vendredi 30 septembre 2011

Le FESF, la boîte de Pandore

Le parlement allemand vient d’approuver l’élargissement des missions du FESF (Fonds européen de stabilité financière), dans le cadre du plan d’aide à la Grèce signé le 21 juillet. Donc tout va bien ? Doté de 440 milliards d’euros, il devra en dépenser 109 en faveur de la Grèce dans le cadre de cet accord du 21 juillet, il lui en restera donc 331 exactement pour ses autres missions qui sont :
1) Acheter de la dette publique sur le marché secondaire, de façon à soutenir les pays concernés (éviter une trop forte hausse des taux d’intérêts par manque d’acheteur). Le FESF se substituera ainsi en partie à la BCE, de plus en plus réticente à remplir son bilan d’actifs risqués.
2) Recapitaliser directement les banques des pays en difficulté.

Racheter de la dette insolvable (Grèce, Irlande, Portugal) et risquée (Espagne, Italie), ou renflouer des banques en faillite, grâce à la garantie d’Etats notés AAA mais néanmoins très endettés (Allemagne, France essentiellement), voici un beau programme ! C’est de la cavalerie. Ou de la pyramide de Ponzi. Rien de plus. On ajoute de la dette à de la dette, pour gagner du temps (tenir jusqu’aux prochaines élections).

Et il y a pire. Parce que ces 331 milliards d’euros vont vite se révéler insuffisants, des « experts » selon l’article des Echos, que nous préférerons appeler des fous dangereux, « réfléchissent à un effet de levier, qui permettrait de prêter beaucoup plus que le FESF ne peut le faire actuellement. L'idée consisterait à emprunter, comme une banque peut le faire auprès de la BCE en apportant en garantie les emprunts qu'il aura achetés sur les marchés. Il pourrait ainsi, selon les économistes, avoir une force de frappe atteignant de 10 à 100 fois ses capacités actuelles. » Un énorme subprime de plusieurs milliers de milliards d’euros remplis d’actifs pourris à l’échelle de l’Europe ! Quelle bonne idée ! C’est la voie assurée vers la faillite générale des Etats et du système bancaire européen, la ruine pour toute l’économie. Ce pas n’est heureusement pas encore franchi, évitons d’ouvrir la boîte de Pandore !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 26 septembre 2011

Dexia, un nouveau Crédit Lyonnais ?

C’est la crise dans la crise. Au sein d’un secteur bancaire qui va déjà très mal du fait de la crise des dettes souveraines, la banque franco-belge Dexia serait proche d’être démantelée (selon le JDD), « une nouvelle catastrophe », « c’est la hantise des pouvoirs publics », « le château de cartes est fragile », tels sont les termes de l’article. En effet, Dexia est plombée par 124 milliards d’euros d’actifs toxiques qui datent de la crise de 2008 ! Résultat, la banque veut céder rapidement 20 milliards d’actifs pour retrouver un peu d’oxygène, mais cela ne suffira sans doute pas et Les Echos évoquent « l’extériorisation » de 80 milliards d’euros… Cela ne vous rappelle rien ? Mais si ! C’est le CDR, qui a repris les actifs pourris du Crédit Lyonnais en 1993 ! Dans le même temps, on évoque la création d’une nouvelle banque des collectivités locales… On voit le manège : le contribuable prend à sa charge les pertes, et la banque repart sur de nouvelles bases ! Cette banque qui, selon Libération, a vendu quantité de prêts toxiques aux collectivités locales, alors que c’est « leur » banque de confiance. Au fait, entend-on parler d’ouvertures d’enquêtes judiciaires envers les dirigeants qui gèrent si mal cette banque ? Non, pour l’instant. Le « trou » du Crédit Lyonnais en 1993 s’élevait à 130 milliards… de francs. Avec Dexia c’est le même chiffre, mais en euro.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 21 septembre 2011

CDS : pire que la dette, le produit financier qui pourrait provoquer la faillite des banques françaises...

Mon nouveau texte pour Atlantico : CDS : pire que la dette, le produit financier qui pourrait provoquer la faillite des banques françaises...

Addendum : quatre jours de suite (22, 23, 24, 25 septembre), l'article le plus lu d'Atlantico !

Addendum 2 : @l'anonyme qui nous dit "Il me semble que le montant des CDS émis pour la grèce représente un montant de 5Mds."... D'où tire-t-il cette information ? Les CDS sont un marché de gré à gré, donc opaque, et ces produits sont inscrits au hors-bilan, donc en n'en sait RIEN, même si des organismes (comme l'ISDA) publient des statistiques. Je remarque qu'ici et sur Atlantico on voit beaucoup de commentateurs qui nous expliquent qu'il ne faut pas s'inquiéter pour les CDS. Je vois que les banquiers travaillent même le week-end, bravo. Au passage, mon article est depuis jeudi l'article le plus lu sur Atlantico ! Merci à vous tous !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 19 septembre 2011

Les effets dominos en Europe

Voici de très intéressants graphiques publiés par Zero Hedge, qui proviennent de Reuters, et qui montrent l’exposition des systèmes bancaires nationaux aux différents pays de la zone euro (dettes publiques + dettes privées). On peut identifier aisément les principaux effets dominos en Europe. Paradoxalement, la Grèce n’est pas le cas le plus dangereux : son principal créancier est le système financier français, à hauteur de 56,9 milliards d’euros, ce qui reste malgré tout absorbable. Mais on note ailleurs plusieurs connexions à environ 100 milliards d’euros qui, si elles venaient à rompre, entraîneraient des conséquences gravissimes (faillite du système bancaire, renflouement géant de l’Etat, ou nationalisations) :
1) L’Irlande, qui est engagée envers le Royaume-Uni et l’Allemagne à hauteur de plus de 100 milliards d’euros à chaque fois. Autrement dit la chute de l’Irlande provoque une crise systémique instantanée dans ces deux pays.
2) Le Portugal, très engagé envers l’Espagne (88,5 milliards), déjà très malade de ses banques qui ont largement investi dans la bulle immobilière et sont loin d’avoir enregistré toutes leurs pertes. Donc si le Portugal saute, l’Espagne saute dans la foulée. Et après l’Espagne il y a l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, chacun engagés à plus de 100 milliards d’euros.
3) L’Italie, engagée envers la France à hauteur de 410 milliards d’euros ! L’Italie, dont le risque de défaut existe selon l'administrateur délégué d'Intesa Sanpaolo, première banque de détail italienne. Dans ce cas le système financier français serait balayé dans l’heure.
4) Citons aussi la Belgique (engagée envers la France à hauteur de 224 milliards) mais qui, sans gouvernement depuis plus d’un an, s’en sort très bien pour l'instant !
A coté de cela, la Grèce semble bien peu de chose… Les dirigeants européens feraient mieux de traiter rapidement le problème grec (en restructurant sa dette) pour se consacrer à la zone euro dans son ensemble et aux autres foyers d’inquiétude.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 13 septembre 2011

L’ampleur du risque grec

Il ne faudrait pas trop s’inquiéter pour les banques françaises, nous dit-on au gouvernement et dans les médias. Le plus comique c’est quand on nous explique que nos comptes sont garantis à hauteur de 70.000 euros par le Fonds de garantie des dépôts. Mais celui-ci ne dispose que de 1,8 milliards d’euros, ce qui correspond – faites la division – à 25.000 personnes… un chiffre ridicule. Et en plus, on se rappelle du reportage (voir ci-après) diffusé dans Capital dimanche où le responsable de cet organisme (pour sa branche assurance), en arrivant à son bureau, avoue ignorer le code d’accès à l’immeuble et ne connait pas le nombre de détenteurs de contrats d’assurance-vie en France, quelle blague ! Les motifs d’inquiétude face à la crise grecque sont réels, car les banques françaises ne se sont pas contentées d’acquérir des emprunts d’Etat, elles y ont investi localement, notamment le Crédit Agricole qui a eu la très bonne idée d’acheter une banque (Emporiki) en 2006 ! Au total, l’exposition des banques au « risque économique » (dette publique + dette privée) s’élève à 27 milliards d’euros pour le Crédit Agricole, 8,5 milliards pour BNP-Paribas et 6,6 milliards pour la Société Générale, soit 42,1 milliards au total, comme le précise cet article de La Tribune (qui nous explique aussi que les expositions à la dette publique italienne sont respectivement de 10,7 milliards pour CA, 28 pour BNP, 8,8 pour SG). Un défaut de la Grèce aurait donc des conséquences très graves pour les banques françaises, et il vaudrait mieux organiser la restructuration de la Grèce plutôt que de persister dans le déni. Nous défendons ici depuis le début, et notamment le premier plan d’aide à la Grèce de mai 2010, qu’il aurait mieux valu restructurer la dette grecque et garder nos ressources financières pour aider nos banques ; il n’est pas trop tard mais le temps presse.

