La Cour des comptes vient de publier son habituel rapport à l’attention du gouvernement qui prépare, en ce moment, le budget 2011 (Programmation de loi de finance) qui passera devant l’Assemblée nationale à la rentrée. Reprenons-en les extraits saillants et annonçons tout de suite la couleur, ils sont en contradiction flagrante avec l’optimisme du gouvernement (déficit ramené à 3 % du PIB en 2013) !
Il ne faut compter sur aucun retour à l’équilibre, des réformes sont nécessaires pour réduire le déficit et la dette :
« Si des mesures adaptées ne sont pas prises, le déficit public pourrait être encore très élevé en 2011, et nettement supérieur à 3,0 % du PIB en 2013. Le risque demeure que l’endettement soit de plus en plus difficile à maîtriser et freine ainsi la croissance. Le grave déséquilibre des comptes sociaux persisterait et les évolutions démographiques ne feraient que l’aggraver à long terme. » (page 2)
L’ampleur de l’effort à réaliser est de l’ordre d’un point de PIB par an (soit 20 milliards d’euros), ce qui nous semble vraiment un minimum :
« Il est en fait nécessaire de viser une réduction d’au moins 1 point de PIB par an du déficit structurel, mais en prenant des mesures de baisse des dépenses et de hausse des prélèvements obligatoires qui correspondent à un véritable « effort structurel ». En effet, en partant d’un déficit structurel de presque 6 points de PIB en 2010, seul un tel effort peut permettre de le ramener au-dessous de 3 points en 2013 et d’équilibrer les comptes en termes structurels en 2016. Un ajustement budgétaire de cette ampleur est considérable mais une douzaine de pays développés ont réalisé, à certaines périodes depuis le premier choc pétrolier, des ajustements supérieurs à 7 point de PIB (Canada, Suède, Belgique, Royaume-Uni, Finlande…). » (page 89)
Et il faut tailler dans le vif :
« Des économies à la hauteur des enjeux ne sont possibles que si des politiques publiques sont abandonnées ou si leur dimension est fortement réduite. Cela suppose des réformes structurelles lourdes qui doivent être préalablement évaluées. Encore faut-il que les évaluations ne se limitent pas à rechercher des améliorations à la marge mais remettent en question l’existence même de ces politiques et services publics. » (page 92)
La zone euro est sous tension et notre écart avec l’Allemagne s’accroît, ce qui met clairement (la Cour ne le dit pas) en péril notre AAA :
« L’endettement public met la zone euro sous de fortes tensions et les gouvernements européens se sont engagés à réduire les déficits. Le rééquilibrage des comptes publics est aussi un impératif national car la situation des finances publiques de la France est de plus en plus préoccupante. Le déficit public s’est élevé à 7,5 % du PIB en 2009, ce qui le situe au-dessus de la moyenne européenne et très loin du déficit allemand (3,3 % du PIB). Il était déjà au-dessus de cette moyenne en 2008 et il a augmenté presque autant qu’elle en 2009, malgré une récession moins forte et un plan de relance de moindre ampleur. L’écart avec l’Allemagne s’est accru. » (page 131)
Surtout que la France n’est pas crédible lorsqu’elle annonce une réduction de ses dépenses publiques. Sans effort structurel, le déficit budgétaire rapporté au PIB ne diminuerait quasiment pas d’ici 2013, une situation proprement intenable :
« La France a de nombreux atouts, mais elle a aussi de lourds handicaps, notamment une crédibilité depuis longtemps insuffisante de ses programmes de redressement des comptes publics. La mise en place de règles budgétaires plus contraignantes peut l’améliorer, mais il faut surtout rapidement mettre en œuvre des réformes à la hauteur de l’enjeu. A défaut, le déficit public pourrait être encore proche de 7 % du PIB, et celui du régime général de sécurité sociale de 30 Md€, en 2011. Le déficit public pourrait être encore de 6 % du PIB en 2013, et non de 3 %. La dette, qui atteignait déjà 78,1 % du PIB, soit 1 500 Md€, fin 2009, pourrait atteindre 93 % du PIB et dépasser 2 000 Md€ fin 2013. Elle resterait sur une trajectoire de croissance auto-entretenue, sous l’effet de « boule de neige » des charges d’intérêt. » (page 132)
Cour des comptes, Situation et perspectives des finances publiques 2009, juin 2010
Philippe Herlin
© La dette de la France .fr