mercredi 29 février 2012

Malgré les apparences, la crise financière s’aggrave

Le deuxième prêt géant de la BCE dont nous parlions dans notre précédent billet vient d’être bouclé : 800 banques européennes ont demandé 530 milliards d’euros (à 3 ans à 1 %). Soit une progression par rapport à la première opération de décembre dernier (523 banques pour 489 milliards). La conclusion est donc claire : la crise s’aggrave. Le marché interbancaire reste bloqué, les banques ne se font plus confiance entre elles et sont obligées de se tourner vers la BCE pour se refinancer. Le secteur bancaire européen devient de plus en plus dépendant de la BCE et de sa planche à billet. Quelles sont les banques en plus mauvaise posture ? Selon Les Echos : « D'après les stratèges de BNP Paribas, les banques espagnoles, françaises et italiennes devaient certainement prendre une part importante des liquidités injectées ce matin : elles avaient déjà reçu des sommes élevées en décembre. » Bien sûr cet afflux de liquidité permet d’éviter les faillites bancaires et fait baisser les taux des emprunts d’Etat, ce qui donne l’apparence que les choses s’améliorent. La bourse montera, c’est à prévoir. Mais tout ceci est financé avec de la fausse monnaie.

Philippe Herlin

lundi 27 février 2012

Cavalerie : la BCE paye les factures des PME espagnoles !

Les administrations publiques espagnoles (Etat, régions, villes) ont accumulé des retards de paiement envers leurs fournisseurs (des entreprises privées). Ce travers est courant, on le connaît aussi en France : le secteur public retarde ses paiements et la dette s’accumule envers les entreprises, mettant parfois leur existence en danger. En Espagne, cette dette atteint le montant exceptionnel de 40 milliards d’euros et le nouveau premier ministre, Mariano Rajoy, a annoncé jeudi dernier vouloir régler définitivement le problème. Mais avec quel argent puisque l’Etat et les régions sont très endettées, et les banques très malades ? La réponse vient de tomber, elle est stupéfiante : avec l’argent de la Banque centrale européenne. La BCE va en effet, ce mercredi 29 février, proposer un deuxième prêt à 3 ans à 1 % à toutes les banques qui le souhaitent. Après celle du 22 décembre, on estime que cette gigantesque injection de liquidité sera du même ordre de grandeur. L’Etat espagnol va donc créer un consortium bancaire pour capter une quarantaine de milliards et s’acquitter ainsi de cette dette. Autrement dit, la BCE va payer 40 milliards de factures de PME espagnoles. On ne fait ici que déplacer la dette bien sûr (de l’Espagne vers la BCE) en espérant que d’ici trois ans la situation économique de l’Espagne se sera améliorée et que ces 40 milliards pourront être remboursés… Mais ce n’est que de la cavalerie, de la dette qui augmente encore et encore.

> Je dédicace mes trois livres le mercredi 21 mars de 18h à 20h30 à la Librairie Eyrolles 57 bd Saint Germain, Paris 5e (sur Facebook)

Philippe Herlin

mercredi 22 février 2012

MES = Ponzi

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) vient d’être adopté par la France lors d’un vote à l’Assemblée nationale hier. Nous dirons à son propos exactement ce que nous avons dit sur le FESF dont il prend la suite : MES = Ponzi. En effet, comment fonctionne-t-il ? Des Etats en déficit et très endettés, mais encore capables d’emprunter sur les marchés à des taux satisfaisants (Allemagne, France essentiellement) interviennent en garantie de ce fonds pour qu’il puisse lever de l’argent sur les marchés. Ensuite le MES reprête ces sommes aux pays en difficulté (Portugal, Espagne, Italie, etc) en attendant qu’ils redressent leurs comptes publics… Le MES va ainsi acquérir des actifs de mauvaise qualité ou carrément pourris (bons du Trésor portugais, grecs, etc) et devenir une sorte de gigantesque subprime planant au-dessus de l’Europe. Et qui va acheter les emprunts émis par le MES pour se financer ? Les banques européennes. Le système tourne en rond, des Etats « viables » vers ceux qui ne le sont plus, le tout étant financé par les banques, c'est-à-dire notre épargne. Et pire encore, le FESF était placé sous le contrôle des Etats, tandis que le MES sera une organisation indépendante : même si la France (ainsi que l’Allemagne et l’Italie) dispose de la minorité de blocage, « une fois le protocole d'accord signé entre le pays demandeur et le MES, aucune action judiciaire ou administrative ne peut en effet être engagé contre le fonds et les conditions qu'il impose à ses débiteurs. » (JDD). On voudrait nous présenter le MES comme une sorte de « FMI européen », c’est faux. Le FMI n’agit pas comme une « bad bank » qui reprend à son compte les créances pourries mais, au contraire, organise une restructuration touchant tous les créanciers, le volume de ses prêts restant relativement faible. Tout cela va très mal finir.

