mardi 29 décembre 2009

Fitch sermonne la France

Contrairement à ce que voudrait faire croire le gouvernement, la situation de la France n’est pas meilleure que celle de l’Espagne et du Royaume-Uni, annonce l’agence de notation Fitch. Merci pour cette mise au point ! Moins que le niveau de la dette publique et sa progression, c’est la volonté de s’attaquer au problème qui importe : il y a, selon l’agence, urgence à annoncer un programme de retour à l'équilibre des finances publiques si ces pays veulent conserver leur prestigieuse note AAA. «L'Angleterre, l'Espagne et la France doivent mettre en œuvre une politique budgétaire crédible dans les prochaines années, étant donné le rythme de dégradation de leurs comptes et les défis auxquels ils devront faire face pour stabiliser leur endettement», écrit Fitch, en cas d'inaction, «la pression sur la note de leur dette s'intensifiera». Le message est clair. En effet, par opposition Fitch reconnaît les efforts de l’Allemagne qui a inscrit dans la constitution le retour à l’équilibre de ses finances (voir cette note). A terme il n’est donc pas possible que la France et l’Allemagne conservent la même note, les divergences vont de venir de plus en plus criantes. Bonne année quand même !

Dette : la France, pas meilleure que l'Espagne, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 22 décembre 2009

France/Japon

Une dépêche de l’AFP du 21 décembre annonce gravement « Le Japon croule sous une dette monstrueuse », et pour preuve : « Pour la première fois depuis 1946, le Japon va émettre plus de dette qu'il ne percevra d'impôts lors de l'année budgétaire 2009-2010, qui s'achève fin mars ». Effectivement la situation est grave, mais elle est quasiment identique pour la France puisque les recettes nettes de l’Etat en 2009 s’élèvent à 272 milliards d’euros (lire ici) tandis que l’Etat empruntera 252 milliards sur 2009, pour couvrir le déficit du budget et amortir la dette existante (lire ici) ! La situation est même plus difficile pour la France pour trois raisons :
1) 93 % de la dette japonaise est détenue par les Japonais alors que seulement 32,7 % de la dette de l’Etat est détenue par les Français (les « non-résidents » détiennent 67,3 % de la dette de l’Etat, lire ici), ce qui nous rend extrêmement dépendant des investisseurs étrangers.
2) La banque centrale japonaise peut monétiser la dette (« faire tourner la planche à billet ») alors que la BCE voit cette possibilité interdite par ses statuts.
3) Les impôts sont peu élevés au Japon (27 % du PIB, comme aux Etats-Unis), ce qui leur laisse une marge de manœuvre, alors qu’en France (45 % du PIB) nous sommes « aux taquets » et toute augmentation se traduirait par un affaiblissement supplémentaire de nos entreprises.
Le fait que le rapport dette/PIB soit plus élevé au Japon qu’en France (180 contre 80 %) ne doit donc pas faire illusion, la situation est plus tendue en France et une crise de la dette souveraine serait beaucoup plus grave pour elle.

Le Japon croûle sous une dette monstrueuse, AFP

Philippe Herlin

jeudi 17 décembre 2009

La Cour des comptes dénonce la hausse des effectifs publics

Comme nous l’indiquions dans cette note, la décentralisation fut un prétexte, pour l’Etat comme les collectivités locales, pour augmenter leur nombre de fonctionnaires, contribuant ainsi pour beaucoup à l’endettement du pays. La Cour des comptes revient sur cet aspect en dénonçant ces hausses d’effectifs publics. Etats, régions, départements, communautés d’agglomérations, communes, tout le monde y a participé ! Les sages de la rue Cambon dénoncent la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, cela encourage les mauvais élèves et handicape ceux qui ont gérés leurs embauches de façon plus sérieuse. Nous pouvons partager ce point de vue, le fait qu’elle soit appliquée de la même façon à tout le monde est une erreur (typique de l’administration française), dans certains services il faudrait diminuer drastiquement les effectifs (ministère de l’agriculture par exemple), et les maintenir ailleurs (pour le Centre Pompidou, vu sa fréquentation - touristique notamment - une stabilisation ou même une hausse des effectifs peut être économiquement justifiée ! tout problème de statut mis à part). Cette règle n’est qu’un pis aller, absolument pas à la hauteur des enjeux.

Le rapport de la Cour des comptes sur les effectifs de l’Etat dans Le Figaro et E24

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 15 décembre 2009

Le Grand emprunt est lancé…

C’est fait, le Grand emprunt a été officiellement lancé hier par le Président de la République. Nous avons dit ce que nous en pensons dans cette note, l’erreur de base est maintenue : les 35 milliards d’euros de dotation vont passer par la tuyauterie largement percée et inefficace d’organismes publics (Oséo, Ademe, CEA, universités, Caisse des Dépôts, Anah…). Le mot d’ordre de cet emprunt est conforme à celui de la France depuis le premier choc pétrolier de 1973 : surtout pas de réformes ! Déversons de l’argent et ça ira bien comme ça ! Exemple emblématique avec les universités qui vont recevoir 11 milliards d’euros sans que l’on règle leurs problèmes récurrents et largement connus (népotisme, absence d’autonomie, manque de liens avec l’entreprise, blocages réguliers par des minorités trotskystes, etc) ; qui peut croire que cela va changer quoi que ce soit ? La seule bonne idée est le développement de l’Internet à très haut débit (par fibre optique) où les opérateurs privés apporteront 2 euros pour chaque euro investi par l’Etat, un partenariat efficace pour une vraie technologie d’avenir. L’Etat a un rôle à jouer dans les infrastructures, parfois dans quelques technologies clés, pour le reste c’est du déficit et de la dette…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 11 décembre 2009

La Grèce au pied du mur

Un petit comique le nouveau ministre des finances grec Georges Papaconstantinou, car voici ce qu’il déclare après la dégradation de la dette publique de la Grèce par Fitch (et la «mise sous surveillance» de la part des autres agences de notation) : «Le jugement de Fitch nous fait du mal, parce que c'est un signal de perte de crédibilité. Or elle n'est pas de notre faute. Elle est due au passé». Bah voyons, mais la dette elle-même c’est «du passé», des dépenses qui ont été engagées, payées, réglées, et alors, il faudrait l’oublier, faire une croix dessus ? Il faudrait aussi oublier les magouilles de la comptabilité publique grecque pour entrer dans l’euro, et celles des derniers mois où le déficit budgétaire est subitement passé de 6 à 12 % du PIB, comme le rappel Eric Le Boucher dans Slate ? La dette c’est justement cela, du passé possédant une force inexorable, l’inertie inéluctable des mauvaises décisions, l’addition constamment représentée sous votre nez des erreurs passées, quand tous les politiciens veulent se tourner uniquement vers l’avenir, le champ de tous les beaux discours et des promesses payées à crédit. On comprend le dépit du ministre grec qui, à peine arrivé en poste, doit se coltiner une facture démesurée au lieu de faire le beau dans les médias. Alors que doit faire l’Europe ? Aider la Grèce, au risque d’avaliser ses mensonges comptables et son incapacité à se réformer, ou la laisser tomber pour garantir le sérieux de l’euro, mais au risque de provoquer un «effet Lehman Brothers» qui déclencherait une crise bien plus grave ? Sacré dilemme…

Interview du ministre des finances de la Grèce, Le Figaro

L’arnaque grecque, Eric Le Boucher, Slate

Non à un sauvetage européen pour les états mal gérés ! Vincent Bénard

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 9 décembre 2009

La dette publique française : risques, fausses solutions et perspectives

> Mon intervention du 8 décembre 2009 à l’Assemblée Nationale dans le cadre des «Rendez-vous parlementaires du contribuable» de Contribuables associés (contribuables.org)

1) Les risques

On connaît le rythme d’accélération de la dette publique, je n’y reviendrai pas, je parlerai ici des risques associés à la dette, des fausses solutions et des perspectives envisageables.

Je commencerai en évoquant deux risques, la plupart du temps négligés.


Le premier risque est le fait que les deux tiers de notre dette sont détenus par des non-résidents. Cette part est en forte augmentation, ce chiffre était de 50 % en 2005 et seulement 12 % en 1998 !

