vendredi 29 avril 2011

La Grèce au bord de l’explosion ?

La Grèce, l’Irlande et le Portugal sont insolvables et devront restructurer leur dette publique, nous le savons déjà (voir cette note), mais le fait est que pour la Grèce la situation devient carrément intenable, le taux des obligations à deux ans vient de franchir les 25 % (merci à BA pour ses commentaires réguliers) ! Le graphique est parlant. Quand est-ce que le pays va exploser ? Les chancelleries européennes sont-elles déjà en train de négocier en secret une restructuration ? Une banque grecque va-t-elle se déclarer en faillite ? Il faut déjà penser aux conséquences d’une restructuration (c'est-à-dire d’un défaut sur une partie de la dette) car les banques françaises sont très engagées en Grèce, même si elles retirent leurs billes : plus de 60 milliards… Et cet article ne mentionne pas le fait que le Crédit agricole possède l’une des principales banques du pays, Emporiki. Un investissement judicieux. Et surtout, les banques françaises se sont engagées à ne pas abandonner la Grèce en ne revendant pas d'obligations d'État, c’est malin ! Naïveté (l’Europe n’abandonnera pas un pays membre), soumission (au pouvoir politique), cynisme (empochons les bonus, on verra après), bêtise d’économistes gaussiens incapables de prendre en compte un Cygne noir pourtant bien visible ? Tout ça à la fois certainement.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 26 avril 2011

Qui détient la dette publique ? une étude de Fondapol

Signalons cette intéressante étude du think thank Fondapol, Qui détient la dette publique ? On n’apprend rien de fondamentalement nouveau mais on y trouve des confirmations d’éléments dont nous parlons dans ce blog. La question de savoir qui détient la dette publique prend son sens à partir du décloisonnement des marchés financiers dans les années 80 et de la mondialisation qui ont permis aux Etats de se financer à l’international ; mais cette facilité introduit également une fragilité et un risque systémique… Comme nous l’avons déjà dit, « La détention par les banques et les sociétés d’assurances de gros portefeuilles investis en titres publics est donc un facteur de risque systémique pour l’ensemble du système financier en cas de crise de la dette » (page 9). De ce fait, « Préserver une base durable de détenteurs des titres publics redevient donc une préoccupation majeure pour les émetteurs souverains. En outre, l’identité des porteurs de titres publics redevient une donnée essentielle pour mesurer l’exposition des acteurs financiers à une crise souveraine et prévenir les risques de crise systémique » (page 7), et c’est justement une information que ne veut pas communiquer l’Agence France Trésor, dommage, et inquiétant…

On voit aussi que la course au rendement facile des banques a contribué à fragiliser le système financier européen : « La dette des pays périphériques a constitué un support d’investissement privilégié pour l’épargne excédentaire des pays du « cœur » de la zone euro, notamment l’Allemagne, dont les épargnants ont été attirés par les rendements plus élevés offerts par ces autres émetteurs européens classés par les agences de notation au sein d’une même catégorie de débiteurs » (page 17). Et voilà comment les banques allemandes et françaises se retrouvent avec des montagnes d’emprunts grecs, ça rapporte plus, mais elles n’avaient pas imaginé le risque de défaut ou de restructuration…

La monétisation de la dette publique (avec ses effets inflationnistes) est largement utilisée aux Etats-Unis, on le sait, mais aussi de façon « indirecte » en Europe, comme nous l’avions dit dans France, la faillite ?, : « un financement monétaire indirect des dettes publiques des pays fragiles de la zone euro est bien mis en œuvre En effet, les dispositifs de crise mis en place par la Banque centrale européenne (BCE) permettent depuis 2009 aux banques de la zone euro de se refinancer sans limite auprès de la banque centrale en apportant en collatéral leurs avoirs en titres publics. Par ce biais, les banques des pays périphériques ont massivement eu recours à la liquidité de la banque centrale pour acquérir des titres publics. » (page 25)

Enfin, « Il est probable, en dépit des dénégations officielles, que la dette des États membres proches de l’insolvabilité (Grèce) devra être restructurée d’une manière ou d’une autre dans les prochaines années, avec ou sans l’aide du FESF, en prenant en compte les retombées d’une telle restructuration sur le système bancaire européen. » (page 27). Rien de nouveau donc, seulement la confirmation de tendances très inquiétantes.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 18 avril 2011

La Grèce, l’Irlande et le Portugal sont insolvables

Voilà, les marchés commencent à comprendre : la Grèce, l’Irlande et le Portugal sont INSOLVABLES. Ils ne connaissent pas des difficultés temporaires, un risque d’illiquidité auquel il faut parer en leur prêtant quelques dizaines de milliards d’euros, ils ne pourront pas rembourser leur dette, point. Cela excède les capacités de leurs économies. Moody’s a encore dégradé la note de l’Irlande, les taux grecs et portugais atteignent de nouveaux records, les marchés tremblent. Il faudra restructurer, c'est-à-dire faire l’impasse sur une partie des sommes dues, allonger les remboursements, diminuer les taux d’intérêt… ce qui provoquera de sévères pertes dans les bilans bancaires européens et dans les budgets nationaux (les 110 milliards prêtés à la Grèce en mai 2010, on n’en reverra qu’une partie !). C’est ce qu’il aurait fallu faire dès le début, les Etats gardant leurs marges de manœuvre financières pour aider leur secteur bancaire à encaisser le choc, alors que les prêts via le FESF n’ont servi qu’à gagner du temps et à gaspiller complètement cet argent. Ceci dit, autant faire ces restructurations en bon ordre, car une décision précipitée ou un « accident » pourrait provoquer un choc comparable à la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Et au fait, l’Espagne nous dit qu’elle n’a pas besoin d’aide…

Info à 15h44 : Standard and Poor's abaisse la perspective sur la dette américaine !!!
(relire notre texte sur Atlantico : Krach imminent sur la dette américaine ?)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 13 avril 2011

"Finance : le nouveau paradigme" Prix spécial du jury du 24e Prix Turgot

Avant d’écrire "France, la faillite", j’avais publié "Finance : le nouveau paradigme", sous titré "comprendre la finance et l’économie avec Mandelbrot, Taleb…". Il a obtenu, hier à Bercy, le Prix spécial du jury du 24e Prix Turgot, le plus important prix pour un livre d'économie. Le Prix est allé à "La société translucide", le jury a aussi distingué "L'histoire vivante de la pensée économique". Souhaitons que cette distinction contribue à encore mieux faire connaître les travaux de Benoît Mandelbrot et de Nassim Taleb auquel ce livre est consacré !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 11 avril 2011

L’Islande redit non !

Sacrés Islandais ! Un accord de rééchelonnement de la dette de leurs banques avait été établi entre leur gouvernement et ceux de Londres et d’Amsterdam (voir notre billet de décembre dernier), mais il y avait, ce dimanche, un référendum. Et c’est non ! Comme pour le premier référendum, mais avec une marge moins grande, le non l’a emporté, mettant à bas cet accord. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas envisagent désormais d’engager une action en justice, voilà qui sera intéressant à suivre. Après la ville de Florence, voici un deuxième défaut souverain en Europe. Répudier sa dette publique, c’est possible ? Ne rêvons pas trop, l’Islande est un cas particulier : la totalité de la dette du système bancaire est due à des étrangers, des épargnants anglais et hollandais attirés par les rendements mirifiques des filiales de banques islandaises venues les démarcher. Et ces épargnants ont été remboursés par leurs gouvernements respectifs, qui donc se tournent vers Reykjavik. Personne n’est ruiné, il n’y a pas d’effet systémique, de dominos qui tombent, seulement une dette publique anglaise et hollandaise qui s’alourdit un peu. Un pays européen ne pourrait faire de même, d’abord parce que les sommes en jeu sont nettement plus importantes, et surtout parce la dette publique se trouve dans les bilans des banques (de son pays et des pays de l’UE) et qu’un défaut provoquerait donc un cataclysme, des faillites bancaires en chaîne. D’où les plans d’aides à la Grèce, l’Irlande, le Portugal (mais qui ne résolvent rien et ne font que gagner du temps).

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 7 avril 2011

Le Portugal appelle au secours

Voilà c’est fait, le Portugal demande officiellement l’aide de l’Union européenne pour régler ses problèmes de dette publique. Précisons que le Premier ministre par intérim (José Socrates) a perdu la majorité au parlement suite au refus de son plan de rigueur, et il formule cette demande pour éviter que le pays ne fasse défaut d’ici les élections générales du 5 juin, c’est dire la précarité de la situation. Les autorités politiques refusaient jusqu’ici de solliciter l’UE, mais ce sont les banques du pays qui ont crié au secours, elles ne veulent plus acheter d’obligations du Trésor portugais car cela met en péril leur propre solvabilité. Cet « arrêt cardiaque » du système financier portugais illustre les conséquences catastrophiques des relations incestueuses entre les Etats et les banques, que nous avons dénoncées dans cette note, et cela peut se reproduire à l’échelle d’un grand pays ou même de toute l’Europe, disons le clairement. Il semble que les banques grecques soient dans la même situation puisque la Commission européenne vient de leur accorder une extension de garantie de 30 milliards d’euros

En bonus on lira cette analyse très « école autrichienne » de Pierre Leconte : Les prix de tous les actifs financiers et réels sont faux.

Par ailleurs je publie Krach imminent sur la dette américaine ? sur Atlantico.

A part ça il fait beau, profitez-en.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 1 avril 2011

Nouvelle alerte sur l’Irlande

Suite à des stress tests, Dublin a annoncé le 31 mars que les banques irlandaises ont besoin de 24 milliards d’euros supplémentaires pour faire face à leurs engagements. Cela porte le plan de sauvetage des banques à 70 milliards d’euros, soit la moitié de la richesse annuelle (PIB) ! Ce n’est plus une crise, c’est un cataclysme. Conséquence malheureusement logique, S&P dégrade la note de l’Irlande, ce qui renchérira encore plus le coût de l’emprunt pour l’Etat irlandais, en déficit chronique et qui doit faire face à la récession (baisse des recettes fiscales) et, en l'occurrence, à ses banques qui sombrent littéralement. L’étranglement semble inévitable. L’aide de l’UE ne fera que reculer les échéances, le rééchelonnement de la dette va se poser de plus en plus sérieusement, comme pour la Grèce. La théorie des dominos, que l’on évoque pour la crise de l’euro, a au moins un aspect rassurant : une fois qu’un domino est tombé, il ne tombe pas plus bas. La crise de l’euro est plus grave que cela puisqu’un pays en difficulté tombe dans une spirale ‘dette-récession’ de laquelle on ne voit pas comment il peut sortir.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr