vendredi 29 juin 2012

Victoire politique de Mario (Monti)Ponzi

On pourra présenter ce qui s’est passé cette nuit lors du sommet européen comme une victoire politique. Au niveau tactique c’en est une, clairement. Alors qu’un accord était sur le point d’être trouvé, l’Italie et l’Espagne (avec le soutien de la France) menacent de tout bloquer, de ne rien signer. Ils demandent que les fonds d’aide européens (FESF et MES) puissent renflouer directement les banques et acheter de la dette des pays en difficulté. Jusqu’ici seuls les Etats pouvaient être aidés, à travers des plans durement négociés par l’Union européenne et, parfois, le FMI. Désormais les choses se feront plus «au fil de l’eau», ce sera plus facile. Et cela ne se substituera pas aux plans d’aide aux Etats, mais s’y rajoutera. Les fonds se chargeront, encore plus qu’avant, de dette de mauvaise qualité, ou carrément pourries (des créances sur des banques grecques, espagnoles, italiennes…). Mario Monti et Mariano Rajoy passent en force. L'Allemagne est coincée et cède. Les marchés devraient apprécier, les taux d’emprunts de l’Espagne et de l’Italie devraient baisser, c’est un peu un LTRO sans le dire. Mais fondamentalement c’est de la planche à billets, du Ponzi. On repousse les problèmes dans le temps, mais en accroissant la quantité de dette dans le système. On n’évite pas la crise, on la repousse.
(addendum : "Par ailleurs, le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui reprendra et complètera les engagements pris par le Fonds de stabilité (FESF) renonce à son statut de créancier senior, une exigence de Madrid qui avait peur de voir fuir les investissements si le MES avait été créancier privilégié." selon La Tribune. Et voilà, le MES va devenir une vraie poubelle ! Pas grave, les Etats - les contribuables - sont derrière.)

Philippe Herlin

jeudi 28 juin 2012

Le chef économiste de la BCE est un incompétent !

S’il fallait une confirmation que la crise est loin d’être terminée et que ceux qui sont aux manettes n’en comprennent pas la nature profonde, en voici une : le chef économiste de la Banque centrale européenne, Peter Praet, estime, dans un entretien au Financial Times Deutschland, qu'«il n'existe pas de doctrine qui dise que le taux directeur ne peut tomber sous 1%» (Les Echos).

Eh bien si précisément, et il ne s’agit pas d’une opinion marginale mais tout simplement de l’école autrichienne, l’un des principaux courants de la pensée économique ! Ses grands représentants (Menger, Mises, Hayek, Rothbard, Fekete) ont constamment réaffirmé que la manipulation du taux d’intérêt, la volonté par la banque centrale de le maintenir au plus bas sous prétexte de soutenir l’activité, provoque une bulle du crédit qui se transforme ensuite en krach. C’est même comme cela qu’a commencé la crise dans laquelle nous sommes, lorsque qu’Alan Greenspan a ramené à 1% le taux d’intérêt de la Fed suite à l’éclatement de la bulle Internet et des attentas du 11 septembre 2001, il alors craignait une récession. Un taux inférieur à l’inflation, de l’argent «gratuit» (pour les banques). On connaît la suite, le boom du crédit immobilier, accéléré par les subprimes, et la crise qui éclate en 2007-2008. Cette manipulation (voir ce graphique parlant) envoie de faux signaux à l’économie. L’homme politique (et économiste) américain Ron Paul explique fort justement que «La Fed ne parvient pas à saisir que le taux d'intérêt est un prix, le prix du temps. La tentative de manipuler le prix de l’argent est aussi destructeur que tout contrôle des prix par un gouvernement.» Ces taux d’intérêt anormalement bas (à la BCE, la Fed, au Japon, au Royaume-Uni) non seulement n’apporteront pas de retour de la croissance, mais ils sont en plus porteur de la prochaine crise.

