jeudi 23 décembre 2010

Prévisions pour 2011 (2)

Pour faire suite aux commentaires du billet précédent, rajoutons quelques éléments clés à surveiller de près :
- Les problèmes de dette privée aux Etats-Unis sont loin d’être terminés, il reste des prêts aux particuliers qui vont arriver à échéance, les crédits conso (dont le taux de défaut explose) ont également été titrisés, etc, les banques en ont plein leurs bilans. Plus globalement, il existe un réel risque de deuxième crise (« Double-dip ») ; nous n’avons, ici, jamais cru à la « reprise ».
- La Belgique, qui n’a toujours pas de gouvernement, a vu sa note mise sous surveillance par S&P.
- Toute la zone euro est sous pression, les montants à lever pour financer les dettes publiques sont énormes (cf commentaire de BA), le risque d’effondrement est réel.
- La France enfin, paralysée jusqu’à l’élection présidentielle de 2012, inquiète de plus en plus (The Daily Reckoning, MailOnline) et… la Picardie vient d’être dégradée ! Pas d’inquiétude, l’Etat est garant des collectivités locales.

Bonnes fêtes de fin d’année quand même !

Philippe Herlin

mercredi 22 décembre 2010

Prévisions pour 2011

Comme disait Claude Allègre, « Dieu a inventé les économistes pour que les météorologues se sentent moins seuls ». Tentons tout de même, pour le 200e article de ce blog, avant les fêtes de Noël et du Nouvel An, de formuler des prévisions pour 2011, ou plus modestement, de pointer les éléments clés à surveiller.

- La crise de l’euro : bien sûr rien n’est réglé, et ça va même plus sûrement empirer ! L’Irlande se débat encore avec ses banques (la banque publique de défaisance a repris pour 71,2 milliards d'euros de prêts immobiliers), alors que l’on sait maintenant que la Grèce devra rééchelonner, elle a même commencé. Le Portugal et ensuite l’Espagne vont-ils être touchés ? Les inquiétudes s’accroissent.

- La France gardera-t-elle son AAA en 2011 ? C’est LE point crucial, qui sera déterminant pour son équilibre interne comme pour celui de la zone euro. Le prix des CDS atteint des records, les investisseurs s’interrogent. Sortir de l’euro serait catastrophique pour certains (ce scénario exagère les choses, il associe changement de monnaie et crise de la dette, ce qui n’est pas automatique), facile pour d’autres (faisons tourner la planche à billets en abrogeant la loi de 1973, bah voyons !). Et si au lieu de se focaliser sur l’euro on s’occupait des vrais problèmes : compétitivité de notre économie, poids excessif des dépenses publiques, impôts, taxes et cotisations trop élevés, niveau de l’enseignement en baisse, etc !

- La Chine pousse ses pions : du fait de ses excédents commerciaux, sa banque centrale regorge d’euros. Elle souhaite en placer une partie en obligations du Trésor portugais. Pour acquérir un « pouvoir de négociation » et ensuite racheter le port de Lisbonne, comme elle l’a fait en Grèce avec Le Pirée ?

- Et si la crise de la dette venait des USA ? C’est le scénario qui monte, le déficit budgétaire fédéral se maintient à un très haut niveau, la dette explose, la confiance dans le dollar risque-t-elle de se retourner ? C’est ce que pensent Bill Bonner de La Chronique Agora et le blog The Economic Collapse (ainsi d’ailleurs que pour les Muni-Bonds, l’un comme l’autre).

On a du en oublier mais vos commentaires sont les bienvenus !

Philippe Herlin

lundi 20 décembre 2010

La BCE, voiture-balai de la zone euro !

La BCE s’expose doublement à la crise irlandaise puisqu’elle offre des prêts à ses banques pour qu’elles continuent à fonctionner (aucune banque commerciale ne veut leur prêter vu la dégradation de leurs comptes) et, dans le même temps, elle rachète des obligations de l’Etat irlandais sur le marché (les banques commerciales veulent s’en débarrasser vu le risque qu’elles représentent). La BCE a ainsi alloué 136 milliards d'euros de prêts spéciaux et 45 milliards de prêts en urgence aux établissements bancaires irlandais (soit 181 milliards au total). Pour les obligations d’Etat on n’en connait pas le montant exact, mais la BCE a reconnu avoir acheté, depuis la crise grecque de mai 2010, pour 72 milliards d’euros d’emprunts grecs, irlandais et portugais. La BCE est donc engagée envers l’Irlande pour au moins 200 milliards d’euros. Et ça l’inquiète bien sûr, car en cas de « restructuration » de la dette (privée et/ou publique), son capital de 5 milliards d’euros (bientôt 10) n’y suffirait pas ! On voit le mouvement : les banques commerciales se débarrassent des emprunts d’Etats en difficulté, refusent de prêter aux banques trop touchées par la crise, et la BCE vient à la rescousse des victimes pour éviter un krach financier (du type Lehman Brothers). C’est le cas pour l’Irlande, la Grèce, le Portugal, pour l’instant. Ce faisant elle récupère des créances dont la valeur réelle s’avère de plus en plus douteuse. La BCE c’est un peu la voiture-balai de la zone euro ! Aux Etats-Unis, la Fed fait la même chose mais elle monétise à tout va (Quantitative Easing II de 600 milliards de dollars), ce qui desserre la contrainte, mais ne fait que reporter le problème dans le temps cependant. Moins laxiste, la BCE subit d’autant plus de contraintes sur son bilan…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 17 décembre 2010

Un sommet pour presque rien

Les résultats du sommet des dirigeants européens réuni ce jour à Bruxelles sont plus que limités, et pas du tout à hauteur des défis actuellement posés à la zone euro. Ils concernent deux points :

1) La Banque centrale européenne (BCE) double son capital, le passant de 5 à 10 milliards d’euros. Mais est-ce seulement suffisant ? Son bilan se monte à 138 milliards d’euros, dont 72 milliards d’obligations grecques, irlandaises, portugaises. Le rééchelonnement de ces dettes publiques fait de moins en moins de doutes, et une décote (une « restructuration ») de 30 % signifierait une perte sèche de 21,6 milliards pour la BCE (72.0,3), presque deux fois son futur capital. Et l’Espagne arrive, avec ses banques totalisant 176 milliards d’euros de pertes selon Moody’s. D’autant qu’il faut aussi tenir compte de « l’Eurosystème », la structure qui réunit la BCE et les banques centrales nationales, qui est engagé auprès des banques à hauteur de 334 milliards d’euros… Les banques centrales des pays en difficultés devraient elles aussi augmenter leur capital, mais cela n’a pas été évoqué lors du sommet. Une remarque : voici encore une construction bancale puisque la monnaie européenne dépend de plusieurs banques centrales, même si la BCE a la prééminence. Que se passe-t-il en cas de dysfonctionnement ou de conflit ? Encore un élément de défiance et de risque systémique supplémentaire…

2) Pour pérenniser le mécanisme d’aide aux Etats surendettés, il a été décidé d’ajouter un paragraphe à l’article 136 du Traité européen ainsi rédigé : « Les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent établir un mécanisme de stabilité qui puisse être activé s'il était indispensable de sauvegarder la stabilité de l'euro dans son ensemble. L'octroi de toute assistance financière requise via ce mécanisme sera sujet à de strictes conditionnalités. » C’est assez abscons mais ça veut dire qu’en cas de crise on ne se décidera à bouger que si tout menace d’exploser… on avait vraiment besoin de l’écrire. Et c’est ce que fait l’UE depuis le début de la crise de l’euro, non ? Ce paragraphe sera effectif à partir de 2013, bien sûr on a le temps. Bref, on attend avec impatience le prochain sommet européen qui devra régler la prochaine crise.

Et autrement, si vous cherchez une idée de cadeau de Noël, ou une autre idée ;-)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 15 décembre 2010

Inquiétudes sur l’Espagne

Comme nous l’expliquions dans ce billet à propos du Portugal, « l’engrenage » entre les banques et l’Etat (leur dégradation financière se renforçant l’un l’autre) commence à toucher l’Espagne. Après avoir lancé, la semaine dernière, un avertissement sur les banques espagnoles, plombées par des pertes potentielles de 176 milliards d’euros, Moody’s menace désormais de dégrader une nouvelle fois la note de l’Espagne. Malheureusement logique. Le recours au Fonds européen de stabilité financière (FESF) n’est pas évoqué par l’agence de notation, et est fermement repoussé par le gouvernement ; l’enjeu est d’importance, l’Espagne assècherait à elle seule ce fonds !

Philippe Herlin

lundi 13 décembre 2010

L’Islande aussi rééchelonne !

Pour faire suite au billet précédent, il n’y a pas que la Grèce qui rééchelonne sa dette, c’est aussi le cas de l’Islande ! Le rééchelonnement, le défaut partiel ou, autre synonyme, la restructuration de la dette publique, fait ainsi son chemin, sans que les médias en parlent, pour l’instant.

Rappel historique : les trois grandes banques islandaises se sont fortement développées à l’international (RU, Irlande, Pays-Bas notamment) en captant l’épargne de particuliers alléchés par des taux d’intérêts supérieurs à la moyenne. Cette croissance à tombeaux ouverts explose en plein vol lors de la crise de 2008, les banques sont ruinées. Pour éviter une explosion sociale et une défiance envers le système bancaire, les gouvernements de Londres, Dublin et Amsterdam remboursent leurs déposants et se retournent ensuite vers Reykjavik. Les Islandais, qui n’ont pas froid aux yeux, font un référendum en mars 2010 pour refuser de payer pour leurs banques. Cependant le défaut intégral n’est pas tenable (risque de mise au ban, rétorsions commerciales, etc), résultat, il faut négocier. L’accord vient de tomber, sur une des trois banques, (mais il doit encore passer devant le parlement islandais) et chacun fait un pas, l’Islande paye mais sur un délai très long (au plus tard 2046 !) et pas en totalité (l’Irlande, qui n’est plus à ça près, en sera de sa poche pour 394 millions d’euros). Il s’agit bien d’un rééchelonnement. L’idée progresse donc (c’est ce qu’il aurait fallu faire dès le début avec la Grèce, bref).

