dégradés et, selon S&P, qui dépendent à 60 % de financements à court terme, ce qui les rend très fragiles. Une mise sous surveillance indique qu’il y a une chance sur deux pour que la note soit effectivement dégradée d’ici trois mois, mais pour la France ce risque est encore plus élevé, son triple A ne passera très probablement pas le printemps. Critiquons les agences de notation, ça ne mange pas de pain, mais elles ne font ici que confirmer la dégradation de la zone euro dans son ensemble, et spécialement de la France (déficit budgétaire supérieur à la moyenne, problèmes de financement de ses banques).

Deux addendums :
- concernant le billet Scoop : la Bundesbank monétise !
- contrairement à ce que disent les médias, les Français peuvent acheter directement des obligations d’Etat, si le cœur vous en dit !

Philippe Herlin

jeudi 1 décembre 2011

Sursis

Lorsqu’un condamné à mort voit son exécution repoussée d’une semaine, il est content ? Oui. Voici ce qui se passe en ce moment sur les bourses mondiales. La crise de la dette publique s’accroît en Europe (où l’on parle d’un risque d’explosion de la zone euro) et aux Etats-Unis (aucun accord politique n’émerge pour réduire le déficit). Dans le même temps, la situation des banques des deux côtés de l’Atlantique se dégrade : leur bilan contient encore des quantités d’actifs toxiques hérités de la crise de 2008, et, pour les banques européennes, des dettes souveraines dont la valeur chute. Conséquence : les banques ne se font plus confiance entre elles, le marché interbancaire se bloque. De plus en plus, elles font appel à la BCE pour se financer. Difficulté supplémentaire, les banques européennes peinent à trouver des dollars (les fonds US ferment le robinet), elles se tournent donc vers la BCE, qui se fournit à son tour auprès de la Fed, chacun fait la manche son voisin. «Depuis la crise, la BCE livre une bataille acharnée pour éviter l'écroulement du système bancaire européen.» (Les Echos), voici où nous en sommes aujourd’hui. Dans ce cadre, l’accord que viennent de signer les grandes banques centrales est inquiétant parce ce qu’il révèle l’ampleur de la crise. Et il ne règle rien sur le fond.

Philippe Herlin