jeudi 27 mai 2010

Et si la classe moyenne faisait grève !

Sur le front de la dette il y a une bonne nouvelle : 75 % des Français approuvent la décision de Nicolas Sarkozy de faire inscrire l'objectif de redressement des finances publiques dans la constitution (sondage BVA pour Canal+). Très bien. Qu’attend-on pour traduire cela dans les faits ? Et si on faisait un référendum, de façon à donner à ce principe une force incontestable ? Mais il y a aussi des mauvaises nouvelles : l’Assemblée nationale a adopté le projet du Grand Paris comprenant notamment une boucle de métro en grande banlieue d’un coût supérieur à 20 milliards d’euros, une idée complètement débile qui alourdira d’autant la dette. D’autre part, le gouvernement a annoncé que le report de la retraite au-delà de 60 ans ne concernera pas les régimes spéciaux, façon de dire aux classes moyennes du secteur privé : « continuez à trimer, c’est vous seuls qui paierez la facture, sans jamais avoir droit à aucune aide sociale, bossez et taisez-vous ! ». En ce jour de grève des fonctionnaires, il faudrait rappeler que si la classe moyenne faisait grève, plus un euro ne tomberait dans les caisses de l’Etat. Une leçon d’économie dont aurait bien besoin le pouvoir.

Les Français soutiennent le plan de crise

Grand Paris : l’Assemblée donne son feu vert

Eric Woerth promet le maintien de la retraite à 60 ans... pour les régimes spéciaux

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 25 mai 2010

PLF 2011, la dernière chance

Comme nous l’indiquions dans cette note, les craintes concernant la perte du AAA par la France se renforcent. L’économiste Christian Saint-Etienne (auteur de La fin de l’euro, 2009) considère que « la France n’a plus de raison d’être notée AAA ». Tout va se jouer avec le Projet de loi de finances (PLF) 2011 qui sera présenté à la rentrée à l’Assemblée nationale, et qui est actuellement en train d’être « calibré » dans un jeu de manœuvres en coulisses et de pressions émanant de la Commission européenne et des agences de notation. Si le gouvernement continue dans le déni, se contentant de contenir les dépenses et d’afficher une prévision de croissance irréaliste, la sanction tombera. Après on sait ce qui se passera, il suffit de voir la Grèce.

Interview de Christian Saint-Etienne, Challenges

Qu'est-ce que le projet de loi de finances ?

Philippe Herlin
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jeudi 20 mai 2010

Manœuvres en coulisses

A l’issue de la Conférence sur les déficits, le Président Nicolas Sarkozy semble se ranger à l’idée d’un contrôle constitutionnel du budget de l’Etat. Un pas dans la bonne direction, assurément. Mais est-il fait de bon cœur ? Hier la chancelière Angela Merkel a créé la stupéfaction en prenant une décision importante (l’interdiction de la vente à découvert sur les emprunts d’Etats de la zone euro) sans en référer à la France ou à la Commission européenne. Un évident signe d’énervement, entre autres devant les discours lénifiants de Paris sur la réduction promise de son déficit budgétaire (une petite revanche après s'être laissée entraînée dans le plan d'aide de 750 milliards d'euros ?). D’autre part, l’enlisement de la réforme des retraites a du, en coulisses, indisposer les agences de notation qui s’attendaient quand même à mieux. Lâché par l’Allemagne et les agences de notation, la France risquait de perdre, très rapidement, son AAA qui lui garantit un financement confortable sur les marchés internationaux. Et voici qu’apparaît, encore dans le flou néanmoins, une « règle constitutionnelle » pour contrôler les déficits. En fait le pouvoir a de moins en moins le choix.

Déficits : Sarkozy veut inscrire une règle dans la Constitution, Les Echos

Berlin accusé de jouer solo dans la lutte contre la spéculation sur les dettes souveraines, La Tribune

Philippe Herlin
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lundi 17 mai 2010