Remarque incidente : la filiale française d’une banque batave (un exemple parmi d’autres, mais c’est le plus marquant) déploie une publicité omniprésente et offre des taux d’intérêt aguicheurs, et ça a l’air de marcher pour elle, mais au fait, les instances bancaires françaises de régulation se soucient-elles de la solidité de la maison-mère ? On l’espère.

Philippe Herlin

samedi 11 décembre 2010

La Grèce rééchelonne !

Chut, il ne faut pas le dire ! La Grèce rééchelonne une partie de sa dette. Le prêt de 110 milliards d’euros qui lui a été accordé par l’Union européenne en mai dernier, et qui devait être remboursé en 2015, le sera finalement en 2024 (ou plus tard, la date n’est pas encore absolument établie). On essaie simplement de sauver les apparences et de ne pas utiliser le terme « rééchelonnement » dans les communiqués, mais les faits sont là. D’habitude c’est le pays débiteur qui met ses créanciers devant le fait accompli (« je décale mes remboursements de dix ans, je ne peux pas faire autrement, point »), ce qui provoque une tempête diplomatique et une crise de confiance sur les marchés. Ici le débiteur (la Grèce) et les créanciers (Allemagne, France, etc) se sont entendus discrètement sur ce report, avec la complicité du FMI. Surtout pas de vagues. Mais cette décision signifie, à ceux qui en doutaient encore, que la Grèce ne pourra pas rembourser toute sa dette. Et il en sera certainement de même pour l’Irlande, le Portugal, l’Espagne…

Ici les débiteurs sont des Etats (un grand merci aux contribuables), donc le « scandale » n’éclate pas, mais lorsqu’il s’agira de rééchelonner la dette « normale », détenue par des investisseurs privés, ça va hurler ! Les banques, les assurances et les fonds devront enregistrer des pertes sèches dans leurs bilans et les actionnaires vont se faire entendre (tiens, les actionnaires se font plus entendre que les contribuables, étonnant).

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 8 décembre 2010

Moody’s menace le triple A des Etats-Unis !

Il n’y pas que la zone euro qui va mal, Moody’s annonce que le triple A américain pourrait être remis en question. Rien que ça. A la limite la question maintenant c’est qui va tomber le premier, l’euro ou le dollar ? Accumulation de dette publique (nationales et européenne) d’un côté, monétisation à outrance de l’autre, faites vos paris ! Une différence de taille toutefois, le dollar, tout le monde en possède, c’est la monnaie de réserve et de transaction dans le commerce international (on paye son pétrole en dollars, les matières premières, les Boeing et les Airbus, etc), donc personne n’a vraiment intérêt à ce qu’il perde sa valeur ; cependant à long terme ce n’est pas suffisant. Les deux principales monnaies mondiales sont embarquées dans une fuite en avant inquiétante.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 7 décembre 2010

Ligne de fracture dans la zone euro

Pour prolonger le billet précédent, la récente réunion des ministres des finances de la zone euro a, une nouvelle fois, mis en évidence la ligne de fracture entre l’Allemagne suivie de quelques uns de ses alliés, et la majorité des pays adeptes d’une politique financière et budgétaire plus « souple ». « Augmentons le Fonds de stabilité (FESF) ! », « émettons de la dette européenne ! » supplient les Etats dépensiers, incapables de maîtriser leurs déficits budgétaires et, surtout, habitués à ne jurer que par la dépense publique. « Non » répond l’Allemagne, avec raison. Le jeu de la BCE est plus trouble, elle tient habituellement un discours de rigueur budgétaire mais, cette fois, elle soutient l’augmentation du plafond du FESF. La raison est simple, en cas de crise grave (problème de financement de l’Espagne ou de l’Italie) et donc de risque de collapsus du système financier européen, soit il faut de l’argent public (FESF), soit il faut monétiser à haute dose, et entre ces deux maux la BCE choisit le moindre. Comme si, constatant la dérive des comptes publics et l’inefficacité de ses appels à la rigueur, la Banque centrale s’attendait à ce que ça arrive…

Bonus : en interview pour LeFigaro.fr sur l'appel de Cantona

Philippe Herlin

samedi 4 décembre 2010

Un scénario à envisager : l’Allemagne quitte l’euro !

L’information est d’importance et elle est publiée par The Guardian : Angela Merkel a déclaré fin octobre lors d’un sommet européen que l’Allemagne pourrait quitter l’euro ! Le porte-parole de la chancelière a immédiatement démenti, mais voici un élément qui ne devrait pas rassurer les marchés. Ce scénario est en réalité tout à fait crédible (je l’évoque dans mon livre page 124), l’Allemagne – qui garde en mémoire le traumatisme de l’hyperinflation de 1923 – choisirait de quitter un euro qui part à vau l’eau (monétisation à outrance, cours en chute libre, inflation) plutôt que d’essayer de le sauver. Et, selon moi, elle essaierait de nous vendre cette idée en faisant la promotion d’un « euro fort » (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) et d’un « euro faible » (France, pays méditerranéens) ; mais ce serait un marché de dupes car si un euro fort est parfaitement viable, un euro faible ne le serait absolument pas et exploserait à son tour (à cause des divergences entre ses membres, et cela voudrait dire que la France seule prendrait en charge les problèmes grec, portugais, espagnol…). Bref, on commence à se poser des questions à Berlin…

Bonus : à lire, ce commentaire du billet précédent.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 3 décembre 2010

Super Trichet !

La BCE s’en sort beaucoup mieux que les grandes nations européennes et l’UE réunies : la panique sur les marchés s’est stoppée net hier suite aux déclarations de Jean-Claude Trichet. Bien sûr ce n’est qu’une pause avant la prochaine crise, mais tout de même, le président de la BCE n’a pas cédé sur ce que les marchés attendaient, à savoir l’achat en direct d’obligations émises par les Etats en difficulté, la « monétisation » (ce que fait la Fed avec son « Quantitative Easing 2 » de 600 milliards de dollars). Il pointe même la source du problème et a invité les gouvernements à « renforcer la confiance dans les finances publiques » et à mettre en œuvre « des stratégies de consolidation crédibles et ambitieuses » (Les Echos). Il a raison, et nous le disons ici suffisamment, ce n’est pas en rajoutant de l’intervention publique que l’Europe va s’en sortir (le FESF, que certains veulent doubler, une « dette européenne », la monétisation), mais au contraire en diminuant les dépenses publiques et en restaurant la croissance. Comme on en prend pas vraiment le chemin, il faut craindre une prochaine crise (l’Espagne, l’Italie ?) et cette fois les marchés, soutenus par les Etats impécunieux, feront peut être céder la BCE et l’obligeront à monétiser les dettes publiques à grande échelle. L’Allemagne s’y opposera, et l’euro lui-même sera en jeu, ou elle cédera et ce ne sera qu’un répit. La réponse bientôt.

Autrement, comme s’il n’y avait pas suffisamment de bulles immobilières dans le monde, la FIFA vient d’en créer une belle en accordant la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar. Ce pays d’un million d’habitant devra construire 12 stades (climatisés car il fait 50 degrés à l’ombre) pour une facture estimée à 50 milliards de dollars (soit 1 « Madoff », les nouvelles unités de comptes de la crise financière étant 1 Kerviel, 5 milliards, 1 Madoff, 50 milliards) !

Ca n’a rien à voir mais je m’occupe aussi d’un site de téléchargement de musique classique « low cost » (1 euro l’œuvre), n’hésitez pas : Classical Music Mobile !

Et bien sûr, si vous cherchez une idée de cadeau pour Noël ;-)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 30 novembre 2010

L’engrenage

Une crise, une vraie crise, correspond à une situation inextricable qui ne peut se résoudre que par un effondrement économique, comme cela est arrivé en 1929, ou a failli le 15 septembre 2008. Nous sommes en train d’approcher une telle situation critique.

« Les banques portugaises pourraient être confrontées à un "risque intolérable" si le pays ne parvient pas à consolider ses finances publiques, a prévenu mardi la banque centrale. » (Reuters). Effectivement, si la dette souveraine du Portugal est dégradée par les agences de notation (ou si l’Etat portugais fait défaut ou doit rééchelonner), les banques portugaises, qui en ont plein dans leur bilan, se retrouveront avec un actif « spéculatif », dévalué, dont la valeur doit être sévèrement diminuée. Conséquence, le marché interbancaire se fermera, elles devront lever des milliards d’euros pour provisionner ces actifs, mais qui voudrait leur prêter ? Personne. Et surtout pas l’Etat portugais, à court d’argent et ayant perdu la confiance des investisseurs. Résultat, faillites du système bancaire et de l’Etat, et un effondrement économique.

Mais ce que l’on vient de décrire pour le Portugal peut se produire à l’échelle de l’Europe. Les banques et les assurances européennes sont gavées d’obligations souveraines des pays de la zone euro. Une défiance envers l’Espagne, l’Italie ou la France provoquerait une onde de choc destructrice dans le système bancaire et envers l’euro lui-même. Aujourd’hui on ne sait répondre à ce type de crise que par un surcroît d’endettement public (le FESF), c'est-à-dire encore plus d’obligations publiques, achetées par les banques ! On tourne en rond, en apesanteur, jusqu’à l’écroulement final.

Déjà des tensions apparaissent sur le marché interbancaire européen. Les taux ne montent pas encore parce que « la BCE agit maintenant comme une sorte de contrepartie centrale au marché interbancaire, autorisant les différentes parties à prêter-emprunter auprès d'elle sans être obligées de se prêter entre elles » selon Les Echos. Mais l’inquiétude est réelle. Des rumeurs de dégradation courent sur la France (Le Figaro) et le spread de taux d’intérêt avec l’Allemagne s’agrandit (Reuters).

Il faut sortir de cette logique d’accumulation de l’endettement public pour retrouver le chemin de la croissance (par des réformes structurelles que seule l’Allemagne, parmi les grands pays, a réalisées jusqu’ici en Europe) et de la baisse des dépenses publiques, sinon…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 26 novembre 2010

Crise de l’euro : un effet domino ?

