Retour à Chinon le week end dernier. Je vous avais relaté dans ce billet ma mésaventure avec la SNCF (mon TER annulé sans que je sois prévenu alors que j’avais acheté mon billet sur Internet). N’ayant toujours aucune explication de la SNCF malgré mes relances, je vais voir l’agent d’accueil qui m’explique que les TER annulés au dernier moment cela arrive souvent, au moins une fois par semaine ! Le machiniste n’arrive pas, il n’est pas prévenu à l’avance et n’a aucun moyen de le remplacer ou d’appeler des taxis ou un bus de remplacement. Visiblement il s’en fiche pas mal d’ailleurs, à aucun moment il sera "désolé" de ces contretemps.
Chinon n’est pas une gare très fréquentée et à l’évidence un service de bus privés avec une éventuelle légère subvention ferait nettement mieux pour incomparablement moins cher, mais il ne faut pas toucher au lobby SNCF ! D’ailleurs pour faire croire à son utilité sur les lignes peu fréquentées, et trouver à employer un personnel pléthorique, la SNCF a fait en sorte d’interdire purement et simplement la concurrence des autocars : "La législation donnait en effet à la SNCF un droit de regard sur toutes les autorisations de lignes interrégionales. Ce que bien sûr elle refusait de faire, craignant l'émergence d'une nouvelle forme de concurrence" (L’Expansion). Cela est en train de changer grâce à l’Europe, très bien, mais il y a du retard à rattraper.
Car cette entrave à la libre concurrence remonte à loin, en 1934 ! Les premiers grands réseaux de bus furent créés par les constructeurs automobiles Citroën (en 1931) et Renault (en 1932). Mais peu de temps après l’Etat intervint… pour défendre le rail : "1934 fut l'année de la plus grande activité avec quelques 800 autocars fonctionnant sur quelque 300 lignes [pour Citroën]. Mais dans les années qui ont suivi, de nombreuses lignes ont été interrompues en raison de leur retrait forcé dans le cadre de la politique rail-route du gouvernement, avec une coordination progressivement imposé sur le bus et autocars à partir de 1934, et la nationalisation des chemins de fer au bord de la faillite pour former la SNCF en 1938. Les quelques années d'or de l'exploitation des bus et autocars étaient passées." (article sur les transports Citroën).
Ensuite ces réseaux se fragmentèrent et vécurent tant bien que mal à l’ombre de la SNCF. Dans les années 60 il existait deux compagnies privées concurrentes basées à Tours et offrant un vrai maillage du territoire, dont les Rapides de Touraine (voir son réseau). Mais finalement ils dépérirent. La généralisation de la voiture individuelle explique cela, mais aussi pour une grande part la SNCF qui pouvait interdire l’ouverture de nouvelles lignes, et donc tuer progressivement ces compagnies. Et aujourd’hui que constate-t-on ? La SNCF achète Keolis, un des leaders du transport de cars en France, de façon à profiter de l’ouverture du marché !
On voit avec cette petite histoire comment la SNCF agit en prédateur de l’économie privée, comment elle use de son pouvoir de monopole pour imposer à l’Etat des conditions qui l’avantagent, comment elle gaspille de l’argent public pour maintenir et accroître ses positions. La SNCF coûte une fortune en argent public, non seulement pour faire moins bien et plus cher que le privé, mais en plus pour empiéter sur le secteur privé. La SNCF est un cancer pour l’économie française et il faut en revenir à l’origine, 1938, c'est-à-dire démanteler cette "société nationale", la privatiser par morceaux, en ayant au passage ramené le statut du personnel dans le droit général, et laisser jouer la concurrence intégrale entre les différents moyens de transport. D’ici là, la SNCF continuera d’être un service coûteux et inefficace, et qui en plus étouffe l’économie française.
Philippe Herlin