Pour comparer, la part des non résidents est quasiment nulle pour le Japon, de 25 % pour les Etats-Unis (en 2007). Soit dit en passant, quand on entend souvent dire que la Chine finance la dette des Etats-Unis, c’est largement exagéré : les non-résidents représentent un quart des détenteurs, et parmi eux la Chine arrive en tête avec un quart de cette part, soit au total (un quart de un quart) soit un peu plus de 6 %. Remettons les choses en place, l’économie américaine peut absorber les trois quart de la dette publique et la Chine représente un poids certes important mais tout de même pas vital.

Pour la France la part des non-résidents s’élève aux deux tiers ce qui, pour le coup nous rend très dépendant des investisseurs étrangers.

Alors bien sûr, jusqu’ici tout va bien et nos émissions obligataires sont largement souscrites. Mais si une défiance envers la signature de la France venait à apparaitre, cela nous mettrait immédiatement en situation de faillite puisque notre économie ne pourrait pas suppléer d’un coup à ces investisseurs étrangers. Il y a donc ici une fragilité très grande qu’il faut prendre en compte, au-delà du montant de la dette.

Le second risque, lié à celui que nous venons de voir, concerne notre notation. Triple A actuellement, c’est la meilleure possible, très bien. Mais son importance est cruciale car il faut savoir que la plupart des banques centrales et des fonds de pension dans le monde ont l’obligation statutaire de placer leurs fonds dans des placements notés AAA. Or, nous venons de le voir, nous dépendons beaucoup d’investisseurs étrangers, qui n’hésiteront pas à nous rayer de leurs listes en cas de rétrogradation, alors que les institutions financières nationales peuvent subir d’amicales pressions du pouvoir…

Et les déficits de la France inquiètent les agences de notation… Dernière en date, l’agence Fitch a déclaré le 10 novembre : «Nous avons des craintes au sujet de la France. Nous voyons une détérioration sensible des déficits fiscaux en France, une certaine pression commence à s'y faire sentir».

A partir de là, quel serait le scénario envisageable d’une remise en cause de notre AAA ? Certains d’entre vous ont certainement lu « Le jour où la France a fait faillite » de Philippe Jaffré et Philippe Riès, paru en 2006. Dans cette fiction, ou ce roman d’anticipation, la note de la France est progressivement dégradée, jusqu’à un niveau qui déclenche la rupture de confiance des investisseurs dans le monde.

Avec ce scénario, au moins a-t-on le temps de réagir et de mettre en place des réponses politiques et économiques. Mais je ne crois pas que cela va se passer de cette façon, il suffit de voir l’affaire de la faillite de Dubaï. Car un enseignement à bien noter concernant la faillite de Dubaï c’est que les agences de notation sont les dernières à réagir, alors que leur métier consiste plutôt à anticiper les problèmes de solvabilité ! C’est comme pour les Subprimes qui étaient notées AAA jusqu’à ce que tout le monde se rende compte que ça ne valait plus grand-chose.

Il se passera la même chose pour la dette de la France, du Royaume-Uni ou d’un autre grand pays. Aucune agence n’osera prendre les devants même si elle a toutes les informations en main, c’est politiquement trop chaud (et, selon une source perso, les agences de notation sont largement noyautées par d’anciens salariés des banques centrales…). Les agences de notation attendront l’incident de paiement pour rétrograder la note, et nous serons mis devant le fait accompli. C’est aussi un risque important à prendre en compte.

2) L’autre dette

Je dirai un mot sur l’autre dette, car la dette publique c’est essentiellement celle de l’Etat, mais aussi celle des collectivités locales, et des organismes sociaux.

Concernant la CADES je signale un fait qui me semble hallucinant, puisqu’elle emprunte, pour un cinquième de sa dette, en dollars ! Pourquoi la CADES ne s’endette-t-elle pas uniquement en euros (comme l’AFT qui gère la dette de l’Etat) ? Certes ces emprunts en devises sont couverts contre le risque de change sur toute la durée par un swap, mais toute couverture à un coût. Maintenant l’avantage est évident, un emprunt en dollars émanant d’une structure notée AAA se place sans difficulté auprès d’investisseurs américains. L’opération possède certainement sa rationalité, mais à l’heure où tout le monde se plaint de l'hégémonie du dollar et où, en Europe, on cherche à contrebalancer cette influence avec l’euro, on ne manque pas d’être étonné de voir un organisme public français contribuer à la prépondérance de la monnaie américaine.

Deuxième remarque, dans l’indifférence générale, l’Unedic vient d’emprunter, et pas qu’un peu, 4 milliards d’euros. On reste confondu par la légèreté du directeur général de l’Unedic, Jean-Luc Berard, qui affirme : «les difficultés financières de l'Assurance chômage, essentiellement conjoncturelles, devraient se résorber avec la reprise économique», comme si de rien n’était ! Hormis le fait que le retour rapide à la croissance d’avant la crise est très optimiste, de toute façon il faudra rembourser cet emprunt, ce qui ponctionnera les cotisations chômages futures.

3) Les fausses solutions

Face à cette dette et à son emballement, il y a plusieurs fausses solutions à écarter.

La première est la distinction déficit structurel/déficit conjoncturel. Le ministère des finances divise le déficit prévu en 2010 en un «déficit structurel» de 45 milliards d’euros et un «déficit de crise» de 96 milliards d’euros (57 milliards de baisse des recettes fiscales + 39 milliards du plan de relance). Sous entendu, lorsque la reprise sera revenue, ce déficit de crise s’évanouira comme par enchantement.

Mais la distinction est spécieuse et induit en erreur. Le «déficit structurel» n’est lui-même qu’un déficit conjoncturel qui dure, concrètement depuis le premier choc pétrolier et le budget 1975 présenté alors pour la première fois en déficit.

La crise déclenchée le 15 septembre 2008 ne va pas s’effacer de sitôt, les prévisions de croissance prévoient de timides 1-2 % de croissance ce qui veut dire ipso facto qu’une partie de ce que le gouvernement nomme le déficit de crise ou conjoncturel va devenir structurel…Et mécaniquement, le poste « service de la dette » va augmenter, ce qui accroîtra la force d’inertie du déficit.

Une autre fausse solution, qui confine l’imposture, est la notion d’actifs publics dont le montant serait, selon l’Insee, supérieur à la dette publique, c’est formidable on peut encore s’endetter ! Mais quels sont-ils ces actifs publics ? Citons l’Insee : « Il s’agit essentiellement de bâtiments non résidentiels (bureaux, écoles, hôpitaux...), d’ouvrages de travaux publics (routes...) et surtout de leurs terrains sous-jacents. Ce patrimoine non financier est principalement détenu par les administrations publiques locales en conséquence de la politique de décentralisation engagée à partir de 1982.»

Bien, mais la dette, c’est surtout celle de l’Etat, les collectivités locales étant, pour le moment relativement peu endettées. Or ces actifs appartiennent aux collectivités locales ! S’il voulait «réaliser» ces actifs pour payer sa dette, l’Etat devrait donc (par une loi qui serait à la limite d’un coup d’état) commencer par dépouiller les communes, départements et régions de leurs écoles, collèges et lycées, infrastructures routières, hôpitaux etc, pour ensuite les vendre à des investisseurs et des fonds de placements. Et ainsi l’éducation nationale et l’hôpital devraient payer un loyer aux nouveaux acquéreurs pour continuer de fonctionner, certaines routes départementales et des ponts deviendraient payants, etc. Les Français deviendraient des locataires de leur propre pays ! Et ils paieraient deux fois les mêmes équipements, par leurs impôts puis par des redevances ou des impôts supplémentaires.

Il s’agit là d’une arnaque, disons le clairement. Les seuls actifs publics à considérer sont les parts détenues dans les sociétés publiques et privées, qui peuvent être cédées sur le marché, et leur montant est faible par rapport à la dette. La valeur de portefeuille des participations cotées de l’Etat s’élève à 103 milliards d’euros (rapport du sénateur Jean-Pierre Fourcade du 19 novembre 2009).

Troisième mauvaise réponse, le Grand emprunt. Sous un emballage séduisant où l’on annonce investir dans la recherche, l’innovation, les nouvelles énergies, etc, on s’aperçoit que les 35 milliards d’investissement vont passer par la tuyauterie déjà largement percée et inefficace d’organismes publics existants comme l’ANR (Agence nationale de la recherche), ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), Oséo (aide aux PME), Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). On déplore l’absence de tout dispositif fiscal ou réglementaire pour encourager l’initiative privée.

En fait on constate que, hormis les 10 milliards pour les campus, ce sont dans tous les cas des dépenses à coup de 1 à 2 milliards par ci ou par là (biotechnologies, nucléaire, aérospatial, transport collectif, isolation, véhicules électriques, etc) qui auraient pu être réalisées dans le cadre du budget normal de l’Etat, si celui-ci avait engagé un programme d’économie ! Le Grand emprunt traduit surtout l’incapacité de l’Etat à se réformer.

Il y a, dans le rapport, il faut le noter, de la poudre aux yeux puisqu’on veut nous faire croire à la rentabilité économique de ces dépenses. Le rapport affirme : « Les dépenses d’investissement retenues par la Commission donnent lieu à la constitution d’actifs à hauteur de près de 60 %. Les autres dépenses sont accompagnées d’une exigence de retour. » (pages 15, 25). Mais lorsque l’on regarde ce « retour » dans le détail de chaque projet, on a le plus souvent ces phrases : « La rentabilité de cet investissement est d’ordre socio-économique » ou aussi « en cas de succès économique »… Interdit de rire. Le seul organisme public important qui prend des participations, le FSI (Fonds stratégique d’investissement), ne sera doté que d’un milliard d’euros ! Mais il faut bien vendre le Grand emprunt aux députés et à l’opinion.

4) A quand le krach ?

La question que l’on peut se poser maintenant c’est quand le krach de la dette va-t-il se produire ?

Eh bien en fait on ne peut pas savoir, et quand on saura il sera trop tard !

On ne peut pas savoir parce que cela dépend de la confiance des investisseurs internationaux, c'est-à-dire de quelque chose d’insaisissable. Il peut arriver qu’un beau jour une tranche d’emprunt ne soit pas souscrite à 100 % - ce qui en soi n’est pas catastrophique - mais une défiance généralisée se propagera et le risque associé à la dette de la France explosera. Cela conduira, on l’a vu, les agences de notation à nous faire perdre notre AAA, ce qui nous amènera très vite à l’insolvabilité, du fait que les deux tiers de notre dette sont placés à l’étranger, et donc que notre économie ne peut pas compenser. La fragilité de notre situation nous explosera alors à la figure.

Ce n’est pas de la science-fiction, la presse s’est fait récemment l’écho d’un rapport de la Société Générale envisageant, comme scénario possible, une crise de surendettement des Etats dans une économie anémiée, déclenchant un « effondrement global ». Il faut donc agir rapidement.

5) Les perspectives

Quelles solutions peut-on envisager ?

Il faut réduire la dette et cela passe par la réduction du déficit budgétaire, sans oublier celui de la Sécurité sociale.

Cela passe notamment par le renforcement du rôle du Parlement.

Quelles actions concrètes les députés pourraient-ils entreprendre ? Je ne parle pas des mesures d’économie proprement dites, la liste serait longue, et ce n’est pas le sujet, mais du rôle du Parlement face à la dette publique.

Le Parlement peut indiquer une direction, fixer un objectif. On connait l’exemple de l’Allemagne : à partir de 2016, le déficit du gouvernement fédéral ne pourra pas dépasser 0,35% du PIB, et à partir de 2020, les déficits dans les Länder seront proscrits. C’est un objectif ambitieux mais il a été soutenu à la fois par la CDU et le SPD, alors pourquoi pas en France, rêvons un peu !

On en a parlé au début, le fait que les deux tiers de la dette sont détenus par des non-résidents. Mais il faut signaler que l’on n’a aucune information supplémentaire. Pour le tiers détenu par les résidents, on connaît la répartition entre les OPCVM, les établissements de crédits, etc. Pour les deux tiers détenus par les non-résidents on n’a aucune information, on ignore quels sont les principaux pays détenteurs ou les types d’institutions financières. Cette information est par exemple tout à fait publique aux Etats-Unis. Une action que pourrait entreprendre les députés consisterait à interroger à ce sujet le ministère des finances ou le directeur général de l’AFT (Agence France Trésor). Le simple fait que cette information soit cachée pose problème et empêche d’y voir plus clair.