Euro : la crise systémique

Comme nous l’avions dénoncé en mars dernier (voir cette note), le plan d’aide à la Grèce et le mécanisme de « solidarité » mis en place se transforme en risque systémique pour toute la zone euro. En effet, si le plan de 750 milliards d’euros venait à être activé, les pays qui devraient mettre au pot (Allemagne, France, Italie, Autriche, …) devraient lever de telles sommes sur les marchés – car ils n’ont pas ces ressources dans leurs comptes – qu’ils seraient dégradés par les agences de notation. Au lieu de circonscrire l’incendie en rééchelonnant la dette grecque, le feu gagne la monnaie elle-même qui s’affiche ce matin à 1,22 dollar, contre 1,50 le 1er janvier. Dans sa dernière tribune, Nouriel Roubini lance un avertissement : « Qui sauvera les Etats qui ont secouru les banques privées et les institutions financières (et la Grèce NDLR) ? Le mécanisme de la dette globale ressemble de plus en plus au système de vente pyramidale, l'escroquerie de Ponzi. »

L'euro continue d'être sévèrement attaqué, Le Figaro

Ce n'est pas la fin de la crise ! Nouriel Roubini

Philippe Herlin
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vendredi 14 mai 2010

L’aveuglement français

Face à l’ampleur du déficit budgétaire, au poids de la dette, et dans un contexte de stagnation économique, le Premier ministre François Fillon vient d’annoncer une baisse de 5 % des salaires des fonctionnaires, de 15 % pour les ministres et les hauts fonctionnaires, un quasi gel des embauches dans la fonction publique (une embauche pour dix départs à la retraite), une diminution des investissements publics, ainsi que la suppression de plusieurs aides sociales. Non c’est de l’humour, c’est en fait le premier ministre espagnol Zapatero qui vient de décider de renforcer son plan de rigueur. La France ? Vous n’y pensez pas ! Il suffit de contenir les dépenses et d’attendre le retour de la croissance pour revenir dans les clous en termes de déficit et de dette, puisqu’on vous le dit ! A l’heure où de plus en plus de pays européens s’engagent dans une baisse de leurs dépenses publiques, la position française (qui refuse le mot même de rigueur) devient proprement intenable.

L'Espagne annonce une nouvelle cure d'austérité, Le Figaro

Philippe Herlin
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lundi 10 mai 2010

Le plan d’aide européen : un simple répit

Au départ je voulais donner comme titre à ce texte « La mort de l’euro », puis je me suis dit bon, attendons un peu, mais ce qui s’est passé ce week-end est très grave. On a défendu ici l’idée d’un « FMI européen », c'est-à-dire « un mécanisme de rappel de type FMI, dont la sévérité vaudrait pour effet de dissuasion » (voir cette note), ce qui implique une carotte (de l’argent frais pour l’Etat au bord de la faillite) et un bâton (un plan de rigueur très sévère et dissuasif, une quasi mise sous tutelle, qui incite les pays à faire les efforts nécessaires avant d’en appeler, en dernière extrémité, au FMI). Mais dans le plan mis en place de week-end par les pays de l’Union européenne, il n’y a que la carotte (750 milliards d’euros, 500 de l’UE et 250 du FMI) mais pas le bâton ! Il n’y a pas de contrôle direct des finances du pays et un plan d’ajustement structurel comme le pratique le FMI. On est donc dans une fuite en avant qui consiste à déplacer le problème des dettes des pays européens vers une dette européenne. L’union européenne qui n’avait jusqu’ici pas le droit d’emprunter va pouvoir le faire, c’est un précédent dangereux (surtout si en plus elle utilise cette possibilité pour financer son propre budget…). Deuxième élément gravissime : la BCE va monétiser la dette des Etats ! Cela semblait encore inconcevable il y a quelques semaines, mais les politiques ont fait plier la Banque centrale européenne, c’est toute la conception allemande de la monnaie qui a été mise à bas hier, on pourrait dire que le Deutsche Mark est vraiment mort le 9 mai 2010. La Fed monétise et cela ne provoque pas d’inflation, pourquoi se gêner ? Mais le dollar est la monnaie mondiale, et de toute façon à long terme on sait que cela détruit la valeur d’une monnaie. Avec ce plan, l’Europe ne s’est offert qu’un répit, et a largement accru son risque systémique.

L'UE s'accorde sur une aide de 750 milliards, Le Figaro et e24

La BCE va acheter de la dette publique dans la zone euro, Les Echos (et Le Figaro, e24)

Philippe Herlin
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vendredi 7 mai 2010

La France peut-elle perdre son AAA ?

