Il est désormais gravé dans le marbre des critères de Maastricht, le déficit budgétaire d’un Etat européen ne doit pas excéder 3 % du PIB. Mais d’où vient ce chiffre ? Pourquoi pas 2, ou 4 %. Ou zéro ?
Il faut remonter au début des années 70. Faisons un peu d’histoire des idées économiques. Pendant les « trente glorieuses », la croissance moyenne du PIB dans les économies européennes s’établissait à 5 %. Arrive le premier choc pétrolier et la croissance tombe à environ 1-2 %. Comment réagir ? A ce moment là, les néo-keynésiens (l’école dominante à l’époque) proposent une solution toute simple : soutenir la croissance par le déficit budgétaire. Ils prévoient qu’un déficit modéré peut ramener la croissance dans la zone des 3 % (en vertu du modèle IS/LM pour les spécialistes). Comme, dans le même temps, sage précaution, il faut éviter de peser sur l’avenir et gonfler inconsidérément la dette publique, ils préconisent de limiter le déficit du budget de l’Etat à 3 % du PIB.
On est ici au cœur du raisonnement : si le déficit du budget de l’Etat s’établit, sans le dépasser, à 3 % du PIB et que, dans le même temps, ce PIB croît de 3 % par an, le poids de la dette totale de l’Etat par rapport au PIB n’augmente pas. Un déficit budgétaire qui amène suffisamment de croissance permet de stabiliser le poids de la dette publique.
Sur le papier ça marche, en réalité pas du tout, surtout si ce déficit ne sert pas à investir dans l’avenir mais plutôt (spécialement en France) à soutenir la demande par une généreuse redistribution de revenus sociaux. La croissance est en fait revenue grâce aux politiques libérales (Reagan-Thatcher), on le sait maintenant, et pas en laissant filer le déficit.
Mais on comprend tout le bénéfice politique de cette théorie : désormais un déficit budgétaire inférieur à 3 % est considéré comme vertueux ! Trop pratique pour les gouvernants qui ne veulent pas faire d’efforts ni de réformes douloureuses ! Car, en toute bonne logique, si ce modèle avait été appliqué sérieusement, la croissance, qui pendant les années 70-90 évoluait plutôt dans la zone des 1 à 2 %, aurait du amener les gouvernants à s’interdire un déficit budgétaire supérieur à 1 à 2 % ! Mais pas du tout, ils ont continué à prendre 3 % comme limite, et parfois à la dépasser, résultat la dette publique a explosé sur la période !
On passe ainsi d’une théorie économique (déjà très suspecte en soi) à du marketing politique (je suis un bon ministre des finances puisque le déficit ne dépasse pas 3 % du PIB) avant, suprême subterfuge, d'en faire un principe dans un texte de loi européen. Les critères de Maastricht auraient du fixer le déficit budgétaire à zéro, sauf en cas de grave crise ou d’investissements en infrastructures, alors que ces 3 % sont une prime à l’irresponsabilité.
Philippe Herlin
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