On a parlé du Grand emprunt qui, soi disant, donnera lieu à la constitution d’actifs à hauteur de près de 60 %. Sur cet élément, fondamental pour la logique du dispositif, il faut demander des éléments précis et chiffrés (voir ce que ça a donné avec l’Oséo, études statistiques, etc) afin de démonter cet effet d’annonce et de le remettre en cause de l’intérieur le Grand emprunt (c’est la faille du rapport).

Il faudrait aussi mettre son nez dans la gestion de la dette sociale dont la Cour des comptes a récemment critiqué la gestion. Ainsi la dette de la Sécurité sociale est gérée par trois organismes, la CADES, mais aussi par l’ACOSS et le FFIPSA ! La CADES, on l’a vu, s’endette pour un cinquième en dollars, une décision hallucinante. Par ailleurs l’Unedic vient de lever 4 milliards dans l’indifférence générale, alors que cela devrait être interdit par principe, on va faire payer nos allocations chômage par nos enfants ! On leur fait déjà payer notre santé avec la dette de la Sécu, ça continue !

Il faut plus fondamentalement renforcer le contrôle du Parlement sur la dépense publique. Je me rappelle d’une initiative du député Jean-Michel Fourgous visant à permettre aux députés de pouvoir auditer les comptes dans les ministères, il l’a présenté à plusieurs reprises et l’exécutif l’a toujours repoussée. Il serait peut être temps de remettre sur le tapis une telle initiative, et d’invoquer l’urgence nationale face à la dette pour que le gouvernement s’y associe, ce serait un pas important.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 8 décembre 2009

La rigueur c’est pour bientôt…

Il y un homme qui a actuellement peut être plus de pouvoir en France que le Président de la République… c’est le responsable des dettes souveraines chez Moody’s (et son homologue chez Standards & Poor’s). Pierre Cailleteau en l’occurrence (qui a sa fiche sur LinkedIn, on ne sait jamais) vient de donner, à l’occasion d’une conférence de presse, quelques avertissements. L'année 2010 sera «tumultueuse», prévient-il, car les banques centrales vont progressivement mettre fin à leurs injections de liquidités dans l'économie réelle, faisant de facto remonter les taux d'intérêts de la dette des Etats. Il poursuit : «Les économies souveraines notées Aaa ne pourront pas attendre que la reprise soit bel et bien au rendez-vous pour présenter, voire mettre en œuvre, des plans de sortie de crise visant à réduire leurs déficits, car les marchés vont s'impatienter». Les marchés vont s’impatienter... Et ce sont eux qui financent les déficits budgétaires. Il ne voit cependant pas de faillite de ces Etats car ils peuvent «préempter la richesse des habitants», on adore. Bien alors on va juste attendre les élections régionales de mars, pour sauver les apparences, mais après c’est promis, M’sieur, on fait de la rigueur !

La dette des pays riches est-elle encore sûre ? L’Expansion

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 4 décembre 2009

La Grèce joue au poker menteur

Intéressant article du Figaro à propos de la situation tendue de la Grèce face à sa dette publique puisque le texte contredit totalement le titre ! «La Grèce est assurée de trouver un sauveur qui lui évitera la faillite» annonce l’article avant d’énumérer quatre points qui rendent ce sauvetage impossible… Premièrement le traité de Maastricht interdit en effet toute procédure de renflouement des dettes d’un Etat – ce qui est clair – même s’il envisage, il est vrai, une aide en cas «d’événements exceptionnels», mais il n’y a là rien d’automatique. Deuxièmement l’aide du FMI est possible mais ni Jean-Claude Trichet ni le ministre des finances grec ne veulent en entendre parler. Troisièmement la Chine serait prête à souscrire à la dette grecque mais à condition de pouvoir avancer ses pions dans les frontières du pays, en l’occurrence de renforcer son emprise sur le port du Pirée, un actif économique de valeur (la Chine ferait en Grèce ce qu’elle fait actuellement en Afrique, bravo les Grecs) ; soit, mais cela n’implique absolument pas que la Chine viendrait au secours d’une banqueroute du pays ! Quatrièmement le gouverneur de la Banque centrale d’Athènes a déclaré que «Si la dégradation de la dette grecque continue, nous allons nous retrouver dans la position terrifiante de ne pouvoir obtenir de liquidités, car la BCE n'acceptera plus nos titres en collatéral», ce qui fera s’écrouler le système bancaire du pays… Il joue à faire peur, et après ?

