Après la folie de l'année 2013, le cours du bitcoin a progressivement baissé en 2014 pour se stabiliser durant les trois premiers trimestres de l'année 2015 autour de 200 euros. Une stabilité assez remarquable pour la monnaie électronique, plus habituée aux montagnes russes. Mais sur le dernier trimestre de l'année dernière, son cours a doublé pour approcher les 400 euros, et ce de façon progressive plutôt que par à-coups, ce qui est nouveau. Comment expliquer cette hausse ?
Les précédents mouvements du cours s'expliquaient par des raisons propres au bitcoin : la première importante hausse du début 2013 provient de la crise des banques chypriotes et de la ponction des comptes bancaires, une décision brutale qui n'était pas attendue et qui fait peser un risque sur tous les comptes bancaires (ce sera le cas avec la directive BRRD dont nous avons parlé), auquel se rajoute un buzz médiatique expliquant qu'un portefeuille de bitcoins ne peut être saisi par aucune autorité. La nouvelle et encore plus forte progression de fin 2013 (800 euros), vient du soudain appétit des Chinois pour cette nouvelle devise. La chute tout aussi vertigineuse de la fin d'année survient lorsque la banque centrale chinoise interdit le bitcoin (avant de revenir sur sa décision quelques mois plus tard). La baisse du cours début 2014 est accentuée par le scandale des bitcoins disparus de MtGox.
Depuis on note une lente décrue puis le calme plat avant cette hausse d'octobre à décembre 2015, mais sans qu'une explication propre au bitcoin ne permette de la comprendre. Ce phénomène est nouveau. Alors revenons aux caractéristiques fondamentales du bitcoin : un fonctionnement en réseau, c'est à dire sans banque centrale, et une limitation du nombre de bitcoins en circulation à 21 millions (nous en sommes aujourd'hui à 15 millions). Une monnaie-matière première en quelque sorte, personne ne peut décider de créer ex nihilo des paquets de bitcoins, comme les banques centrales usent et abusent de la planche à billets. On peut ainsi parler "d'or numérique".
Et justement, cette hausse à partir d'octobre 2015 suit de près le retournement des marchés boursiers au cours de l'été. On peut en déduire, ou formuler l'hypothèse, que le bitcoin s'est comporté comme un placement refuge, ce qui serait une première. Il aurait eu un comportement similaire à l'or, qui lui attendra la sévère chute des marchés à partir du mois de janvier pour entreprendre une progression, plus modeste pour l'instant (de 1000 à 1200 dollars l'once).
En effet, si le bitcoin, comme il semble l'avoir fait, a quitté sa période de crises adolescentes pour entrer dans l'âge adulte, il n'y a pas de raison pour que le cours de "l'or numérique" ne présente pas une corrélation significative avec l'or tout court. Avec toutefois deux différences importantes à garder à l'esprit : la considérable différence de taille (160.000 tonnes d’or existant dans le monde à 40.000 euros le lingot, soit 6.400 milliards d’euros, 15 millions de bitcoins en circulation à 400 euros soit 6 milliards d’euros, un rapport de un pour mille) et aussi le fait que l'or subit de multiples manipulations de cours, ce qui n'est pas (encore ?) le cas de la monnaie électronique.
Cette hausse du cours du bitcoin a sans doute anticipé celle de l'or, mais il est encore trop tôt pour établir des correspondances. Et certainement subira-t-il encore des chocs pour des raisons intrinsèques. Mais à l'évidence, les adeptes de l'or doivent désormais garder un œil sur le cours du bitcoin.
Philippe Herlin