Le reportage de Capital « Banque : votre argent est-il en sécurité ? », à partir de 29'20, dans lequel j’interviens à 40'50 et à 51'44, et le responsable du Fonds de garantie à partir de 52’30 (un grand moment !).

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

samedi 10 septembre 2011

Crise à la BCE

La crise de la zone euro atteint désormais son centre opérationnel : la Banque centrale européenne (BCE). La nouvelle ne fait pas les grands titres mais elle est d’importance : l’économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark, a démissionné vendredi. Pour une raison simple : il est opposé au rachat par la BCE d’obligations d’Etat de pays en difficulté. En effet, depuis mai 2010 (date du premier plan d’aide à la Grèce), la BCE rachète sur le marché des emprunts d’Etats grec, irlandais, portugais, qui sans cela verraient leur valeur chuter encore plus. Depuis peu elle a étendu ces achats aux dettes espagnole et italienne. Et cela revient concrètement à faire tourner la planche à billets, à accroître la masse monétaire (sans que cela corresponde à une augmentation réelle de la richesse économique), et donc à renforcer le risque d’inflation, ce à quoi les Allemands sont farouchement opposés. Après le départ d’Axel Weber, on a l’impression que l’Allemagne s’éloigne de la BCE… pour faire quoi ? Pour imposer un plan de restructuration de la dette grecque et en finir avec les plans d’aide (info Zero Hedge) ? Pour quitter la zone euro et revenir à un Mark étendu à l’Europe du Nord ? Désormais l’intensité de la crise doit nous préparer à tous les scénarios. Pendant ce temps-là, la réunion des ministres des finances du G7 s’achevait sur un échec. Le champ des solutions se restreint de jour en jour (pour rappel, mon plan pour sortir de la crise).

> L’actualité s’accélère, j’ai donc créé, en complément de ce blog, un fil d’informations actualisé plusieurs fois par jour et repris sur cette page Facebook et ce fil Twitter.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 9 septembre 2011

Une bulle du crédit en Chine ?

« La bulle chinoise va éclater » titre cet article de Slate du mois du mois de janvier. Il est difficile de se faire une idée claire du problème étant donné que le pays est très fermé, mais tout le monde se doute que les chiffres officiels sont manipulés. Cependant on ne peut pas tout contrôler, notamment à l’étranger : des dizaines de sociétés chinoises cotées à Wall Street et Toronto sont soupçonnées d'avoir publié des résultats frauduleux, et lorsque le pot aux roses est découvert, l’action perd les trois quarts de sa valeur. De tels comportements existent évidemment en Chine, certainement à une plus grande échelle étant donné la corruption et l’opacité qui y règnent. Les agences de notation s’inquiètent et Fitch menace de dégrader la Chine. La chute de la croissance aux Etats-Unis et en Europe (les principaux clients de la Chine) peut constituer l’élément déclencheur qui fera exploser cette bulle… Réponse dans les mois qui viennent.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 6 septembre 2011

Economie réelle versus marchés financiers

On entend beaucoup de déclarations contradictoires en ce moment sur l’état de l’économie, des observateurs annoncent une récession, ou une stagnation, et certains indicateurs le montrent, tandis que des chefs d’entreprises disent que leurs carnets de commandes sont pleins, et des économistes expliquent, chiffres à l’appui, que la consommation tient bon. La chute des bourses depuis cet été faire dire à beaucoup que « l’économie réelle » va bien mais que l’on risque une crise comme en 2008 à cause des « marchés financiers ». Qui a raison ?