En réalité, dans ce jeu de poker menteur entre la Grèce et l’Union européenne, les Grecs sont convaincus que l’Europe ne les laissera pas tomber. Résultat : ils ne font aucun effort pour améliorer leur situation, en se disant que le moment venu on viendra à leur secours. L’Irlande, qui est aussi gravement touchée par la crise, elle, se prend en main, serre les boulons, fait le maximum pour maintenir sa compétitivité et a diminué le salaire de ses fonctionnaires. Une mesure inimaginable en Grèce, royaume d’une fonction publique pléthorique et de syndicats aussi puissants qu’archaïques, et démocratie à la limite du népotisme où les familles Papandréou et Karamanlis se partagent le pouvoir depuis quarante ans. «Aide toi et le ciel t’aidera» dit le proverbe, et que les Grecs devraient entendre.

La Grèce est assurée de trouver un sauveur qui lui évitera la faillite, Le Figaro

L'Irlande adopte un budget de crise, Le Figaro

Philippe Herlin
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mardi 1 décembre 2009

L’évolution du Service de la dette

Intéressant rapport du sénateur Jean-Pierre Fourcade dans le cadre du Projet de loi de finance 2010 puisqu’il fait un focus sur la charge de la dette. Précisons qu’on ne parle ici que de la dette de l’Etat, qui représente 80 % de la dette publique totale au sens de Maastricht (il faut rajouter les collectivités locales et les organismes sociaux).

L’évolution de la charge de la dette, ou du Service de la dette, dépend de trois facteurs :
- Le stock de la dette bien sûr, qui augmente chaque année du montant du déficit budgétaire, et cet élément pousse bien sûr à la hausse du Service de la dette.
- L’inflation, dont la baisse, à laquelle on assiste actuellement, contribue à alléger le service de la dette ; « La sensibilité de la charge de la dette à l'inflation s'explique notamment par la charge d'indexation des OAT indexées, qui représentaient 15 % de l'encours total de dette à la fin de 2008 et probablement 13 % de ce total à la fin 2009. »
- Les taux d’intérêt, dont la baisse à laquelle on assiste en ce moment, contribue à alléger le coût de la dette. Mais une remontée des taux se paierait évidemment très chère, le rapport estimant qu’une remontée de 1 % en 2010 coûterait 2,5 milliards de plus.

Quoi qu’il en soit, les baisses conjuguées de l’inflation et des taux d’intérêt depuis la crise de septembre 2008 compensent actuellement l’augmentation du stock de la dette puisqu’en 2009 le Service de la dette se monte à 38,5 milliards, contre 44,5 en 2008, 39,6 en 2007 et 38,9 en 2006. Pour 2010 il est prévu à 42,5 milliards.

Conclusion étonnante : pour l’instant, l’explosion du déficit budgétaire lié à la crise ne coûte quasiment rien à l’Etat dans son budget (le poste Service de la dette en 2009 reste au même niveau que 2006) ! C’est indolore (et cela explique sans doute en partie la volonté d’en profiter encore plus en faisant le Grand emprunt, mais c’est un calcul à courte vue). Mais attention au retour de manivelle si l’inflation et les taux repartent à la hausse. Et, de toute façon, l’augmentation du stock de la dette va imprimer son inertie.

Les sénateurs en sont conscients et inscrivent dans l’entête de leur rapport que « La qualité de la signature de la France lui permet de se financer aux meilleures conditions. Mais le maintien de cet avantage est conditionné au redressement des finances publiques à moyen terme. Il est nécessaire d'adresser des signaux en ce sens à nos partenaires et aux acteurs de marché.» C’est exactement le discours des agences de notation. Il ne reste plus qu’à traduire cela dans les faits…

PLF 2010, engagements financiers de l’Etat, Jean-Pierre Fourcade, Sénat

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr