mercredi 23 mai 2012

Conjurer le risque d’effondrement économique

La comparaison pourra paraître osée, mais elle me semble tout à fait pertinente. On a du mal à comprendre comment l’Europe a pu basculer entièrement et si rapidement dans la Première guerre mondiale. C’est que l’instrument qui avait assuré la paix pendant des décennies a été tellement bien perfectionné et étendu qu’il s’est retourné contre ses concepteurs : le système des alliances. La Triple-Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) faisait face à la Triple-Entente (France, Angleterre, Russie). Un parfait équilibre des forces. Mais un événement aux marges de cet ensemble (l’attentat de Sarajevo le 28 juin 1914) déclenche l’apocalypse. L’empire austro-hongrois soupçonne la Serbie du meurtre de l’héritier du trône et lui déclare la guerre. Mais Belgrade est allié à la Russie… et ainsi se déclenche le système des alliances, et la guerre.

Disons-le clairement : avec l’euro nous sommes, nous Européens, embarqués dans un système comparable. Le danger n’est pas la guerre bien sûr mais l’effondrement économique (qui pourrait ensuite dégénérer…). L’équivalent du «système des alliances» c’est Target2 (lire ce texte), les liens croisés entre les différentes banques centrales européennes, auxquels il faut rajouter les créances des banques privées. L’incident «aux marges de l’empire» c’est la Grèce bien sûr. Economiquement tout le monde admet que la Grèce doit quitter la zone euro. Mais concrètement tout le monde craint, à juste titre, un enchaînement incontrôlable qui toucherait d’autres pays (Espagne, Italie) et ensuite évidemment toute l’Europe.

Que faire ? Laisser la Grèce sortir en catastrophe de la zone euro comporterait trop de risques. Il faut d’abord dénouer Target2 (pour le supprimer à terme tant ce mécanisme est malsain) et, surtout, sortir du «tout ou rien» (la Grèce dans l’euro sous perfusion ou rejetée sans ménagement) en adoptant une solution médiane : permettre la double circulation de l’euro et de la drachme en Grèce (pour plus de détails, lire ce texte). En somme, il faut d’abord se pencher sur le fonctionnement de l’euro avant de régler le problème grec, sinon la situation risque de devenir incontrôlable.

Philippe Herlin