jeudi 29 avril 2010

Et maintenant l’Espagne…

C’est maintenant au tour de l’Espagne de voir sa note dégradée. Pendant ce temps, l’aide dont aurait besoin la Grèce est chiffrée à 120 milliards d’euros sur trois ans, si l’on rajoute des plans de soutien au Portugal et à l’Espagne, voici une démonstration par l’absurde de l’impossibilité d’une telle option. Qui paiera en effet ? L’Allemagne, la France, l’Italie (à moins que cette dernière ne subisse également la défiance des marchés), cela dépasse leurs capacités. Et pour quel résultat ? Simplement repousser les échéances, et menacer l’ensemble des pays de la zone euro si ces pays font défaut. Le problème de fond réside dans le manque total de crédibilité des plans de rigueur de ces pays, qui n’aboutissent qu’à faire stagner les dépenses publiques tout en espérant un retour de la croissance qui ramènera le déficit budgétaire sous les 3 % du PIB vers 2012 ; un doux rêve. C’est aussi ce que veux nous faire croire le gouvernement et, si l’on en croit un sondage, les Français ne s’y trompent pas puisque 75 % d’entre eux pensent que nous pourrions connaître une situation comparable à la Grèce. Ils ont malheureusement raison.

Après le Portugal, Standard & Poor's dégrade à son tour l'Espagne, Les Echos

Les besoins de financement de la Grèce réévalués à plus de 100 milliards d'euros sur trois ans, Les Echos

Un défaut de paiement de la Grèce serait très coûteux, Les Echos

La France pourrait vivre une crise grecque, selon 75% des Français

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 27 avril 2010

Et maintenant le Portugal…

La crise grecque est encore loin d’être résolue que déjà le Portugal se rappelle à notre bon souvenir, même si l’on savait depuis longtemps qu’il serait le prochain sur la liste. Comme pour la Grèce, son plan de rigueur ne convainc pas les marchés, il consiste en un gel des salaires des fonctionnaires pendant quatre ans, le remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la suppression ou le plafonnement d'aides sociales et de déductions fiscales (tiens, le même programme qu’en France, qui donne des résultats à peu près nuls). Bon point cependant par rapport à la Grèce, les autorités ont l’air plus conscientes de la nature du problème, comme en témoigne Paulo Mota Pinto, le président de la Commission parlementaire des finances : « Le grand problème n'est pas financier, mais économique. Nous n'avons pas profité de l'entrée dans l'Union européenne pour gagner en compétitivité. Les coûts salariaux ont augmenté plus vite que la productivité. C'est ça l'erreur, pas l'entrée dans l'euro ». Bien vu, c’est la même chose en Grèce, en Espagne, en Italie, et en France bien entendu (et à l'inverse de l'Allemagne précisément). C’est d’abord la productivité et la croissance qu’il faut restaurer, plutôt que de se cantonner à un discours comptable d’autopersuasion, avant d’être mis à terre par les marchés. C’est sur ce point là qu’il faudrait agir, dès maintenant, parce que lorsque que les marchés se défieront des bons du Trésor de ces pays, il sera trop tard.

Les marchés s'attaquent au Portugal, Le Figaro

La fragilité économique et politique du Portugal fait craindre que le pays soit la prochaine cible des marchés, Le Monde

Addendum 17h30 : La note souveraine du Portugal dégradée

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 23 avril 2010

« La crise grecque tourne au cauchemar » (Les Echos)

On adore Goldman Sachs, la banque américaine vient en effet d’annoncer que la Grèce pourrait « restructurer » sa dette, elle est en effet bien placée pour en parler puisque c’est elle qui a mis en place le mécanisme pour en masquer l’ampleur (voir cette note) ! Bravo l’artiste. Restructurer sa dette c'est-à-dire, concrètement, faire défaut et dire à ses créanciers « bon les gars, je ne peux pas vous payer, mais je le ferai plus tard, et pour une partie seulement, je sais c’est énervant mais vous n’avez pas le choix, mais venez quand même passez vos vacances en Grèce, ça nous aidera ». L’office européen des statistiques revoit le déficit budgétaire à la hausse, Moody’s dégrade la note grecque d’un cran, les taux d’intérêt exigés par le marché pour acheter cette dette battent des records, tout comme les CDS… Ca va de mal en pis. Mais le ministre des finances grec juge « absurde » une restructuration de la dette, jusqu’au jour où il ne pourra pas faire autrement. Les 45 milliards d’aide promis (30 milliards pour l’Europe, voir la note précédente, et 15 pour le FMI) serviraient-ils à quelque chose ? Non, le problème est plus profond (compétitivité de l’économie, crédibilité des statistiques nationales, volonté politique, contre-exemple : l’Irlande, affichant des déficits comparables mais prenant le problème à bras-le-corps). Alors que faire ? Demander à Goldman Sachs de restructurer la dette grecque, ils feront ça très bien.