Philippe Herlin

mardi 21 février 2012

230 milliards pour gagner du temps

Après 110 milliards d’euros d’aide en mai 2010, voici donc le deuxième plan d’aide à la Grèce : 230 milliards d’euros. Dans le détail : 117 milliards d’aide directe des Etats (via le FESF, qui va donc devoir lever cette somme sur les marchés…), 13 milliards du FMI (à confirmer), 100 milliards d’abandon de créance de la part des banques, des assurances et des fonds d’investissement. Soit 230 au total, auxquels on pourrait rajouter 12 milliards d’intérêts que la BCE abandonne. Le montant des deux plans s’élève donc à 340 milliards d’euros, sans que la Grèce ne voit le bout du tunnel, au contraire. La volonté des dirigeants européens est toujours de maintenir la Grèce dans la zone euro, ce qui est absurde tant chacun comprend que cela n’est pas viable économiquement. On note cependant que ces 130 milliards seront déposés sur un compte dédié, c'est-à-dire dont l’activation ne pourra pas se faire sans l’accord de l’Europe. Ceci peut préluder à une prochaine sortie de la Grèce de la zone euro : un compte alimenté par le FESF garantit la dette émise en euro, ce qui permettrait de sortir le pays sans effet de contagion… Ce sera sans doute le troisième plan.

Philippe Herlin

jeudi 16 février 2012

Sortie de « Repenser l’économie »


C’est aujourd’hui que sort mon livre « Repenser l’économie ». Il reprend et prolonge « Finance : le nouveau paradigme » qui avait obtenu le Prix spécial du jury du Prix Turgot 2012. Il s’agit d’une analyse de fond de la crise actuelle et de la théorie économique, si déficiente. Mais on ne se contente pas de critiquer, des réponses globales sont proposées pour sortir de la crise et rendre notre système financier plus résilient. Vous pouvez consulter la 4e de couverture et le plan détaillé ici.

Je suis invité avec Olivier Delamarche au « Journal des lycéens » de Hugues Sérapion samedi de 12h à 13h30 sur Radio courtoisie, 95.6 à Paris sinon ici (redif à 16h et minuit).

Philippe Herlin

mercredi 15 février 2012

La Grèce, encore et toujours

Dans les médias et les capitales européennes, on se félicitait lundi du vote du parlement grec, considérant que l’accord était désormais sur les rails. Mais déjà aujourd’hui quelques inquiétudes apparaissent… tout n’est pas complètement bouclé, cela devrait intervenir dans les jours qui viennent… Mais on a oublié que le gouvernement grec a également décidé de provoquer des élections au mois d’avril. Et ce que l'on va bientôt comprendre, c'est que ces élections anticipées invalident quasiment de fait l'accord qui vient d'être signé au parlement. Le pays rentre en période électorale (donc le plan de rigueur sera suspendu ou appliqué à minima) et qui sait quelle majorité en sortira (une incertitude que n'apprécieront pas les marchés) ? La Grèce nous refait le coup du référendum surprise de Papandréou en novembre dernier, mais sous une autre forme. S’agit-il de « démocratie », ou plutôt de la faillite de la classe politique qui ne sait plus comment s’en sortir et se défausse sur un gouvernement « technique », des élections, un référendum, en attendant l’écroulement final ? Après on basculerait dans des scénarios catastrophes.

Le feuilleton grec continue donc, de pire en pire. Le total des aides s’élève à 400 milliards d’euros pour un résultat nul. C’est grotesque. Mais au fait qu’est ce qui coince vraiment ? Le fait que l’Union Européenne et les grands pays ne conçoivent pas que la Grèce sorte de l’euro, alors que ce serait la meilleure solution (mais ce serait remettre en cause leur croyance quasi religieuse dans la monnaie unique). Autre chose aussi, qui est lié : le fait que les Etats qui ont prêté à la Grèce ne veulent pas accepter de décote, parce qu’ils seraient obligés de reconnaître leur erreur devant leurs électeurs. Alors que les banques acceptent une décote de 70 % on le rappelle, les détenteurs publics (Etats, BCE) veulent être remboursés en totalité. Conséquence, la Grèce ne peut pas s’en sortir. Mais, on le voit, c’est l’interventionnisme public qui bloque tout, plutôt que les « vilains » marchés ou les « horribles » agences de notation, boucs émissaires bien pratiques.

Addendum, 15h : Des responsables de la zone euro étudient comment retarder certaines parties ou l'intégralité du deuxième plan d'aide à la Grèce, si possible jusqu'à après les élections prévues pour avril (Reuters) !

Philippe Herlin

jeudi 9 février 2012

Mes trois prochains livres !

Après une pause de plus d’un an, je publie trois livres en quinze jours ! Tous complémentaires. Toujours chez Eyrolles. Tout d’abord un ouvrage de fond, Repenser l’économie, qui sortira le 16 février. Puis, le 1er mars, la deuxième édition de France, la faillite ? ainsi que L’or, un placement d’avenir. Toutes les informations détaillées sur mon site philippeherlin.com.

Philippe Herlin

mercredi 8 février 2012

Le rapport 2012 de la Cour des comptes

La Cour des comptes vient de rendre son rapport annuel 2012. Comme nous le disions dans notre précédent billet, la « trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire » ressort plutôt de la méthode Coué puisque « l'essentiel (environ les deux tiers) de l'effort de redressement des finances publiques est encore à venir, même en intégrant les effets des derniers plans de rigueur. En outre, ces plans ont surtout conduit à relever les impôts, pas assez à réduire la dépense, une orientation qu'il s'agit désormais d'inverser en prenant des mesures d'économies radicales à effet immédiat. » (Les Echos). C’est clair, et ces « mesures d’économie » ne seront bien sûr pas réalisées en cette année électorale…

Parmi les différents dossiers couverts par ce rapport, relevons celui consacré à la Banque de France. Il n’y a pas que le bilan de la BCE qui enfle à mesure qu’elle soutient le secteur financier européen, c’est aussi le cas des différentes banques centrales nationales réunies au sein de l’Eurosystème. Ainsi « Le bilan de la Banque de France a triplé depuis 2003 et atteint près de 482 Md€ en 2010 » (page 274). Au-delà d’un effet technique (sur les billets mis en circulation, cf p. 274-275), et de la hausse du cours de l’or, cette progression résulte « de l’accroissement du volume des refinancements consentis aux établissements de crédit. » (p. 275). Concrètement, les banques françaises lui refourguent leurs créances pourries en échange de liquidités, résultat : « 44% [du portefeuille en euros pour compte propre, d’un montant de 56,7 Md€ au 31 décembre 2010] ont été investi dans des titres de dette d’Etat pour lesquels la probabilité de défaut n’était pas nulle à l’origine (Grèce, Irlande, Portugal, Italie, Espagne). » Voici une prise de risque inquiétante (la BCE envisage d'accepter une perte sur ses titres grecs, bientôt la Banque de France ?).

La Cour des comptes critique également la revente d’un cinquième du stock d’or (Le Point et rapport p. 278), une idée profondément stupide, nous l’avons dit. Cependant, comme nous l’avions indiqué dans ce billet, sur la foi d’un article du Figaro, il ne semble pas que l’or de la Banque de France soit gagé en tant que tel pour financer le prêt au FMI, mais que ce soit seulement le produit de la vente de ces 500 tonnes d’or (rapport p. 285). On continue de surveiller l’affaire.

Philippe Herlin

vendredi 3 février 2012

Le grand mensonge du retour à l’équilibre budgétaire

Le gouvernement vient de rendre public sa prévision de déficit budgétaire pour 2012 : 85 milliards d’euros (Les Echos). Après 90 milliards de déficit pour 2011, soit aucune amélioration ! En 2010, le déficit était de 148 milliards, mais il comportait une dépense exceptionnelle (et inutile, nous l’avons dit), le Grand emprunt, d’un montant de 35 milliards. Ainsi, la diminution du déficit entre 2010 et 2011 provient de la fin du Grand emprunt (entièrement comptabilisé sur 2010), des deux mini plans de rigueur de l’automne 2011 (+ 10 milliards de recettes) et d’une pincée de hausse du PIB, et donc des recettes fiscales.

Conclusion : sur ces trois années, le déficit structurel (hors éléments exceptionnels) est resté au même niveau, de l’ordre de 90 milliards d’euros. Ce qui ferait environ 5 % du PIB comme on essaie faussement de nous le faire croire (le déficit budgétaire et le PIB n’ont rien à voir). Le vrai chiffre : les recettes fiscales nettes de l’Etat en 2011 sont de 270 milliards d’euros, ce qui veut dire que le déficit est de 33 % (recettes 270, dépenses 360, déficit 90, soit 90/270=33%). Pour 4 euros dépensés, l’Etat a 3 euros de recettes fiscales et 1 euro de déficit. Ca s’appelle un budget à la dérive. La « trajectoire de retour à l’équilibre » est un pur mensonge.

En fait l’Etat est absolument incapable de réduire son déficit. Il faudrait pour cela des réformes structurelles que personne en France n’a le courage de mettre en œuvre. Tant pis, nous prendrons le chemin de la Grèce.

Information supplémentaire, et ahurissante, de l’article des Echos cité plus haut : « Bercy assure que le programme d'émission de dettes pour 2012 ne va pas être modifié pour autant (il reste prévu à 178 milliards d'euros d'émissions à moyen et long terme). Le Trésor va en effet bénéficier, notamment, du « rapatriement » sur son compte de la trésorerie d'opérateurs publics tels qu'Oséo. » Oséo, soi-disant créé pour financer les PME, va servir à financer le déficit de l’Etat !!! Quand on fait les fonds de tiroir de cette façon, la chute n’est plus très loin.

Philippe Herlin