La France peut-elle perdre son AAA, la meilleure note, si importante pour le refinancement de sa dette ? Cette question est latente depuis longtemps, mais vu la vitesse de propagation de la crise, de la Grèce au « PIIGS », il faut se la poser à nouveau et tenter d’approcher une réponse. Les prévisions sont toujours difficiles, mais on peut prendre un point de vue qui croise les deux problématiques de fond, la notation et l’euro, c'est-à-dire considérer la liste des pays de la zone euro qui possèdent le triple A : l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Finlande et donc la France. On constate d’emblée qu’hormis la France tous ces pays sont très vertueux sur le plan budgétaire, ils étaient tous à l’équilibre ou presque avant la crise, ils ont plongé en 2008-2009 mais ils se redressent très vite, notamment le plus important d’entre eux, l’Allemagne, depuis qu’elle a décidé de s’imposer une règle constitutionnelle l’obligeant à atteindre l’équilibre budgétaire en 2016 (voir cette note). La France est à l’évidence le « mauvais élève » de ce groupe, elle qui se contente de contenir ses dépenses et de compter sur le retour de la croissance pour diminuer son déficit. Sa situation va de plus en plus diverger de ce groupe et, inévitablement, la sanction tombera avec la perte de son AAA. Quand ? Six mois (le prochain projet de loi de finance 2011 sera à ce titre très important) ? Un an ? 18 mois ? Ouvrons les paris, sur l’échéance, mais le fait lui-même semble inscrit dans les logiques économiques et budgétaires à l’œuvre.

Les notes des dettes des pays de la zone euro, La Tribune

La crise après la crise : au tour de la France ? Eric Le Boucher, Slate

La propagation de la crise en Europe, Jean-Michel Apathie, RTL

Euro/Ligne Maginot, même logique, Charles Gave

Philippe Herlin
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mercredi 5 mai 2010

Débat sur RFI : faut-il payer pour la Grèce ?

Voici le podcast du débat que j’ai eu hier sur RFI avec Nicolas Baverez, « Faut-il payer pour la Grèce ? » :

http://www.rfi.fr/contenu/20100504-faut-il-payer-grece
(> cliquer sur le logo des écouteurs à droite, durée 15 minutes)

Philippe Herlin
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lundi 3 mai 2010

L'EuroMillions pour la Grèce : 110 milliards

Les 110 milliards d’euros de prêt à 5% que l’Europe et le FMI viennent de concéder à la Grèce ne serviront qu’à :
1) repousser les échéances tant, sur le fond cela ne règle rien. Pour ce qui est du « régime sec » imposé au Grecs, il ne consiste, en réalité, qu’à se mettre au niveau des autres pays européens, en effet, la retraite intervenait après 37 ans de cotisations seulement et sur la base du dernier salaire, la législation interdisait aux sociétés de licencier plus de 2% de leurs effectifs totaux par mois (!). La fiscalité augmentera (pour quel rendement, vu l’importance de l’économie souterraine ?), mais aucune privatisation n’est prévue, l’Etat maintiendra donc son périmètre. Tout juste note-t-on un peu de libéralisation dans les transports et l’énergie, que de toute façon l’Union européenne rend obligatoire avec ses directives. Qui peut croire que ce « régime » amènera la croissance dont à besoin la Grèce pour soulager le poids de sa dette ?
2) accroître le risque systémique pesant sur l’euro. Tous les pays prêteront, y compris le Portugal et l’Espagne, en situation très délicate et également contraints à tailler dans leurs dépenses publiques ! Que fera-t-on, et qui prêtera, lorsque le Portugal ne pourra plus se refinancer sur le marché ? L’Allemagne et la France se privent de marges de manœuvre qui pourraient être utiles en cas de durcissement de la crise économique mondiale, et si la Grèce fait défaut ils seront touchés de plein fouet.
Et encore, heureusement que l’Allemagne a traîné les pieds, cela a obligé la Grèce à faire des efforts supplémentaires, mais si la France et l’Italie avaient tenu le même discours, la Grèce aurait du réagir plus tôt et, certainement, cette crise et ce plan de 110 milliards auraient été évités (la preuve : l’Irlande, aux déficits comparables, mais qui a réagi immédiatement). La Grèce s’en tire bien, temporairement, mais nous ?

Grèce : une aide de 110 milliards d'euros en échange de "grands sacrifices", La Tribune

La Grèce au régime sec, La Tribune

Philippe Herlin
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