lundi 27 août 2012

Repenser l’impôt, et la crise, avec Peter Sloterdijk

Il est rare qu’un philosophe parle d’économie, et encore plus qu’il le fasse avec justesse. C’est le cas de Peter Sloterdijk, certainement le plus grand penseur allemand vivant, au moins aussi connu que l’ennuyeux et académique Habermas. Repenser l’impôt regroupe un texte de 80 pages et une quinzaine d’interviews qui alimentèrent une vigoureuse polémique en Allemagne : l’auteur n’y propose rien de moins que de remplacer pour partie les impôts par des dons ! « Nous ne vivons plus dans un contexte absolutiste, et les citoyens ne doivent plus être traités comme des sujets. Il faut repenser le phénomène des impôts, c'est-à-dire des prestations au profit du bien commun » (p. 246). Des impôts dont il dénonce par ailleurs le niveau trop élevé, et le fait qu’ils reposent en très grande partie sur la classe moyenne. « Mais personne ne paiera plus, c’est un cadeau aux riches ! » lui rétorquèrent la plupart des éditorialistes et intellectuels, « votre réponse ne traduit que la piètre image que vous vous faites de l’Homme » répondit Sloterdjik. Il ouvre des perspectives auxquelles nous devrions réfléchir : « La peur n’est pas une base acceptable pour la cohésion d’une société qui prétend être une démocratie. Vouloir établir la communauté solidaire réelle par des mesures fiscales contraignantes est une approche blâmable. […] J’affirme au contraire que toute cette tendance asociale, cette idéologie misérable qui ne connaît que la cupidité, chez soi-même et chez les autres, cette psychologie à bon marché de greedy pig dans les têtes des sociologues et des psychologues, bref, j’affirme que tout cela nous prouve une chose : nous nous sommes fondés, au XXe siècle, sur une fausse image de l’homme. On croit que l’homme est un animal qui prend autant que possible. L’idée ne vient plus à personne de prendre au sérieux les hommes en leurs qualités de donateurs. » (p. 263).

Satisfaction supplémentaire à la lecture de cet ouvrage, lorsqu’il faut expliquer la crise actuelle, Sloterdijk s’y révèle un Autrichien pur sucre : « D’un point de vue technique, la crise a surtout été déclenchée par la politique abstruse de taux d’intérêts bas menée par les banques centrales, ce qui a incité le capital d’investissement à se ruer sur tout ce qui rapportait plus que zéro. » (p. 212). Et il revient plusieurs fois sur cette idée. On ne manquera pas non plus de lire son brillantissime Palais de cristal sur la naissance du capitalisme (même si la seconde partie de l’ouvrage, sur la période contemporaine, s’avère moins convaincante). Que nos économistes en prennent de la graine !

Philippe Herlin

vendredi 10 août 2012

La Grèce représente un risque d’au moins 50 milliards d’euros pour les comptes publics de la France

Alors que la crise de la zone euro n’en finit pas de s’étendre, il ne faudrait pas oublier la Grèce, car rien n’est réglé. Les multiples plans patinent, le PIB recule, la réduction du déficit budgétaire est repoussée dans le temps, les privatisations se font attendre (qui va acheter des entreprises publiques grecques ?). En clair, la Grèce va encore faire défaut. Pourtant les banques ne poussent pas de hauts cris, pourquoi ? C’est bien simple, suite aux derniers plans d’aide européens, elles se sont débarrassées de la dette publique grecque qui est désormais entièrement dans des mains publiques : la BCE, le fonds d’aide FESF, les Etats. Ce sont eux qui vont payer, c'est-à-dire nous, les contribuables. On ne connait même pas le chiffre précis ! L’Assemblée nationale et le Sénat demandent au gouvernement de publier à la rentrée un rapport synthétisant les engagements pris par la France envers la Grèce, ainsi que la zone euro globalement (Les Echos). Et déjà le député Christian Paul chiffre à 50 milliards d’euros les engagements de la France envers la Grèce, soit directement (prêts bilatéraux), soit indirectement (renflouement du FESF). Une sacrée bombe à retardement. Et on ne parle que de la Grèce.

Philippe Herlin