Comme le disait Nouriel Roubini : « De manière concrète, on peut définir une crise financière comme un événement qui contraint les dirigeants politiques à passer un long week-end à essayer désespérément d’annoncer un nouveau plan de sauvetage destiné à éviter la panique au niveau national et international avant la réouverture des marchés le lundi matin. » (« Ce n’est pas la fin de la crise ! » 14 mai 2010). Nous y sommes ! Les ministres des finances de la zone euro vont organiser une téléconférence dimanche tandis que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se concertent pour éteindre l’incendie.

Faut-il craindre une contagion de la crise à la France ? Pour sûr, même l’Allemagne peine à emprunter ! Le renflouement de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne obligerait à activer le FESF, certains à Bruxelles parlent même d’en doubler la taille, fixée à 440 milliards d’euros aujourd’hui. Mais ces 440 milliards n’ont pas encore été levés (c’est un plafond, simplement), imagine-t-on que les investisseurs européens et mondiaux vont acheter des centaines de milliards d’obligations émises par le FESF, en plus de celles émises par l’Allemagne, la France, l’Italie, etc alors que la crise s’étend en Europe et que l’euro baisse ? Certainement non (« les investisseurs encore acheteurs de dette européenne la semaine dernière sont désormais tous vendeurs » selon le Financial Time). On fait comment alors ? (reste à faire comme la Fed, monétiser à tour de bras…)

L’agence Reuters commence à « imaginer l’impensable » : l’éclatement de la zone euro. Nous sommes dans une crise systémique. Bon week-end à nos ministres des finances européens.

Accord sur une aide de l'Europe et du FMI à l'Irlande attendu dimanche, La Tribune

Les marchés s'affolent, la contagion gagne le Portugal, Le Figaro

L'Allemagne peine à emprunter, Le Figaro

Imaginer l'impensable, un éclatement de la zone euro, Reuters

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 23 novembre 2010

La fuite devant la réalité

On y voit plus clair dans le plan d’aide à l’Irlande, même s’il faudra attendre quelques semaines pour que les modalités précises soient établies entre Bruxelles et Dublin. On parle d’une aide totale de l’ordre de 90 milliards d’euros, mais au final le FESF (Fonds européen de stabilité financière) pourrait ne pas être sollicité, ou très peu. Le FESF est directement garanti par les grands pays européens (le FESF lève des fonds en son nom, mais si un pays auquel il a prêté fait défaut, l’Allemagne, la France, etc payent la note ! et c’est notre AAA qui saute au passage). L’Union européenne possède en effet une capacité à s’endetter de 60 milliards d’euros (par le MESF, Mécanisme européen de stabilité financière), le FMI interviendrait à hauteur de 50 % et le Royaume-Uni ferait un prêt bilatéral de 8 milliards d’euros ; ça pourrait suffire. De son côté, l’Irlande garderait son taux d’impôt sur les sociétés de 12,5 %, le plus bas d’Europe. Tout est bien qui finit bien ?

Non car on parle maintenant de contagion vers le Portugal et l’Espagne, également empêtrés dans leur dette publique. Et on reparle de la Grèce, l’UE et le FMI doutent qu’elle puisse rembourser les 110 milliards du prêt européen en 2014 et 2015 (c’est évidemment impossible). En fait les dirigeants européens (hormis Berlin et Londres) refusent de prendre conscience des déséquilibres structurels de leurs comptes publics ainsi que d’admettre l’absence de toute reprise économique. Et ils espèrent passer ce mauvais cap en rajoutant de la dette publique européenne à de la dette publique nationale. Ou en essayant de bercer d’illusions les marchés, comme avec ces stress-tests sur les banques européennes réalisés en juillet dernier et que les banques irlandaises, aujourd’hui en faillite totale, passaient sans encombre.

Surtout pas de remise en cause, on apprend par exemple que le FMI vient d’embaucher, pour diriger son département européen, un ancien de Goldman Sachs qui a directement participé au maquillage des comptes publics de la Grèce… Et juste pour rire, le site France.fr dépense un demi-million d’euros pour fabriquer un spot niaiseux vantant les mérites de la France ; ceci dit on pourra toujours le recycler lorsqu’il faudra quémander une aide européenne.

Comment fonctionnera le plan de sauvetage irlandais, Le Figaro

Grèce: vers un nouveau prêt (FMI et UE), Le Figaro

Un ancien de Goldman Sachs à la tête du département Europe du FMI, AFP

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 22 novembre 2010

Merci le con-tribuable !

Le principe du plan d’aide à l’Irlande a été acté mais ses modalités précises restent à préciser, nous y reviendrons. L’Union européenne, le FMI et le Royaume-Uni (par l’intermédiaire d’un prêt bilatéral) vont apporter environ 90 milliards d’euros. 90 milliards versés par des structures étatiques, c'est-à-dire concrètement de l’argent public, donc prélevé dans les poches des contribuables. Uniquement. Alors posons la question sacrilège : pourquoi les banques ne contribuent-elles pas ? Les banques et, d’une façon générale, tous les investisseurs qui ont acheté de la dette irlandaise. Les banques françaises sont en effet particulièrement exposées à la dette « périphérique » (Grèce, Irlande, Portugal). Et pourquoi les banques françaises et européennes ont-elles acheté de la dette grecque ou irlandaise ? Parce que ça rapporte plus ! Les bons du Trésor allemand ou français rapportent 2 à 3 % d’intérêt quand les grecs ou les irlandais offrent 5 à 8 %, pourquoi se gêner. Depuis longtemps confrontés à des difficultés budgétaires, ces pays doivent offrir un meilleur rendement à leurs émissions obligataires. Sauf que le risque de banqueroute ou de rééchelonnement aurait du être pris en compte, ce que se sont bien gardées de faire les banques, se persuadant que la zone euro ne laisserait jamais tomber ces pays, et n’accepterait même pas un rééchelonnement. Et ce plan vient confirmer cela. Merci qui ? Merci le con-tribuable !

L'Europe s'accorde sur un plan de soutien à l'Irlande, Le Figaro

Grèce, Irlande, Portugal: les banques françaises très exposées, Slate.fr

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

samedi 20 novembre 2010

Roubini inquiet sur la dette de la France

Pour faire suite au billet précédent, c’est maintenant l’un des économistes les plus lucides sur la crise actuelle, Nouriel Roubini, qui se met à douter de la dette française. « La France, par certains aspects essentiels, n'a pas l'air en bien meilleur état que la périphérie » de la zone euro, a-t-il affirmé sur CNBC, « ils n'ont rien fait d'un point de structurel, leur déficit budgétaire est élevé, politiquement ils sont limités dans leur capacité à faire des réformes. » Bien vu, rien à rajouter.

La France pas mieux que Grèce ou Irlande selon Nouriel Roubini, AFP

Nouriel Roubini sur CNBC

Philippe Herlin

jeudi 18 novembre 2010

Des tensions sur la dette française ?

Dans mon livre « France, la faillite ? » j’ai signalé que l’Etat avait, depuis la crise de 2008, augmenté son endettement à court terme (page 70) ; cela a un avantage (l’endettement à court terme coûte moins cher) mais un inconvénient majeur (il faut revenir plus souvent sur les marchés, et en période de crise et de tension c’est risqué), c’est en somme un calcul à courte vue, et il fut dénoncé comme tel par la Commission des finances du Sénat. Eh bien la France fait machine arrière et le fait savoir par une interview du directeur général de l’Agence France Trésor (AFT), Philippe Mills, à l’agence de presse Reuters, en pleine période de crise sur la dette irlandaise. L’endettement à court terme (moins d’un an) est passé de 18,6 % du total de la dette de l’Etat à 15,7 % au cours de l’année 2010, et l’effort sera poursuivi en 2011. Ce revirement traduit clairement un début d’inquiétude des investisseurs, mais qui ne se manifeste pas pour l’instant par des tensions palpables sur les marchés (hausse des taux ou des CDS). Incontestablement, la situation est tendue.

La France réduit l’encours de sa dette à court terme, Reuters

> A signaler que France, la faillite ? a fait l’objet d’un deuxième tirage et continue donc de bien se vendre. Je rappelle aux lecteurs de ce blog que 80 % du contenu du livre est inédit et n’a pas été publié sur ladettedelafrance.fr, la lecture des deux est ainsi parfaitement complémentaire ! Son prix est de 14 euros seulement.

> Par ailleurs, je participe au colloque « Dette publique : la France en faillite ? » jeudi prochain à Paris

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 17 novembre 2010

Le plan d’aide à l’Irlande en négociation…

Le principe du plan d’aide à l’Irlande a été acté lors de la réunion des ministres des finances de la zone euro hier à Bruxelles. Reste à en négocier, dans les jours qui viennent, les modalités, et celles-ci tournent autour de deux axes :
1) Qui va payer ? Comme nous l’expliquions dans notre billet précédent, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) n’existe que sur le papier, et la France et l’Allemagne n’ont pas vraiment envie de solliciter les marchés à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, Paris pourrait craindre pour son AAA. Solution toute trouvée : faire payer les Anglais ! Ils avaient réussi à se faire oublier lors du renflouement de la Grèce, manque de chance cette fois, leurs banques sont très engagées auprès du système financier irlandais, ils sont coincés. Le chancelier de l’échiquier George Osborne, qui met actuellement en place un plan de réduction drastique de la dépense publique, va être très content de mobiliser des dizaines de milliards de livres dont il n’est pas vraiment certain de revoir la couleur… D’autre part, le FMI, qui était regardé de travers par les capitales européennes lors de la crise grecque (son intervention était perçue comme une atteinte à la souveraineté de l’Europe) est maintenant accueilli à bras ouverts, il pourrait contribuer à la moitié du financement total selon le Wall Street Journal…
2) Quelle contrepartie pour l’Irlande ? Dublin a mis en place dès 2009 un vrai programme de contrôle des dépenses publiques, on ne peut donc pas l’attaquer sur ce point, mais il y a un élément qui énerve les capitales européennes, c’est son dumping fiscal ; voilà où frapper ! « Dublin redoute notamment que ses partenaires européens lui réclament une hausse de l'impôt sur les sociétés - de 12,5% actuellement et l'un des plus bas en Europe - qui est à la base du miracle irlandais et que les Irlandais eux-mêmes sont prêts à défendre bec et ongles. » (Les Echos). Ce serait pourtant un calcul à courte vue puisqu’il affaiblirait l’économie et les recettes fiscales futures de l’Irlande. D’où le discours du gouvernement irlandais affirmant que ses banques ont besoin d’un renflouement mais nullement l’Etat (sous-entendu, ne touchez pas à ma politique fiscale).
Résultat dans les jours qui viennent…

La zone euro acte le principe d'une aide à l'Irlande, Les Echos

Le plan d’aide prend forme, Boursier.com

Aide à l'Irlande: décision prochaine, AFP

Le Royaume-Uni "prêt" à aider l'Irlande, AFP

Addendum : les banques britanniques sont engagées à hauteur de 222 milliards de dollars auprès de Dublin !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 15 novembre 2010

Une crise de l’euro cette semaine ?

Ca se complique dangereusement, l’Irlande serait en discussion avec Bruxelles pour un plan de renflouement, tandis que le Portugal pourrait sortir de l’euro, selon son ministre des affaires étrangères. Rappelons que l’outil de la zone euro pour parer à une crise de la dette souveraine, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière), est purement virtuel puisque les 440 milliards sensés être apportés par les pays européens n’ont pas été levés sur les marchés ! Imagine-t-on l’Allemagne, la France, et quelques autres pays (Autriche, Pays-Bas, Italie peut être, mais pas l’Espagne en difficulté), lever sur les marchés financiers des centaines de milliards d’euros, en plus de leurs propres programmes d’émissions, comme ça, sans risque sur leur notation ? Et, sur le fond, rajouter de la dette à de la dette ne constitue pas une solution. Les autorités européennes sont face à un dilemme : 1) renflouer les pays en difficultés, mais l’endettement public dans la zone euro atteint des limites dangereuses, ou 2) rééchelonner les dettes des PIGS (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne), éventuellement en les sortant de l’euro, mais la dépréciation de leur dette provoquera une crise bancaire européenne (des centaines de milliards de bons du Trésor de ces pays se trouvent en effet dans les comptes d’institutions financières européennes, une dépréciation générerait des pertes très importantes). Dans les deux cas c’est la crise…

Panique dans la zone euro, Presseurop

Le Portugal pourrait devoir renoncer à l'euro, Les Echos

L'Irlande appellerait à l'aide pour ses banques, Le Figaro

L'Irlande entretient l'ambiguïté sur un plan de sauvetage européen, Le Monde

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 12 novembre 2010

Craintes sur la Grèce, l’Irlande et le Portugal

Comme l’indique « BA » dans les commentaires du billet précédent, la situation se tend dangereusement pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Les taux d’intérêt exigés montent à des niveaux de plus en plus élevés, tandis que la Grèce, on l’a déjà dit, ne peut plus emprunter qu’à court terme, le moyen-long terme lui est en fait fermé. Selon un sondage réalisé par l’agence financière Bloomberg auprès de professionnels de la finance, désormais la moitié d’entre eux (51 %) croient à une banqueroute de l’Irlande, c’est plus que le Portugal (38 %) mais moins que la Grèce (71 %)… Manifestement, le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) ne suffit pas à rassurer les marchés, il va falloir trouver autre chose, et vite.

Plus d’un financier sur deux craint une banqueroute irlandaise, Boursier.com

Crise de la dette irlandaise : au G20, cinq ministres des finances européens tentent de rassurer, La Tribune

Par ailleurs, le podcast de mon débat avec Henri Sterdyniak sur RFI le 11 novembre : « Que faut-il attendre du G20 ? »

Philippe Herlin

lundi 8 novembre 2010

Guerre en coulisses

Une guerre feutrée se livre dans les coulisses des lieux de pouvoir, celle des Etats contre les agences de notation. La dégradation de la note d’un pays a de graves conséquences, on le sait, d’un renchérissement significatif des emprunts à la crise de confiance. Pour se libérer de cette menace, Bruxelles commence à entraver le business des agences de notation, et même à les taper au portefeuille, suivant en cela l’exemple de Washington. Après les avoir placées (pour janvier 2011) sous la supervision de la future autorité européenne des marchés financiers, l’Europe réfléchit tout haut pour imposer de nouvelles règles de transparence, selon Le Monde, « Etant donné l'importance et les spécificités des notations souveraines, il pourrait être justifié d'augmenter le niveau de transparence et d'ajouter des obligations spécifiques que les agences devraient respecter ». En outre, les agences pourraient être obligées de publier gratuitement l'intégralité de leur rapport (lorsqu’elles dégradent un pays) et ne plus être rémunérées par les pays qu’elles notent. On ne va pas défendre ici les agences de notation (un oligopole, n’ont rien vu des subprimes, en conflit d’intérêt intrinsèque puisqu’elles sont rémunérées par ceux qu’elles notent), mais tout de même, casser le thermomètre, même imprécis, ne constitue pas une solution. Et lorsque l’on donne des leçons de transparence, il faut montrer l’exemple, or on vient d’apprendre que la BCE a refusé de divulguer des documents internes montrant comment la Grèce a utilisé des instruments dérivés pour cacher sa dette… La confiance ne reviendra pas sur les marchés sans la transparence, et personne ne doit s’y soustraire.

L'Europe veut durcir les règles pour les agences de notation, Le Monde

ECB Rejects Request for Greek Swap Files, Citing `Acute' Risks, Bloomberg

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 3 novembre 2010

La Société Générale joue avec le risque

La Société Générale annonce une forte hausse de son bénéfice trimestriel. Génial, alors c’est la reprise ? Pas du tout, cela résulte d’opérations comptables, à savoir un « recul plus prononcé que prévu des provisions pour pertes sur le crédit », une « baisse du coût du risque » (une notion par ailleurs contestable) ainsi, paradoxalement, qu’une hausse de la « valeur de son portefeuille d'instruments de couverture (CDS) » puisque la tension sur les marchés s’accroît (les CDS servent en effet à se couvrir contre le risque, fort bien, mais ce produit c’est aussi de la nitroglycérine, une bulle, mais c’est un autre problème). Remarque en passant, notons une contradiction entre le troisième effet comptable et les deux premiers. Deuxième remarque, pour rire : "L'embellie est favorisée par la bonne tenue du portefeuille d'actifs illiquides", des actifs illiquides (invendables c'est à dire qui ne valent rien) mais qui se "tiennent bien", comprenne qui pourra, ça doit être de l'humour de banquier. Bref, la Générale fait comme les banques américaines, une baisse des provisions et du coût du risque, qui produit une hausse du bénéfice, largement artificielle. Dangereuse même puisque les risque réels augmentent dans des proportions inquiétantes : Forclosuregate aux USA (cf les articles de Vincent Bénard) et problèmes de dettes souveraines en Europe. D’ailleurs la restructuration de la dette grecque devient de plus en plus inévitable, la Société Générale a-t-elle fait des provisions en conséquence ? Bien sûr que non. Et pour le Portugal, l’Espagne ? Non plus. En négligeant ainsi un risque pourtant évident, les banques vont amplifier, plutôt qu’amortir, une crise des dettes souveraines européennes qui se profile à l’horizon.

Société Générale tourne le dos à la crise, Le Figaro

Grèce : le spectre d'une restructuration ressurgit, Le Figaro

Spécial promo : mon livre chroniqué par Hashtable

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 29 octobre 2010

Avertissement sur la dette américaine

Il faut toujours se méfier des discours catastrophistes, mais Bill Gross n’est pas le premier venu, c’est le dirigeant de PIMCO, le fonds américain qui détient le plus de bons du Trésor américain. Dans sa dernière note à l’attention des investisseurs, il explique carrément que la dette américaine a les caractéristiques d’une pyramide de Ponzi… Dénonçant le recours de la Fed à encore plus de création monétaire (rachat de bons de Trésor et de créances pourries des banques et de Freddie Mac et Fannie Mae), Bill Gross remet en cause sa capacité à faire redémarrer la croissance, et donc la capacité des Etats-Unis à rembourser leur dette publique. Le postulat, adopté par l’administration, considérant que tant que l'on peut trouver de nouveaux créanciers pour rembourser les emprunts précédents, la spirale de l'endettement peut se perpétuer indéfiniment, est erroné. L’éclatement de la bulle obligataire est, selon lui, imminent.

Le projet d'assouplissement quantitatif de la Fed déclenche une "Gross" colère chez PIMCO, Philippe Béchade, La Chronique Agora

Le "Quantitative Easing 2" de la Fed, Oddo

Run Turkey, Run, "Bill" William Gross, PIMCO
“Public debt, actually, has always had a Ponzi-like characteristic.”

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 26 octobre 2010

Une hypothèse sur la dette américaine

Une curiosité sur le marché de la dette souveraine : les Etats-Unis viennent de vendre des obligations à rendement négatif, c'est-à-dire qu’elles vont coûter de l’argent à ceux qui les souscrivent, à moins que le taux d’inflation augmente. Explication : les Etats empruntent à taux fixe, donc si l’inflation repart, les investisseurs perdent de l’argent. Sauf si ces Etats proposent des obligations indexées sur l’inflation, ce que font la France (avec les OATi) et depuis peu les Etats-Unis. Et ces titres sont très demandés, ce qui signifie que les investisseurs anticipent un retour de l’inflation. En l’occurrence, ils le craignent tellement qu’ils achètent ces bons du Trésor américain à perte, si l’inflation reste à son niveau actuel, mais avec un beau rendement si elle décolle (et un coût important pour le Trésor US !).

Jusque là on comprend. Mais si l’inflation doit repartir, le Trésor US et la Fed sont quand même un peu au courant, alors pourquoi se tirent-ils une balle dans le pied en proposant un produit qui leur coûtera, dans ce cas, une fortune à rembourser ? Emettons une hypothèse légèrement perverse : si les Etats-Unis ne peuvent plus faire face à leur dette, ils n’utiliseront pas l’arme de l’hyperinflation mais celle du défaut. En effet l’hyperinflation détruirait le dollar et l’économie américaine, alors que le défaut (ou un rééchelonnement massif), surtout s’il ne concerne que les détenteurs extérieurs, sauvegarderait la puissance économique et monétaire américaine. Bonne pioche. Bien sûr cela provoquerait au passage une crise financière internationale, de multiples ruines bancaires, mais quelles « représailles » pourraient être utilisées contre la première puissance commerciale et militaire du monde ?

Bon, l’autre scénario c’est que les Etats-Unis remboursent rubis sur l’ongle. C’est ce qu’ils font pour l’instant, en grande partie en « monétisant » (une partie des émissions du Trésor souscrites directement par la Fed), mais la masse monétaire augmente dangereusement, avec le risque de forte inflation qui y est attaché. Ces nouvelles émissions d’obligations indexées à l’inflation indiquent ainsi peut être une inflexion de la part de la Fed et du Trésor : nous ne voulons pas d’hyperinflation, donc nous n’allons plus abuser de la création monétaire, et nous réglerons le problème de la dette autrement…

Les Etats-Unis vendent des obligations à rendement négatif, L’Expansion

(texte repris sur Contrepoints, merci !)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 25 octobre 2010

Comment appauvrir un pays ?

Des déficits publics récurrents et une dette qui enfle dangereusement ne représentent finalement qu’un aspect des politiques publiques néfastes mises en œuvre. Celles-ci se traduisent également par un appauvrissement économique, auquel viendra suppléer imparfaitement une politique sociale… financée par la dette. Dernier exemple d’appauvrissement du pays, décidé explicitement par le gouvernement : le relèvement des prix de l’électricité pour financer le photovoltaïque et l’éolien ! « Les prix ont des chances d'augmenter de 6 % à 7 % en six mois, du jamais-vu depuis des décennies. Et le mouvement ne fait sans doute que commencer… » (Les Echos). Il s'agit de couvrir les charges liées au développement massif des énergies renouvelables mises en œuvre par le bureaucratique « Grenelle de l’environnement » et ses mirages d’économie « verte ». Ni le solaire ni l'éolien ne sont compétitifs, l'Etat soutient leur essor en faisant acheter ce type d'électricité par EDF à un prix supérieur au marché. La différence est couverte par une taxe, la contribution au service public de l'électricité (CSPE), qui représente près de 5 % de la facture des particuliers. 5 % (et donc bientôt plus) de notre facture d’électricité sert à subventionner de l’éolien qui défigure nos paysages et des panneaux solaires achetés en Chine. C’est Ubu Roi. Grâce à son parc nucléaire, la France disposait d’un avantage comparatif par rapport à ses concurrents, elle est en train de le perdre, « la faiblesse relative des prix du courant constitue traditionnellement un des rares atouts compétitifs des entreprises françaises. S'il disparaît peu à peu, la désindustrialisation risque de s'accentuer. » Bravo !

Le gouvernement ouvre la voie à une nouvelle hausse des prix de l'électricité, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 20 octobre 2010

Nassim Taleb, l’auteur du Cygne noir, de passage à Paris

Nassim Nicholas Taleb était de passage à Paris, le 13 octobre 2010, dans le cadre des « Grands rendez-vous de L’Expansion ». Le livre qui l’a rendu célèbre, Le Cygne noir (2,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde), sort en poche, et celui qui se définit comme « philosophe des sciences du hasard » publie un autre ouvrage qui prolonge ses réflexions, Force et fragilité, toujours aux Belles lettres. Reprenons quelques unes des idées qu’il a développées au cours de cette conférence.

Fragile/robuste
Taleb est franchement pessimiste, la crise de 2008 ne constitue selon lui qu’un « prélude »… Notre économie devient en effet de plus en plus « fragile ». Comment comprendre cette notion ? L’optimisation, l’efficacité, l’efficience se payent par un accroissement de la fragilité, le Kindle d’Amazon permet d’emporter avec soi des centaines de livres, mais si on renverse son café dessus ou si on a oublié l’adaptateur pour le recharger, il devient inutilisable ; un livre est bien plus « robuste ». Donc se débarrasser de tous ses livres pour garder un Kindle constitue un choix très risqué, il vaut mieux privilégier la diversité, garder ses livres importants, tous en ayant éventuellement un Kindle. La nature gère très bien la diversité ou, terme important, la redondance, il faut s’en inspirer. Si on tue un éléphant, l’animal le plus gros, l’équilibre n’est pas bouleversé, par contre si une banque importante fait faillite (Lehman Brothers), le système financier est menacé. La redondance peut se traduire par des inefficacités au sens économique, mais elle apporte une vraie protection contre la ruine. Autre image : il y a plus de diversité écologique au mètre carré sur une île que sur un continent ; la mondialisation diminue la diversité (en favorisant la spécialisation des pays) et donc accroît le risque de crise, il faut donc chercher à maintenir une diversité économique (les pays ayant une agriculture monoproduit font une erreur), mais sans en passer par le protectionnisme, qui ne règle pas le problème sur le fond.

Le hasard moral
Un système plus redondant ne nécessite pas des réglementations supplémentaires (qui sont toujours contournées), ce n’est absolument pas incompatible avec les libertés économiques. C’est au contraire le « hasard moral », le fait que l’Etat vienne toujours à l’aide des grosses banques, qui favorise cet oubli de la ruine et la constitution de groupes financiers toujours plus vastes, et fragiles en cas de crise.

Le danger de la dette
L’augmentation de l’endettement ces dernières années s’est conjuguée à une montée de l’imprévisibilité. Le grand problème de la dette c’est qu’elle ne permet pas l’erreur. Si les prévisions (de l’entreprise ou du gouvernement) s’avèrent erronées, c’est la faillite. Alors que des actionnaires peuvent « absorber » le choc. Et les « Cygnes noirs » (événements ayant de grandes conséquences mais qui sont imprévisibles) sont nombreux ! L’éclatement de la bulle Internet en 2000 n’a pas provoqué de crise parce qu’il n’y avait pas de dette. Le théorème de Modigliani-Miller, qui valorise l’endettement, constitue à cet égard une erreur flagrante. Il faut réduire la dette à tout prix, et en passer par la conversion en actions (Debt to Equity), sinon…

La crise à venir
La salle demande à Taleb s’il prévoit plutôt de la déflation ou de l’hyperinflation, il propose une autre forme de krach : « l’hypervolatilité des prix », c'est-à-dire de la déflation mêlée à de l’hyperinflation, en l’occurrence une destruction de la valeur de ce que vous avez (l’immobilier) et une explosion des prix de ce que vous n’avez pas (nourriture, essence)… Une analyse intéressante puisque l’on observe déjà ce mouvement, mais à petite échelle, avec la baisse des prix de l’immobilier (pas vraiment en France mais c’est réel aux USA, RU, Espagne, etc) et un renchérissement des produits alimentaires. En France on met ça sur le dos de l’euro mais les causes en sont sans doute plus profondes, et inquiétantes.

Qu’est ce qui est fragile et robuste en économie ? Un tableau tiré d’une publication récente de Taleb

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

samedi 16 octobre 2010

R.I.P. Benoît Mandelbrot, 1924-2010

La nouvelle n’est pas directement liée à l’objet de ce blog, mais vous saviez sans doute que mon premier livre, Finance : le nouveau paradigme, comprendre la finance et l’économie avec Mandelbrot, Taleb… portrait principalement sur les travaux de Benoît Mandelbrot. L’inventeur des fractales étudiait en effet de près la théorie classique de la finance, celle qui est née à Chicago dans les années 60 et est enseignée dans tous les MBA du monde, et en avait montré les vices de forme. On ne l’a pas écouté. Nassim Nicholas Taleb est revenu à la charge avec son célèbre livre Le Cygne noir, avec plus de succès (2,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde), mais sans que les mentalités changent encore. Les fractales ne s’appliquent bien sûr pas qu’à la finance, elles concernent tous les domaines de la science (un récent documentaire sur Arte en montrait plusieurs applications, on espère une rediffusion). J'avais rencontré Nassim Taleb lors d'une conférence à Paris le 13 octobre (cf article) et il m'avait confié que Benoît Mandelbrot était très malade. Nous venons d’apprendre aujourd’hui son décès. Il restera comme l’un des plus grands mathématiciens de l’histoire, et son œuvre reste plus vivante que jamais.

Philippe Herlin

Finance : le nouveau paradigme, comprendre la finance et l’économie avec Mandelbrot, Taleb…, Philippe Herlin

“He Gave Us Order Out of Chaos” — R.I.P. Benoît Mandelbrot, 1924-2010, Wired

Benoit Mandelbrot, Mathematician, Dies at 85, New York Times

Benoît Mandelbrot change de dimension, Le Monde diplomatique

Benoît Mandelbrot sur Wikipedia

Le groupe Finance & Mandelbrot sur Facebook

Le documentaire sur les fractales disponible sur Dailymotion

jeudi 14 octobre 2010

Sur LCI à 17h30 !

Pour information je passe ce jeudi après-midi sur LCI de 17h30 à 18h en débat sur la dette publique avec Charles Gave dans l'émission de Michel Field.

> voir la vidéo



Philippe Herlin

mardi 12 octobre 2010

Vers un rééchelonnement de la dette grecque

On va y venir, c’est même ce qui aurait du être fait dès le début : le rééchelonnement de la dette grecque. Le FMI vient de lancer l’idée, l’Allemagne a répondu qu’il en était hors de question, les discussions s’annoncent animées. En effet Berlin, mais aussi Paris, Londres ou Rome craignent de devoir renflouer leurs banques suite aux pertes qu’elles subiraient alors sur les emprunts grecs qu’elles détiennent dans leurs comptes (de l’ordre de la quarantaine de milliards pour les banques françaises, allemandes et anglaises, selon diverses estimations). Un rééchelonnement se traduisant évidemment par une diminution de la valeur de ces créances. Mais au fait, pourquoi les banques possèdent-elles autant d’emprunts grecs ? Parce que ça rapporte plus et c’est sans risque, enfin le pensaient-elles. La Grèce, on le sait, doit offrir un taux d’intérêt supérieur au taux des emprunts allemands (même avant la crise), ça lui coûte plus cher, et ça rapporte plus à ceux qui les souscrivent, les banques. Et c’est sans risque puisque la Grèce fait partie de l’Europe et de l’euro… Erreur, on l’a vu. Les banques auraient du se rappeler qu’un des principes de base de la finance est que la rémunération et le risque augmentent de concert ; elles auraient du provisionner une partie de ces emprunts. Un rééchelonnement mesuré leur fera perdre quelques milliards, ça leur fera les pieds, et un renflouement public pourrait ne pas être nécessaire, ce serait une sortie honorable du problème grec (scénario optimiste…).