En fait ces opinions sont contradictoires en surface seulement. Car qu’est-ce qui soutient la consommation en France, sinon le déficit public ? Et donc la dette, qui inquiète tant les marchés. Prenons les chiffres de base, en les arrondissant : le PIB annuel (la création totale de richesse) s’élève à 2000 milliards d’euros. Le déficit public sera cette année de 7% du PIB soit 140 milliards, ce qui correspond à 100 milliards de déficit pour l’Etat, 25 pour la sécu, 15 pour les collectivités locales et divers. Ces 140 milliards d’euros s’ajoutent à la dette publique et rajoutent à l’inquiétude sur la capacité de la France à se financer sur les marchés, même si actuellement elle est épargnée par la tempête. Mais ces 140 milliards (c’est le bon côté de la chose, si l’on peut dire) sont injectés dans l’économie, essentiellement sous forme de salaires des fonctionnaires et de prestations sociales (très peu en investissement, ne rêvez pas). Résultat, la consommation est soutenue !

Mais on comprend que ce soutien de la consommation est artificiel. Une part non négligeable des carnets de commandes des entreprises est financée in fine par de la dette publique. L’économie réelle n’est pas séparée des marchés financiers, elle est même dopée par eux ! Il y a aussi une bulle dans l’économie réelle et elle se dégonflera, ou s’effondrera, après celle des marchés financiers.

Autrement, on lira ces articles (Les Echos, Le Parisien, Le Figaro) sur les collectivités locales dont certaines sont coincées avec des emprunts toxiques.

Et aussi cet article du Figaro qui pose la question du rapport entre l’homme et l’informatique, ici pour un Airbus, mais la problématique est identique sur les marchés financiers.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 2 septembre 2011

Le rapport confidentiel de Goldman Sachs

On connaît l’attitude qu’a eu la banque Goldman Sachs lors de la crise de subprimes : ayant compris, fin 2006, que ces produits était pourris, elle s’en est discrètement débarrassée tout en continuant à les conseiller à ses clients. Mieux, elle en a fabriqué un énorme (Abacus) qu’elle a refourgué à ses clients tout en permettant à l’un de ses meilleurs clients (le gestionnaire de Hedge fund Paulson) de parier sur son écroulement de façon à empocher le jackpot ! Ce comportement a quand même généré des suites judiciaires, mais croyez-vous que Goldman Sachs a arrêté ce double jeu ?



Pas du tout, le Wall Street Journal se faisait l’écho ces jours derniers d’un rapport de la firme prévoyant un effondrement économique global (Europe, Etats-Unis, Chine) à cause des montagnes de dettes accumulées à travers le monde et expliquant, avec un froid cynisme, comment en tirer parti en prenant position de telle ou telle façon sur les marchés. Cette information étant bien sûr réservée à ses grands clients uniquement. Mais ce n’était peut être qu’une rumeur malveillante… Eh bien pas du tout, puisque le site Zero Hedge publie l’intégralité du rapport confidentiel. Une lecture édifiante.



J’avais lu, je ne sais plus où, qu’en cas de guerre nucléaire généralisée, quasiment toute forme de vie sur terre disparaîtrait, et que les seuls animaux à survivre seraient les cafards. Eh bien non, il y aurait aussi des mecs en costard-cravate en train d’essayer de leur vendre des crédits. Ils travailleront chez Goldman Sachs.



Philippe Herlin

© La dette de la France .fr

Système bancaire européen : demain le crash ?

Mon nouveau texte pour Atlantico : Système bancaire européen : demain le crash ?



Autrement, un peu de lecture : risque de krach selon le Telegraph, la bombe grecque n'est toujours pas désamorcée, la demande pour la dette espagnole et italienne s'essouffle, et un rappel historique sur l'Argentine.



Philippe Herlin

© La dette de la France .fr