La Grèce pourrait décider de restructurer sa dette, selon Goldman Sachs, Les Echos

Les derniers chiffres du déficit grec affolent les marchés et font chuter l'euro, Les Echos

La dette grecque ramenée au rang des plus risquées au monde, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 21 avril 2010

3,9 milliards d’euros jetés par les fenêtres

Et voilà, le plan délétère que nous dénonçons ici depuis le début se met inexorablement en place, le gouvernement français vient de faire un projet de loi de finance rectificative, rien que ça, pour prêter 3,9 milliards d’euros à la Grèce, si elle le demande. D’autres pays européens devraient prochainement prendre des engagements comparables, de façon à atteindre les 30 milliards d’euros… Cet argent sera prêté à 5 % sur trois ans. Actuellement, sur cette échéance, la Grèce emprunte à environ 7,5 %, ce qu’elle considère comme prohibitif, mais à 5 %, pas de problème, autrement dit à 2,5 % d’écart, soit la Grèce tombe en faillite, soit elle s’en tire ! Comment croire ces balivernes ? La vérité c’est qu’il sera beaucoup plus facile pour la Grèce de faire défaut sur ces emprunts (au nom de la « solidarité européenne ») que sur les autres, souscrits par des fonds de pensions US, des fonds souverains, des banques européennes, beaucoup plus « hargneux » pour défendre leurs droits. L’Etat, ce n’est pas son argent, c’est celui des impôts, le vôtre ! Pas grave.

Grèce : Paris prêt à débourser 3,9 milliards d'euros, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 20 avril 2010

La Grèce veut jouer à qui perd gagne

La Grèce vient encore de réussir à placer sa dette, mais à quel prix ! Le double du taux habituel : 3,65 % au lieu de 1,67 pour la même opération en janvier dernier. Il s’agit d’un prêt à trois mois, autrement dit servant simplement à repousser les échéances. Et pendant ce temps, le gouvernement grec négociera avec ses partenaires européens des prêts garantis et moins coûteux prévus par le plan d’aide européen. Pourquoi se gêner ? Ce serait, nous le disons ici depuis le début, mettre le doigt dans un engrenage dangereux, transformant potentiellement la crise grecque en crise européenne, engageant des ressources qui manqueraient plus tard, y compris pour la France si elle devait perdre son triple A. Les Grecs payent les erreurs du passé, les leurs, pourquoi se substituer à eux ? Leurs statistiques publiques ont été falsifiées, et ne sont pas plus crédibles aujourd’hui, qu’ont-ils fait pour garantir le sérieux et l’indépendance de leur comptabilité publique ? Rien. Principe de précaution : attendons d’avoir les vrais chiffres pour décider quoi que ce soit…

La Grèce emprunte à un taux prohibitif, Le Figaro

Les taux de la dette grecque à un plus haut niveau historique, La Tribune

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 16 avril 2010

Le Cassandre LEAP

Parmi les différents Think tanks européens, le LEAP (Laboratoire européen d’anticipation politique) a pour particularité d’adopter un ton catastrophiste peu en usage dans le secteur, mais aussi, malheureusement pour nous, d’avoir souvent raison. Dès 2006 il prévoyait ainsi une crise immobilière aux Etats-Unis et un krach boursier (voir ces analyses)… Sa dernière note concerne l’endettement public et anticipe un déplacement de la crise sur le Royaume-Uni et les Etats-Unis, rien que ça. La crise grecque annonce, selon eux, moins une crise de l’euro qu’une crise générale de la dette souveraine, ce qui dans l’échelle du pire se situe encore au-dessus. Il faudra être attentif aux résultats des élections au Royaume-Uni le 6 mai prochain (y aura-t-il une majorité claire ? parce que sinon…) ainsi que, même si l’étude n’en fait pas mention, des élections dans plusieurs länder allemands trois jours plus tard, le 9 mai. L’attente de ces élections «fige» quelque peu les choses pour le moment, après l’histoire va reprendre son cours.

Crise systémique globale / USA-UK, LEAP

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

samedi 10 avril 2010

Le risque systémique

Fitch a dégradé vendredi la note de la dette grecque à BBB-, c'est-à-dire juste un cran au-dessus de l’investissement «spéculatif», ou pourri si on préfère (voir ce tableau). Et cinq grandes banques grecques ont dans le même temps vu leur note également dégradée. Maintenant l’Europe serait prête, nous dit-on, à prêter de l’argent à la Grèce : c’est très intelligent, si elle fait défaut on se retrouve dans une crise systémique au niveau européen ! Et d’autres pays vont suivre, «l’Italie n’est pas la Grèce» vient de déclarer Jean-Claude Trichet, merci de cet aveu. Nous le disons depuis le début, seul un mécanisme de type FMI (ou le FMI lui-même) peut nous sortir de cette crise en obligeant les Etats impécunieux à faire le réformes nécessaires, alors que tout mécanisme de solidarité porte en germe le risque systémique.

Grèce: après la note du pays, Fitch dégrade celle de cinq grandes banques, AFP

L'Europe prête à offrir son aide d'urgence à la Grèce, Le Figaro

> Autrement, pour information, je publie «Finance : le nouveau paradigme» chez Eyrolles, je n’y parle pas de dette publique proprement dite mais de finance et d’économie, ce qui ne devrait tout de même pas manquer d’intéresser les lecteurs de ce blog.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 8 avril 2010

Crise grecque, un nouveau palier

Un nouveau palier est franchi dans la crise grecque : les particuliers commencent à retirer leur argent (10 milliards d’euros), ce qui fragilise le système bancaire grec (et européen, en particulier français), et les taux d’intérêt sur la dette battent des records. On n’est pas loin de la débandade, de la crise de confiance, et du défaut de paiement. On en a la confirmation, l’accord signé à Bruxelles le 25 mars (lire cette note) n’a aucun effet. Au niveau où on en est, n’importe quel accord, même de plusieurs dizaines de milliards, ne servirait à rien. Ce qu’il faut c’est rétablir la confiance, en premier lieu le gouvernement grec. En annonçant qu’il souhaite prochainement s’endetter en dollars (voir notre note précédente), il a envoyé le plus mauvais signe possible aux marchés : je n’ai plus confiance en l’euro ! Il s’est tiré une balle dans le pied. Au lieu de louvoyer (pleurnicher et menacer les pays européens, puis vouloir emprunter en dollars), le gouvernement grec devrait annoncer un programme clair et s’y tenir. Il ne faut plus tarder, la confiance est ce qui se perd le plus vite sur les marchés.

Grèce : le marché teste la patience de l'Europe, Le Figaro

Les Grecs au guichet pour retirer leur argent, Le Figaro

Grèce : ça va très mal finir, Paul Jorion

Grèce : inquiétude sur l'exposition des banques françaises, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 1 avril 2010

Les Grecs vont emprunter en dollars !

Ils sont amusants ces Grecs : après avoir pleuré pendant des mois auprès des pays de l’Union européenne pour soulager le poids de leur dette publique, ils viennent d’annoncer que leurs prochains emprunts se feront… en dollars ! Et ce n’est pas un poisson d’avril. Et celui qui fait cette annonce n’est autre que le responsable de l’organisme de gestion de la dette publique grecque, Petros Christodoulou, un ancien de Goldman Sachs (voir cette note) ! On peut subodorer que cette banque fera partie des intermédiaires chargés de placer ces emprunts, et touchera donc une copieuse commission, une de plus (on rappelle que c’est cette banque d’affaires qui a réalisé le montage permettant à la Grèce de masquer une partie de sa dette, voir cette note). Bien sûr, placer sa dette en dollars n’est pas dénué d’une certaine rationalité, c’est tout le marché des investisseurs américains qui s’ouvre, ceux-ci préférant acheter une obligation libellée en dollars (donc sans risque de change), alors qu’une obligation en euros peut perdre de la valeur. Mais c’est bien la peine d’invoquer l’Europe si c’est pour contribuer ensuite à renforcer le rôle du dollar comme monnaie mondiale ! Après avoir hurlé contre les « méchants spéculateurs », les émissaires grecs vont devoir aller faire la tournée des grands hedge funds et les fonds de pensions américains pour les convaincre d’acheter leurs emprunts, bon courage. Toute cette affaire est en train de tourner à la farce.

La Grèce compte emprunter en dollar US en avril-mai, Reuters

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr