Le «coup de tonnerre» de Chypre de samedi, cette spoliation des épargnants dont nous avons parlé dans notre précédent billet, nous rappelle une chose que nous n’aurions jamais du oublier : l’épargne des ménages a toujours été dans le viseur des Etats en faillite. C’est toujours de cette façon que ça se termine, par la spoliation des épargnants.
Mais l’histoire ne se répète jamais tout à fait de la même façon, et en l’occurrence il y a un petit changement. Jusqu’ici un pays se débarrassait de sa dette par une période de forte inflation ou d’hyperinflation, provoquée par la planche à billets ou une forte dévaluation de la monnaie, c'est-à-dire concrètement qu’il rembourse en monnaie de singe («l’euthanasie du rentier» chère à Keynes). Ou alors il fait défaut (l’Islande). Ou les deux à la fois (l’Argentine).
Dans la zone euro ces méthodes ne sont plus utilisables : un pays ne peut évidemment pas tout seul dans son coin imprimer des euros en pagaille, et il ne peut plus faire défaut. Enfin, il peut menacer de le faire (la Grèce) mais les autorités européennes l’en empêchent absolument pour ne pas entamer la réputation de l’euro (d’où ces plans d’aide sans fin à la Grèce).
Reste une solution : puiser dans la caisse, c'est-à-dire l’épargne des ménages. Les avantages sont multiples : on évite l’inflation et le défaut, et ceux qui ont investi dans les obligations chypriotes voient leur créance garantie. La réputation de l’euro comme monnaie internationale est préservée. Bien sûr le populo gronde, mais on lui envoie la police et on lui fait comprendre que ça aurait pu être pire, et tout rentre dans l’ordre.
D’ailleurs les responsables politiques ne s’en cachent même pas. L’agence chargée de vendre la dette belge explique dans ses documents à destination des investisseurs que «théoriquement, les ménages belges pourraient rembourser la dette publique» (Contrepoints). On se rappelle que notre ancien ministre des finances, François Baroin, a déclaré en janvier 2012 que la dette de la France est un «investissement sans risque» notamment parce que «la France a un niveau d’épargne élevé» (Le Figaro).
Cette idée de ponction de l’épargne des chypriotes remonte donc à loin, et elle n’est que la première d’une liste. Maintenant est-ce que ça sauvera la zone euro ? Non, cela permet juste de repousser les échéances car dans une crise de la dette le défaut et/ou l’inflation sont inéluctables.
Philippe Herlin