Rééchelonner la dette grecque divise ses bailleurs de fonds, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 5 octobre 2010

L'inquiétante fragilité de la dette publique française

(reprise du texte publié sur ACDEFI)
Un nouveau seuil symbolique vient d'être franchi : plus de 70 % de la dette de l'Etat (70,6 exactement) est détenue par des « non-résidents », c'est-à-dire des investisseurs étrangers. Rappelons que la dette de l'Etat s'élève à 1249,6 milliards d'euros et qu'elle constitue la plus grande partie de la dette publique (1591,5 milliards au 30 juin selon l'Insee), qui réunit également celle de la sécurité sociale et des collectivités locales. Voici un produit français qui s'exporte très bien ! Un tel succès prouve la confiance des marchés internationaux envers la signature de la France, fort bien, mais il traduit aussi une fragilité inquiétante. En cas de perte de notre fameux « AAA », la meilleure note possible que nous accordent les agences de notation, le mouvement de défiance qui s'en suivrait rendrait vite problématique le financement de l'Etat, la crise de trésorerie menacerait. Autant le gouvernement peut tenter de rassurer les souscripteurs nationaux (les grandes banques et les sociétés d'assurance), autant une banque anglaise, un fonds de pension américain, un fonds souverain du Moyen-Orient ou d'Asie n'hésitera pas à rayer la France de sa liste (d'autant que nombre d'entre eux ont l'obligation statutaire de souscrire des actifs financiers notés AAA). Cet indicateur doit être surveillé, comme le niveau de la dette lui-même. Le Japon, par exemple, est certes bien plus endetté que la France, mais seulement 7 % de sa dette figure dans des portefeuilles internationaux, ce qui lui donne une sécurité de financement bien plus grande. L'épargne française ne suffit plus depuis longtemps à financer l'endettement public et cette tendance s'accentue inexorablement, la part des non-résidents n'était que de 25 % en 1996, elle franchit la barre des 50 % en 2005, pour atteindre donc 70 % aujourd'hui. Problème supplémentaire, l'Agence France Trésor, qui gère la dette de l'Etat, refuse de rendre public le détail par pays de ces 70 %, une cachotterie qui n'est pas faite pour rassurer. Cette fragilité constitue, s'il en était besoin, une raison supplémentaire de lutter contre l'accroissement de la dette publique.

70,6 % de la dette de l'Etat détenue par les non-résidents (cf 2e tableau) dans le bulletin de septembre de l'Agence France Trésor, qui vient de sortir

Chiffre de la dette publique au 30 juin selon l'INSEE

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 30 septembre 2010

L’Espagne et l’Irlande en difficulté

Deux nouvelles inquiétantes sont tombées ce matin qui confirment que les problèmes de dette souveraine en Europe restent importants. Moody’s a fait perdre son AAA à l’Espagne (les deux autres agences avaient déjà fait de même), et l’Irlande a annoncé que le sauvetage de l'Anglo-Irish Bank coûtera plus cher que prévu. Moody’s reproche à l’Espagne la faiblesse de sa croissance et la lenteur de son ajustement budgétaire, tandis que l’Irlande est confrontée à des créances bancaires toxiques. Mais n’est-ce pas là un simple effet de loupe sur les deux maux que l’on trouve en fait dans l’ensemble des pays européens et aux Etats-Unis, à des niveaux variables certes ? Après la Grèce, le Portugal, la Hongrie, la défiance s’installe dans les pays européens « périphériques », il ne faudrait pas qu’un « grand » pays (Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie) soit touché…

Moody's dégrade la note de la dette espagnole, Le Figaro

L'Irlande menacée par le gouffre de l'Anglo-Irish Bank, La Tribune

Philippe Herlin
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mardi 28 septembre 2010

La dette sociale non merci !

Enfin les députés se rebiffent ! La CADES (l’organisme qui gère la dette de la Sécurité sociale) doit s’éteindre en 2021, la CRDS – qui la finance – ayant à cette date totalement remboursé la dette. Ceci n’est déjà qu’une prévision optimiste sur le papier, mais le gouvernement, anticipant certainement que ce sera impossible, veut rallonger la durée de vie de cette caisse de quatre ans. Plusieurs députés de la majorité s’y opposent, estimant « moralement inacceptable de faire financer nos retraites ou nos dépenses de médicaments actuelles par nos petits-enfants », bravo. Qu’une dépense d’investissement pèse sur les générations futures peut se comprendre, mais des dépenses de santé ! Espérons que ces députés l’emporteront et que, par la suite, l’équilibre des comptes sociaux devienne une obligation intangible.

Dette sociale : la majorité pourrait se rebeller, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 24 septembre 2010

L’Allemagne sur la voie de l’Irlande ?

Il ne faudrait pas, il ne faudrait vraiment pas qu’il arrive à l’Allemagne la même mésaventure qu’à l’Irlande. Comme nous l’expliquions dans cette note, l’Irlande a réagit rapidement à la crise de 2008 en restreignant ses dépenses publiques tout en maintenant sa compétitivité. A l’opposé de la Grèce, qui a triché sur ses comptes et qui ne s’est jamais vraiment souciée de lutter contre la fraude et la corruption, l’attitude de l’Irlande semblait assurément s'avérer payante. Malheureusement tous ces efforts sont quasiment réduits à néant par la faute d’une banque (la Anglo Irish Bank) qui nécessite un renflouement massif, de plusieurs dizaines de milliards d’euros ; désormais les marchés doutent de la capacité de Dublin à faire face à ses échéances. Pareillement l’Allemagne a su garder le contrôle de ses finances publiques et elle s’achemine vers l’équilibre, sans avoir recours à des augmentations d’impôts (même pas déguisées comme le rabotage des niches en France). Cependant on apprend qu’Hypo Real Estate étudie le transfert dans une « bad bank » de 200 milliards d’actifs toxiques et qu’elle aurait besoin de 40 milliards d’argent frais. Et Hypo Real n’est pas la seule banque mal en point en Allemagne. Un renflouement massif de plusieurs banques ferait replonger les comptes publics allemands, avec tous les risques que cela comporte en termes de confiance, et de répercussions sur l'Europe. A éviter !

L’UE doute de l’avenir d’Hypo Real, Reuters

Séquence pub : "un livre qui va faire du bruit", La Lettre des placements

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 21 septembre 2010

FESF : toujours plus de dette publique!

Le Fonds européen de stabilisation financière (FESF), dont nous avions parlé dans cette note, vient d’obtenir le AAA de la part des trois agences de notation. Mis en place en mai dernier pour venir en aide à un pays ne pouvant plus faire face à sa dette, il pourra donc emprunter sur les marchés au meilleur prix, jusqu’à 750 milliards d’euros (440 pour les pays européens, 310 pour le FMI). « Le fonds de stabilité n’a pas besoin d’emprunter » s’est aussitôt empressé de déclarer son directeur général, Klaus Regling. Ce fonds, doit-on comprendre, aurait donc surtout une valeur dissuasive, il doit rassurer les investisseurs qui achètent de la dette grecque, portugaise ou irlandaise, en leur garantissant d’être remboursé en cas de défaut de l’un de ces pays. Ca semble séduisant, efficace, mais concrètement – en cas de défaut de l’un de ces pays – on ne fait que reporter le problème, de la dette souveraine vers une dette européenne, soit toujours plus de dette publique ! Une fuite en avant risquée. Ce fonds c’est un peu comme l’arme nucléaire, tant que sa valeur dissuasive reste intacte c’est parfait, mais s’il doit être utilisé, attention aux dégâts !

Le Fonds européen noté AAA, Le Figaro

Le Fonds de stabilité (FESF) n'a pas besoin d'emprunte, Reuters

Rajout : cet article du Monde parle de "la garantie irrévocable et inconditionnelle donnée par les Etats participants"... rien de tel pour enclencher une crise systémique !

Philippe Herlin
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vendredi 17 septembre 2010

Grèce : rien n’est réglé

Comme nous l’indiquions dans cette note, la Grèce n’a pas retrouvé la confiance des marchés. Même si elle lève avec succès des emprunts, ceux-ci sont uniquement à court terme, et pour une raison bien simple : le plan d’aide européen mis en place en mai dernier a une durée de trois ans, les investisseurs sont donc certains d’être remboursés par ce fonds si Athènes fait défaut sur des émissions parvenant à échéance avant 2013. Mais après ? Personne ne s’y risque. Le Wall Street Journal croit savoir que le FMI (qui participe déjà au plan d’aide européen) prendrait le relais après 2013, car la situation s’avère intenable : « Certains analystes n'excluent pas que la menace de faillite ressurgisse en 2013, au terme du prêt de la zone euro et du FMI. Tant qu'ils ne seront pas persuadés que ce pays ne restructurera pas sa dette colossale, une décision qui impliquerait une suspension de paiement, les investisseurs refuseront à Athènes des prêts à long terme, jugés trop risqués. Ce refus oblige la Grèce à multiplier les levées de fonds et les remboursements à court terme, la soumettant à une pression permanente des marchés. »

Grèce : vers une nouvelle aide (WSJ) ? Le Figaro

Philippe Herlin
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mercredi 15 septembre 2010

Budget 2011 : effets d’annonce

Dans une interview au Figaro, Christine Lagarde présente le budget 2011. Le journaliste lui demande comment passer d’un déficit budgétaire de 8 % du PIB à 6 %, la ministre de l’économie lui répond très concrètement : « Passer de 8 % à 6 % nécessitera de réduire de 40 milliards d'euros les déficits publics. Le retour de la croissance apportera mécaniquement 7 milliards. Les mesures de relance, qui figuraient dans le budget 2010 et ne seront plus dans celui de 2011, représentent près de 16 milliards. Quant à la réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention annoncée par le président de la République, elle permettra, ajoutée aux autres mesures d'économies, 7 milliards d'économies. Restent 10 milliards à prendre sur les niches. » On a donc affaire à deux hypothèses optimistes (la croissance – prévue à 2 % ! – qui apportera 7 milliards, et 10 milliards à trouver sur les niches, bon courage !), une déclaration de principe qui reste à vérifier (la réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention), et 16 milliards d’économie provoqués par la fin du plan de relance (on fait une dépense exceptionnelle en période de déficit massif, comme ça quand on l’arrête on diminue facilement le déficit de plusieurs milliards… c’est comme le mec qui se promène dans le désert avec une portière de voiture, « oui mais quand j’ai chaud je peux baisser la vitre »). Et justement comment fera le gouvernement en 2012 pour arriver à 3 % de déficit par rapport au PIB, comme il s’y est engagé ? Ces 16 milliards d’économie ne pourront pas être renouvelés, la croissance sera toujours aussi molle, et aller repiquer 10 milliards dans les niches fiscales s’avèrera extrêmement difficile. Mais déjà pour 2011, qui peut croire qu’au 31 décembre ces 40 milliards d’économie auront été effectivement trouvés ? Pour 2012 n’en parlons même pas, nous serons en pleine élection présidentielle, le budget sera un élément secondaire de la campagne électorale. Le plus grave, nous l’avons déjà dit, c’est l’absence de toute réforme structurelle afin de diminuer la dépense publique et de relancer la croissance. Pire, on continue les projets débiles et hors de prix comme les éoliennes en mer qui produiront une électricité huit fois plus chère que les centrales nucléaires !

Christine Lagarde dévoile le budget 2011, Le Figaro

Le gaspillage des éoliennes en mer, Les Echos/Le Cercle

Philippe Herlin
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lundi 13 septembre 2010

L’Irlande dans la tourmente

Nous avions expliqué dans cette note (« L’Irlande n’est pas la Grèce ») que la situation de l’Irlande s’avérait moins grave que celle de la Grèce, notamment parce qu’elle avait entreprit très rapidement après la crise de septembre 2008 un programme de réduction des dépenses publiques. Cependant tous ces efforts risquent d’être remis en cause par les pertes abyssales que connaît la troisième banque du pays, la Anglo Irish Bank (déjà 22,9 milliards d’euros lui ont été versés par Dublin !). Mais il ne faudrait pas pour autant se focaliser uniquement sur l’Irlande dont les vicissitudes doivent nous rappeler que les banques européennes restent encore fragiles et que les séquelles de la crise sont encore présentes dans leurs bilans. Il suffit de voir leur levée de bouclier face aux nouvelles normes de Bâle III, recommandant un renforcement des fonds propres, pour mesurer la fragilité qui est encore la leur. Et ce ne sont pas les stress tests de juillet dernier (qui font l’impasse sur les engagements en dette souveraine) qui vont nous rassurer. Finalement si les gouvernements européens cherchent à diminuer leurs déficits budgétaires aussi rapidement, c’est pour dissiper l’inquiétude des marches bien sûr, mais aussi peut être pour se donner des marges de manœuvre suffisantes en cas de seconde crise bancaire (y compris en Allemagne d’ailleurs).

La zone euro recommence à manquer d'"Eire", Le Monde

Anglo Irish Bank, la banque qui menace l'Irlande, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 10 septembre 2010

Un responsable de la BCE met les pieds dans le plat

A rebours des paroles consensuelles des gouvernements européens et des autorités américaines, Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, met les pieds dans le plat et nous avertit du danger des déficits budgétaires et de la dette publique. Il dénonce la création d’une bulle obligataire formées par les relations endogamiques entre les Etats et les banques : « Avec l'accroissement de la dette publique à des niveaux inconfortables, les institutions financières nationales risquent d'être 'encouragées', sinon contraintes, de détenir de la dette souveraine du pays dans leurs portefeuilles ». La faiblesse des rendements obligataires traduisant ce « deal » (l’Etat, par sa banque centrale, prête l’argent quasi gratuitement aux banques, en échange elles achètent sa dette ; tout le monde y gagne mais c’est une bulle qui risque d’éclater un jour). Une crise de la dette serait selon lui imminente, et les conséquences en seraient catastrophiques : « En raison du rôle de prêteur en dernier ressort des pays industrialisés à leur propre système financier, comme cela a été confirmé par cette crise, un problème d'endettement au niveau des Etats paralyserait l'économie dans son ensemble ». Ce serait la ruine (comme je l’explique dans mon livre, séquence pub). La question c’est pourquoi cette déclaration par cette personne (membre du directoire de la BCE on le rappelle) maintenant ? A-t-il d’autres informations sur cette « imminence » ?

Bini Smaghi: des rendements obligataires faibles ne sont pas rassurants, DJ

Une crise de la dette "imminente" (BCE), Le Figaro
(pendant que j’écrivais l’article, le titre de la news a changé… regardez l’url)

Rajouts du 11/9 :
La BCE réfléchit au scénario du pire, Le Figaro

Les Américains croient au scénario de la récession, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 9 septembre 2010

La sécu en mal de réformes

Le rapport sur la Sécurité sociale que vient de rendre la Cour des comptes confirme une vérité que les dirigeants politiques refusent d’accepter : le retour de la croissance ne suffira pas à rééquilibrer les comptes (27 milliards de déficit prévu pour 2010). Il en va de même pour les comptes de l’Etat. Et en plus, ce « retour de la croissance » s’avère plus qu’hypothétique vu la faiblesse de ce que l’on n’ose qualifier de reprise… Seule solution : les réformes structurelles. La Cour des comptes pointe les exonérations de charge sociales insuffisamment compensées par l’Etat, soit autant de déficit en plus pour la sécu ; ces exonérations sont sensées aider l’emploi mais nul, au gouvernement comme à la Cour qui s’est penchée sur le problème, ne parvient à en mesurer l’efficacité, et on soupçonne surtout un effet d’aubaine. Les sages de la rue Cambon dénoncent également les progrès de productivité insuffisant des hôpitaux, qui représentent la moitié des dépenses de l’assurance maladie. Mais on n’abordera pas ces dossiers minés avant la présidentielle, encore deux ans de perdu.

Des mesures anti-déficits pour la Sécurité sociale, Le Figaro

> Par ailleurs c’est aujourd’hui, ce 9 septembre, que sort mon livre « France, la faillite ? »

Philippe Herlin
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lundi 6 septembre 2010

Prémonitions ?

La banque d’affaires Lazard aurait-elle quelques prémonitions ? Elle vient en effet d’embaucher Pierre Cailleteau (dont nous avions parlé dans cette note), le responsable du risque souverain de Moody’s, c’est à dire celui qui, au sein de la première agence de notation au monde, s’occupait de noter les Etats. Dont la France bien sûr. Lazard est en train de se faire une place sur ce créneau, c’est actuellement la banque conseil de la Grèce pour sa dette. Elle « renforce son activité de conseil aux gouvernements » (nous dit une dépêche AFP), autrement dit elle prévoit des difficultés croissantes pour les pays endettés…

Pierre Cailleteau rejoint Lazard, L’Agefi

Philippe Herlin
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jeudi 2 septembre 2010

LIVRE : France, la faillite ?

En exclusivité pour les lecteurs de ce blog, je me permets de vous présenter le livre que je publie le 9 septembre chez Eyrolles : France, la faillite ? Ce blog sert de base au livre mais, vous le constaterez, la plupart des informations et des analyses sont inédites.

France, la faillite ? sort le 9 septembre, vous pouvez dès maintenant le réserver auprès de votre libraire ou le commander sur Internet. Bien évidemment, tous vos commentaires sont les bienvenus !

Plan détaillé, dédicace, etc :
http://www.philippeherlin.com/france_la_faillite.htm

Philippe Herlin
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mercredi 1 septembre 2010

La dette des HLM : 90 milliards !

Un rapport de la Mission interministérielle d'inspection du logement social nous apprend que des organismes HLM ont abusé d’emprunts toxiques, pour un montant total de 8 milliards d’euros. Les bailleurs sociaux veulent attaquer en justice les banques qui leur ont proposé de tels produits, mais s’il y a de la cupidité chez banques, il existe aussi une bonne dose d’incompétence chez ces responsables gérant des fonds aussi importants… On apprend au passage que les organismes HLM sont globalement endettés à hauteur de 90 milliards d’euros ! Ce chiffre est-il comptabilisé dans la dette publique de la France (1535 milliards au 31 mars 2010, « au sens de Maastricht », la norme européenne) ? A notre connaissance non. Voici donc de la dette publique masquée (comme les hôpitaux publics, endettés à hauteur de 20 milliards), c'est-à-dire de la vraie dette publique (l’Etat est le débiteur en dernier ressort) mais, en jouant habilement de la réglementation, non décomptée. C'est ce qu’on pourrait appeler de la « finance publique toxique »…

Des HLM empoisonnés par les produits financiers toxiques, Le Figaro

Philippe Herlin
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mardi 31 août 2010

L’art de coincer les gens

La fiscalité c’est un peu l’art de coincer les gens : vu que la retraite par répartition n’est qu’une promesse très approximative sur les montants qui seront effectivement versés (et que le gouvernement n’a pas voulu introduire une dose de capitalisation), les Français investissent massivement dans l’immobilier et dans l’assurance-vie pour se constituer un capital pour leurs vieux jours. 14,5 millions d’entre eux, pour un montant total de 1400 milliards d’euros, ont souscrit à ces contrats. Et maintenant que le gouvernement fait face à des déficits abyssaux, il taxe l’assurance-vie, trop facile ! Ces nouvelles taxes révèlent en outre quelque chose de plus inquiétant : leurs produits n’alimenteront pas le budget de l’Etat mais celui de la CADES, la caisse chargée de rembourser la dette de la Sécurité sociale. Autrement dit, le gouvernement abandonne définitivement l’idée d’équilibrer un jour les comptes de la sécu et va piocher à droite et à gauche (aujourd’hui dans l’assurance-vie, ailleurs demain). Au nom de quoi, en effet, l’épargne des Français devrait financer la Sécurité sociale ? Face à la dérive des déficits (Etat + sécu), l’épargne devient un magot de plus en plus tentant pour le gouvernement…

La taxation de l'assurance-vie va être durcie pour rembourser la dette sociale, Les Echos

Philippe Herlin
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vendredi 30 juillet 2010

Re-crise

Il n’y a pas de reprise, nous l’avons déjà dit (voir cette note), les plans de relance n’ont servi à rien, mais la dette publique va rester et peser de plus en plus lourd. Dans une intéressante analyse, l’économiste Martin Feldstein montre ce qui se cache derrière les chiffres de « croissance » du PIB américain : des effets d’inventaire, des aides à l’automobile et à l’immobilier… (le tiers de la croissance du PIB américain au 3e trimestre 2009 provient de l’augmentation de la production automobile due à une prime gouvernementale). Ces effets s’épuiseront, le gouvernement américain ne peut pas « relancer » indéfiniment, et la crise reviendra. Cet automne ? Peut être plus sûrement en janvier 2011, lorsque prendra effet toute une batterie de hausse d’impôts et de taxes, les entreprises et les consommateurs dépensant « relativement » plus d’ici là, avant de se serrer la ceinture le 1er janvier, ainsi que l’explique Arthur Laffer. « Lorsque nous passerons la date fiscale limite du 1er janvier 2011, mon hypothèse numéro un est que le train va dérailler et que nous allons connaître notre pire cauchemar, celui d’une forte "récession dans la récession" » explique-t-il. L’Europe sera prise dans le train évidemment, avec possiblement une certaine atténuation cependant. Mais le PIB va reculer, ou au mieux stagner, tandis que la dette publique continuera d’augmenter, sous l’effet de son propre poids et de celui des déficits budgétaires. Les pays qui limiteront les dégâts sont ceux qui ont déjà commencé à réduire leurs dépenses publiques, et la France n’en fait pas partie.

L’avenir dissimulé de l’économie américaine, Martin Feldstein, Project Syndicate

Pourquoi la crise économique va rebondir en 2011, Arthur Laffer, Contrepoints

Philippe Herlin
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jeudi 22 juillet 2010

Un financement à haut risque…

Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises le fait que la détention de la dette publique par les « non-résidents » (les investisseurs étrangers) constitue un indicateur crucial (voir cette note par exemple). Plus le pourcentage est élevé, plus on dépend de l’étranger, plus une crise de confiance s’avère grave et peut très vite mener à l’impossibilité pour l’Etat de se refinancer, c’est à dire à sa banqueroute. Pour la dette de l’Etat (1228 milliards d’euros, qui représente 80 % de la dette publique, pour laquelle il faut rajouter la sécu et les collectivités locales) le dernier chiffre disponible est de 69,4 % (voir le dernier bulletin mensuel de l’AFT, page 1). Près de 70 % de la dette de l’Etat est détenue par des non-résidents, 10 points de plus qu’en 2007 ! Cette dépendance devient vraiment dangereuse, mais il y a pire. La dette de l’Etat se répartit entre dette à long terme (les OAT, 781 milliards d’euros, page 9) et dette à court terme, de moins de deux ans (BTAN et BTF, 240 et 207, soit 447 milliards, 36,5 % de la dette totale, page 10). On a le pourcentage de détention par les non-résidents pour la dette totale (69,4 % on l’a vu), pour les OAT (62 %, voir page 4), mais pas pour la dette à court terme… calculons-le :
781 . 0,62 + 447 . x = 1228 . 0,694 ; soit x = 0,82
Ainsi la dette à court terme (moins de 2 ans) de l’Etat est détenue à 82 % par des non-résidents !!! Une perte de confiance sur la dette française, ou une perte du AAA, aurait ainsi des conséquences d’autant plus graves que le financement de l’Etat à court terme dépend quasi exclusivement d’investisseurs internationaux. La dette de l’Etat est vraiment sur la corde raide…

Le bulletin de juillet 2010 de l’Agence France Trésor (AFT)

Philippe Herlin
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mardi 20 juillet 2010

L’Irlande n’est pas la Grèce

L’Irlande a vu la note de sa dette dégradée hier par Moody’s (de Aa1 à Aa2) mais il ne faudrait pas en conclure ce pays constitue une nouvelle Grèce. Le gouvernement irlandais à en effet immédiatement pris conscience de la gravité de la crise, au lieu de tergiverser comme le gouvernement grec (voir cette note), et a mis en place un plan drastique de réduction des dépenses publiques dès le début de l’année 2009, soit un an avant la Grèce. Il n’y a pas eu non plus de dissimulation sur les chiffres officiels du budget, et l’économie irlandaise bénéficie d’un meilleur potentiel de croissance. Résultat, la confiance des marchés ne s’est jamais évanouie. Ce matin l’Irlande a ainsi levé 1,5 milliards d’euros sur des échéances de 6 à 10 ans sans aucun problème, ce qui témoigne d’une bonne crédibilité à long terme et s’avère donc très rassurant. Au contraire, la Grèce est toujours incapable de lever de l’argent autrement que sur des échéances courtes, c'est-à-dire couvertes par le plan d’aide européen, le Fonds européen de stabilisation financière (FESF), dont l’action est garantie sur les trois années à venir, mais pas après. L’Irlande s’en sort toute seule alors que pour la Grèce, dans trois ans, il faudra remettre au pot…

L'Irlande a placé avec succès 1,5 milliard d'euros d'obligations, L’Agefi

Philippe Herlin
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vendredi 16 juillet 2010

Ironie chinoise

Se consacrant jusque-là uniquement aux entreprises, l’agence de notation chinoise Dagong Global Credit Rating a réussi un beau coup de pub pour annoncer qu’elle se mettait à noter les Etats : elle a fait perdre leur AAA aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et à la France ! Effet d’annonce ? En partie bien sûr, mais analyse lucide également tant la situation budgétaire de ces pays est dégradée. Nous avions formulé dans cette note l’hypothèse que les agences de notations (Standard & Poor’s, Moody’s, Fitch), toutes trois américaines (même si Fitch est détenue par le groupe français Fimalac), ne dégraderaient pas, sauf en dernière extrémité, les USA et le RU pour des raisons de « géopolitique économique » : elles ne peuvent pas se mettre à dos la première puissance mondiale (qui d’ailleurs, dans sa réforme financière tout juste adoptée, va créer un bureau au sein de la SEC pour les surveiller…) et la première place financière mondiale, Londres. L’agence chinoise n’est bien sûr pas soumise à ces contraintes et elle le signifie avec une ironie mordante. Dans le même temps elle place la dette de la Chine au plus haut niveau, aux côtés de l’Allemagne, bien sûr (vive la discipline du parti unique !). Alors qu’attend la Coface pour faire de même et, pour rigoler, dégrader la note des USA et du RU, tout en maintenant évidemment le AAA de l’excellente dette publique française ?

La note française dégradée par une agence chinoise, Le Figaro

Philippe Herlin
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jeudi 15 juillet 2010

Normalisation ?

Klaus Regling, un nom à retenir, c’est le directeur du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) qui a pour objectif de soutenir tout pays de la zone euro qui connaîtrait des problèmes avec sa dette souveraine, il s’agit du fonds créé dans l’urgence le 10 mai dernier et doté potentiellement de 750 milliards d’euros. « Tout indique que la situation se normalise en Europe » déclare-t-il dans une interview des Echos. C’est un fait, la Grèce a réussi à placer un emprunt. Mais il s’agit d’une amélioration en trompe l’œil : le fonds a un horizon de trois ans, donc sur les échéances courtes il n’y a pas de risque pour les investisseurs, et effectivement l’emprunt qu’a émis la Grèce est à six mois, mais au-delà ? Au-delà il faut une nette réduction des déficits publics et de la croissance économique, c’est ce que surveillent les marchés, en Grèce, au Portugal, en Espagne, ou en France. Le FESF offre un répit mais guère plus. Il comporte même, on l’a déjà dit (voir cette note), un risque systémique pour la zone euro, parce que créer de la dette pour régler un problème de dette ne constitue pas une solution ! En plus Klaus Regling n’est même pas certain d’obtenir le AAA pour le SFEF, il y a des « discussions en cours avec les agences ». On imagine, un fonds mal noté pour soutenir des Etats en faillite…. Il s’agit juste d’un répit.

Interview de Klaus Regling, directeur du SFEF, Les Echos

Zone euro : bonne réponse pour les adjudications souveraines, Les Echos

Philippe Herlin
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samedi 10 juillet 2010

Le scandale Aurélie Boulet

La réduction des dépenses publiques est-elle mission impossible en France ? Sans doute oui si l’on en juge par l’édifiante affaire Zoé Shepard, ou plus exactement Aurélie Boulet. Cette fonctionnaire du Conseil régional d’Aquitaine a en effet publié un livre (sous pseudonyme et en prenant soin d’empêcher l’identification de son lieu de travail et de ses collègues) dans lequel elle dénonce l’immobilisme, l’incompétence, et la productivité déplorable de ses collègues fonctionnaires. Malgré ses précautions elle a été identifiée et est passée devant la commission de discipline du Conseil régional qui l’a condamnée à deux ans de suspension sans traitement ! Une mesure d’une exceptionnelle sévérité. Le président de région Alain Rousset a un mois pour confirmer ou infirmer cette décision honteuse qui démontre que la corporation des fonctionnaires fait passer ses intérêts avant tout le reste et que le sempiternel « service public » n’est qu’un rideau de fumée. Les fonctionnaires motivés et qui veulent travailler, et ils sont nombreux, savent maintenant ce qu’ils leur reste à faire, faire profil bas et éviter toute suggestion visant à améliorer les choses, au risque de passer pour des trouble-fêtes, et d’être sanctionnés ! Sur le plan des principes, cette affaire n’est pas moins grave que l’affaire Bettencourt-Woerth, bizarrement les médias en parlent beaucoup moins… Ah oui c’est vrai, la fonction publique française, que le monde entier nous envie, est intouchable.

Fonction publique : sanctionnée pour avoir dit la vérité, Le Figaro

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Philippe Herlin
© La dette de la France .fr