On le sait, le moyen le plus facile de s’endetter consiste à faire «tourner la planche à billets». Mais il y a un inconvénient majeur : l’inflation, due à l’accroissement de la masse monétaire (la quantité de monnaie en circulation augmente plus vite que la production, donc mécaniquement les prix augmentent). Mais comme en ce moment c’est plutôt la désinflation qui menace (chute des prix dans l’immobilier et la bourse, légère baisse des prix industriels, stagnation ou légère baisse dans les biens de consommation), certains se disent qu’il y a une fenêtre d’opportunité… Après la banque d’Angleterre début mars, la Fed vient de décider qu’elle allait consacrer jusqu’à 300 milliards de dollars pour acheter des bons du Trésor à long terme (c'est-à-dire imprimer 300 milliards pour les donner au Trésor US ; en fait concrètement créditer son compte). Notons accessoirement que la Fed va aussi dépenser 1.250 milliards de dollars pour racheter les titres adossés à des prêts immobiliers (MBS) des agences de refinancement hypothécaires, ce qui va encore dégrader son bilan, comme nous l’avions indiqué dans cette note.
Première remarque : la Fed en vient à faire tourner la planche à billets peut être parce qu’elle se doute que le marché (national et international) ne pourra pas absorber tous les emprunts d’Etat, ce qui est plutôt inquiétant pour nous, en France et en Europe, car les statuts de la BCE lui interdisent de faire comme la Fed. Ceci dit, l’objectif affiché de la Fed est de faire baisser les taux longs ; soit, restons en là pour le moment.
Deuxième remarque : avec cette politique, la Fed risque de faire passer la crise dans un compartiment relativement préservé pour le moment, celui des changes. Car les détenteurs de dollars, voyant cette création monétaire débridée, risquent de s’inquiéter pour la valeur de leurs avoirs… Il faudra surveiller le cours du dollar dans les semaines à venir (Paul Jorion, un des rares économistes avec Nouriel Roubini et quelques autres à avoir prévu la crise des Subprimes y voit carrément la fin du capitalisme, article provocateur et intéressant).
Troisième remarque : finalement avec notre BCE légèrement psychorigide (son extrême réticence à baisser ses taux d’intérêt) et entravée dans ses mouvements (dans l’impossibilité d’acheter des emprunts d’Etat), nous sommes peut être à l’abri de risques systémiques plus graves (si la France ne peut plus placer ses emprunts d’Etat sur le marché, elle ne pourra pas se tourner vers la BCE et devra se réformer, tant mieux !).
En conclusion, il nous semble que pour un bénéfice immédiat (le financement du déficit US), on est en train d’accroître le risque systémique global (marché des changes, bilan de la Fed)… A surveiller.
La Fed emploie les grands moyens
http://www.e24.fr/economie/monde/article70939.ece
Le 18 mars 2009 : fin du capitalisme, par Paul Jorion
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2592
La Banque d'Angleterre prépare des achats massifs d'emprunts d'Etat
http://www.lesechos.fr/info/inter/4839039-la-banque-d-angleterre-prepare-des-achats-massifs-d-emprunts-d-etat.htm
Les moyens d’action de la BCE
http://www.lesechos.fr/info/inter/4839172-francfort-n-a-pas-encore-tire-toutes-ses-cartouches.htm
Philippe Herlin
© La dette de la France .fr