Philippe Herlin

lundi 25 juin 2012

La fuite en avant des banques centrales

La Banque des règlements internationaux (BRI) vient de publier son rapport annuel et il explique, dans un langage très posé, la gravité de la situation. La «banque des banques centrales» montre à quel point celles-ci tiennent à bout de bras le système financier mondial. Dès les premières pages le diagnostic est sans appel, il montre qu’elles sont engagées dans une fuite en avant : «A18.000 milliards de dollars (chiffre toujours en progression), l’actif agrégé de l’ensemble des banques centrales représente 30 % environ du PIB mondial». Vous avez bien lu, le bilan des banques centrales de la planète équivaut à un tiers du PIB mondial ! Voici la conséquence directe de la crise financière et de l’explosion de l’endettement des Etats. Les banques centrales sont en effets appelées à la rescousse pour soutenir les banques (reprendre leurs actifs pourris en échange de liquidités) et les Etats (racheter leur dette qui ne trouve pas preneur sur les marchés). Et ce n’est pas prêt de se terminer puisqu’elles «sont contraintes de prolonger la stimulation monétaire face aux atermoiements des gouvernements, ce qui retarde le processus d’ajustement. […] En réalité, des taux directeurs proches de zéro conjugués à un soutien de liquidité massif et quasi inconditionnel n’incitent guère le secteur privé à assainir ses bilans ni les autorités budgétaires à limiter leur appel à l’emprunt.» Désormais une partie significative du risque systémique se trouve dans les banques centrales : «Avec des taux nominaux maintenus à des niveaux qui ne sauraient être plus bas et des bilans en constante expansion, les risques s’accumulent pour les banques centrales.» Plus précisément : «Au nombre de ces conséquences pourraient figurer, notamment, un soutien accordé en pure perte à des emprunteurs et des banques, de fait, insolvables − un phénomène que le Japon a connu dans les années 1990 – et un gonflement artificiel du prix des actifs, porteur, à terme, de risques pour la stabilité financière.» Ou plus précisément, un défaut généralisé ou une vague d’hyperinflation. La ruine dans les deux cas. Pendant ce temps, les grandes banques commerciales ne changent rien à leur comportement délétère, elles «continuent de trouver un intérêt à augmenter leur levier d’endettement sans se soucier suffisamment des conséquences d’une défaillance : du fait de leur poids systémique, elles comptent sur un soutien public en cas d’évolution défavorable.» ! Et les pays émergents seront bientôt touchés : «Ces conditions monétaires accommodantes ont, depuis quelque temps déjà, alimenté l’essor du crédit et des prix des actifs dans certaines économies émergentes, où elles risquent de développer des déséquilibres financiers analogues à ceux qu’ont connus les économies avancées dans les années qui ont immédiatement précédé la crise mondiale.» Un bien sombre tableau, mais on ne freine pas la course à l’abime, la BCE vient en effet d’accepter que les prêts immobiliers espagnols servent de garantie aux liquidités qu’elle prête aux banques espagnoles ! Des bouts de papier qui ne valent plus grand chose se retrouvent ainsi dans le bilan de la Banque centrale européenne…

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Philippe Herlin

mardi 19 juin 2012

La fuite dans la planche à billets

Moins ça marche plus on insiste, telle semble être la devise des banques centrales à travers le monde. Au prétexte de soutenir l’économie en favorisant le crédit, les banques centrales font tout pour rendre l’argent « facile », en usant de différents moyens : 1) elles baissent leurs taux d’intérêt en dessous de l’inflation, ainsi les banques se financent gratuitement ; 2) elles font des prêts géants à long terme aux banques (comme les deux LTRO de 500 milliards d’euros de la BCE à 1% sur 3 ans), ce qui leur permet de récupérer des masses d’argent à très faible coût ; 3) elles rachètent des emprunts d’Etats, ce qui permet à ceux-ci de financer facilement leurs déficits et de continuer à « soutenir la demande ». Récemment la Banque d’Angleterre vient d’annoncer un plan à 140 milliards de livres de liquidités pour les banques, après avoir racheté 325 milliards de livres d’obligations d’Etat. La Fed fait cela depuis la crise de 2008, le Japon depuis la crise des années 90… Est-ce que ça marche ? Non. Donc on continue, logique. En fait c’est un mélange d’aveuglement et de panique qui gouverne les Etats, et la planche à billets – c’est ce dont il s’agit – est l’outil le plus facile pour repousser les échéances. A la crise de la dette, nous rajoutons une crise de la monnaie, qui perdra progressivement sa valeur à force d’être imprimée, et au lieu de résoudre la crise, nous ne faisons que l’accroître…

Philippe Herlin

vendredi 15 juin 2012

Comment les gouvernements nous prennent pour des c…

Scoop : les plans d’aide à la Grèce, c’était juste de la comm, une façon de gagner du temps et de sauver les apparences, mais dès le départ les gouvernements des pays européens n’y croyaient pas, c’est un ancien membre du gouvernement Fillon qui le dit. Dans une interview pour Atlantico, l’ancien Secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, Pierre Lellouche, fait cette déclaration hallucinante : «J'étais soumis à un devoir de réserve mais je n'ai jamais cru un instant que les Grecs pourraient rembourser tout l'argent que nous leurs avons remis. Tout cela devrait nous coûter pas loin de 150 milliards d'euros.» Bien, c’était juste du théâtre alors. Et si lui était convaincu de cela, il en allait bien sûr de même pour les ministres de l’économie, du budget, le premier ministre, le président… en France et ailleurs… à la Commission européenne… Ca fait un peu cher le plan comm quand même.

Rappelons-nous avec quelle autorité ces personnes nous expliquaient que ces plans étaient sérieux, que la Grèce allaient retrouver le chemin de la croissance et nous rembourser, puis ensuite l’Irlande, le Portugal, et maintenant l’Espagne. Les rares économistes ou éditorialistes qui en doutaient passaient pour des Cassandres, des irresponsables. Ces plans ne tenaient pas la route, et ceux qui les mettaient en place le savaient dès le départ. Merci de cet aveu.

Mais n’accablons pas Pierre Lellouche, c’est pareil avec le gouvernement actuel. Attention, si les gouvernements se comportent avec une moralité aussi douteuse, tout ça va mal finir. D’ailleurs, le bank run qui s’étend progressivement en Europe traduit la défiance des citoyens envers leurs dirigeants et leurs discours lénifiants. C’est un peu l’équivalent de l’abstention dans les élections, mais ses effets sont beaucoup plus graves.

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Philippe Herlin

mardi 12 juin 2012

Alerte : le bank run s’étend à l’Europe et à la France !

Selon Le Figaro, qui reprend une dépêche Reuters, «En cas d'événement extrême, telle une sortie de la Grèce de la zone euro, les dirigeants européens envisagent de limiter les retraits d'argent «au moins en Grèce». Les accords de Schengen pourraient être suspendus.» Ce qu’il faut bien apprécier ici, c’est le «au moins en Grèce»… Ah bon ! Parce que d’autres pays pourraient aussi être concernés ? On sait qu’il y a, depuis des mois, un bank run larvé en Grèce (72 milliards d’euros depuis début 2010, début de la crise), et depuis quelques semaines en Espagne (chez Bankia notamment). Selon Reuters, l’Italie, autre pays en crise, a vu 30 milliards quitter ses banques. Mais la Belgique est également touchée avec 120 milliards (!!! une faute de frappe ?) sortis de deux banques, dont Dexia. La France est touchée, mais dans une moindre mesure, à hauteur de 90 millions d'euros, dont 30 millions pour BNP Paribas et autant pour Crédit agricole.

La panique bancaire commence à toucher l’ensemble des pays européens. Et les menaces des dirigeants européens de limiter les retraits et de suspendre Schengen pour contrôler les passages transfrontaliers ne peuvent qu’accélérer ce mouvement ! Rappelons que la solution que je préconise, à savoir la double circulation euro ET monnaie nationale réintroduite de façon négociée (pour la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne) permettrait d’éviter cela, chacun pouvant choisir de placer son épargne dans sa monnaie ou en euros. Au contraire, passer de l’euro obligatoire pour tous à la drachme obligatoire pour tous ne peut que générer de la panique. On demeure, dans les deux cas, dans une monnaie étatique, imposée par l’Etat, avec ce que cela suppose de contrôle des changes (qui est fondamentalement une atteinte à la liberté). Mais la double circulation suppose qu’une part de la souveraineté monétaire repose dans les mains des citoyens, et cela les Etats européens et la technocratie bruxelloise n’y sont pas prêts, malheureusement.

Et bien soit, le bank run va s’amplifier, la crise va s’étendre comme une traînée de poudre et deviendra vite incontrôlable par les Etats…

Philippe Herlin

lundi 11 juin 2012

Petit rappel : Dexia = Bankia

L’aide que l’Europe vient de décide d’apporter à l’Espagne s’élève à 100 milliards d’euros. Cette somme doit servir à Bankia ainsi qu’aux autres banques en difficulté. Un chiffre énorme bien sûr, mais rappelons-nous que l’aide apportée à la seule Dexia par la Belgique, la France et le Luxembourg se monte à 90 milliards d’euros (sous forme de garanties). Et la moitié de cette somme a déjà été consommée… Alors pourquoi les marchés ne s’inquiètent-ils pas pour ces pays ? Certes, l’essentiel de la charge est répartie entre deux pays, et non pas sur un seul. Cependant, ce chiffre de 90 milliards n’est pas un plafond puisque Dexia «porte encore 250 milliards d’euros d’actifs risqués» (L’Agefi) ! Non, ce qui semble mieux réussi de ce côté des Pyrénées c’est une chose : la communication. En Espagne, le gouvernement s’étonne de découvrir une perte, qui de surcroît grossit de semaine en semaine, et il commande des audits à des sociétés externes car il n’a confiance ni dans la banque, ni dans ses propres services. Résultat, personne n’a confiance en lui, ni les marchés, ni Bruxelles, d’où le plan d’aide. Au contraire, en France la technostructure de Bercy a su magistralement étouffer le scandale Dexia, balancer très tôt un chiffre élevé (90 milliards), et passer à autre chose («le déficit budgétaire de la France sera de 3% en 2013», voir le billet précédent). C’est brillant, c’est efficace, pour l’instant.

> le podcast de mon émission de radio avec Olivier Delamarche samedi 9 juin : partie 1, partie 2

Philippe Herlin

vendredi 8 juin 2012

«3% de déficit en 2013», le gag continue !

Les ministres des finances passent mais les déclarations fantasmagoriques continuent : après François Baroin, voici Pierre Moscovici qui nous promet un déficit ramené à 3% du PIB en 2013. Comme nous l’avions expliqué dans ce billet, le déficit structurel du budget de l’Etat ne se réduit nullement, et il est de l’ordre de 90 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5% du PIB, ou plus exactement un déficit des recettes par rapport aux dépenses de 33 % (recettes 270 milliards, dépenses 360, déficit 90, soit 90/270=33%). D’ailleurs la tendance sur les quatre premiers mois de 2012 ne se modifie pas (59,9 milliards de déficit à la fin avril contre 61,4 un an plus tôt). En fait les deux ministres comptaient sur une très électoraliste prévision de croissance du PIB à 2% en 2013 et après. Non seulement ce n’était pas sérieux, mais en plus c’est la récession qui s’installe en France : la Banque de France prévoit -0,1% au deuxième trimestre, après 0% au premier. Conclusion le déficit budgétaire va augmenter en 2012, et encore plus en 2013. Les marchés n’ont pas intégré cette information, mais ça ne devrait pas tarder.

> Retrouvez moi à la radio avec Olivier Delamarche au «Journal des lycéens» de Hugues Sérapion (Radio courtoisie 95.6 à Paris) samedi de 12h à 13h30 (redif le même jour à 16h et minuit).
>> le podcast : partie 1, partie 2

Philippe Herlin

mardi 5 juin 2012

Le bank run des grandes entreprises

Au fait, on ne vous l’avait pas dit, mais le bank run a déjà commencé en France et en Europe ! Enfin, il n’y a pas de files d’attentes devant les agences bancaires, non, il concerne seulement, pour l’instant, les grandes entreprises. Parce qu’elles peuvent se le permettre. Comme l’explique cet article du Figaro, les grandes entreprises ont de moins en moins confiance dans le système bancaire et elles préfèrent déposer leurs liquidités où elles sont certaines de les retrouver, c'est-à-dire directement à la Banque centrale européenne (BCE) ! Certains groupes possèdent des banques (L’Oreal, Peugeot, Renault), ce qui rend la chose très facile, d’autres utilisent leur «pouvoir de négociation» («Nous disposons d'une banque qui nous permet de déposer nos liquidités à la BCE», précise-t-on chez Total). D’autres enfin acquièrent une licence bancaire (Siemens depuis 2010) ou cherchent à le faire (EADS). De grandes entreprises se font aussi des prêts entre elles, court-circuitant ainsi les banques. On apprend même au passage que certaines de ces entreprises profitent des LTRO (les prêts géants de la BCE destinés à aider le secteur bancaire), c'est-à-dire récupèrent de l’argent à 1% l’an, ce qui constitue une distorsion de concurrence qui ne semble gêner personne… Bref, les grandes entreprises européennes anticipent clairement des faillites bancaires et elles prennent leurs dispositions pour s’en protéger.

Mon interview vidéo pour Challenges «Et si la Grèce retournait à la drachme tout en gardant l'euro».

Philippe Herlin