Voici une information capitale que les médias ont laissé passer mais qu’un tweet de Jean-Claude Delarue, que je salue au passage, a porté à ma connaissance. Elle provient de l’audition au Sénat le 6 février 2018 de Mme Catherine de Kersauson, Présidente de la 2ème Chambre de la Cour des Comptes.
Tout d’abord, la SGP (Société du Grand Paris), en charge de la construction du Grand Paris Express, cache des informations à la Cour des comptes :
«Confrontée à ces dérapages, la SGP n'a pas fait preuve d'une totale transparence sur la réalité des coûts.»
Ensuite, l’estimation du coût de construction est en pleine dérive :
« Cette estimation est de 38,5 milliards d'euros, à comparer aux 25,5 milliards d'euros du coût d'objectif de 2013. La dérive, de 13 milliards d'euros par rapport au coût d'objectif de 2013, correspond à une hausse de 51 %. »
Mais le financement des travaux pose également problème :
«La SGP a un modèle économique particulier voulu par le législateur : dès sa création, des recettes fiscales pérennes lui ont été affectées afin qu'elle finance les études et le début des travaux. Il s'agit, pour la part la plus importante et dynamique, d'une partie de la taxe sur les surfaces commerciales à usage de bureaux, de locaux commerciaux, de locaux de stockage et de stationnement en Île-de-France. Le plus gros des travaux sera financé par des emprunts, dont les premiers ont été lancés en 2017. Ces emprunts seront remboursés, en principe, dans un délai de 40 ans après la dernière mise en service, par les recettes fiscales affectées ainsi que, lorsque le Grand Paris Express sera en service, par la redevance versée par les exploitants.»
Dans l’hypothèse basse retenue par la SGP, les frais financiers se montent à 32 milliards d’euros :
«dans la dernière version du modèle financier que la Société du Grand Paris a fournie à la Cour les frais financiers s'élevaient au total, déjà très important, de 32 milliards d'euros, et la fin des remboursements était prévue pour 2059.»
Ce montant est d’ores et déjà dépassé, et il faut compter 134 milliards d’euros de frais financiers selon la Cour des comptes :
«Le montant de 32 milliards d'euros de frais financiers prévus était fondé sur l'estimation du coût de construction du réseau affichée au printemps 2017, soit 28,9 milliards d'euros, contributions financières hors Grand Paris Express comprises. À modèle financier constant en ce qui concerne les recettes, la réévaluation des coûts de juillet 2017, soit 38,5 milliards d'euros, entraîne un quadruplement du montant des intérêts, qui s'élèverait désormais à 134 milliards d'euros courants, pour une période de remboursement rallongée de 25 ans, jusqu'en 2084.»
Mais dans un scénario défavorable, ces frais financiers pourraient atteindre 700 milliards d’euros, ou pire encore conduire à l’incapacité de rembourser :
«La Cour a procédé à une évaluation poussée des risques pesant sur le niveau des frais financiers. Elle présente ainsi deux scenarii introduisant des hypothèses dégradées de recettes et de dépenses : le premier repose sur des hypothèses de recettes défavorables, alliant la non-mise en oeuvre de la redevance d'exploitation avec une croissance limitée du rendement de la taxe sur les bureaux. Le résultat de ce scénario est une fin du remboursement reportée au-delà de 2100 et des frais financiers s'élevant au minimum à plus de 700 milliards d'euros courants. Le deuxième scénario repose sur les mêmes hypothèses, auxquelles a été ajouté un risque de taux de 0,5 point sur le financement de long terme. Tout laisse à penser, dans ce cas, que l'établissement ne serait jamais en mesure de rembourser la dette contractée.»
Voici une preuve supplémentaire de la stupidité et de la dangerosité du projet de Grand Paris Express. Je l’avais dénoncé dans un rapport en 2015, la Cour des comptes en apporte une confirmation supplémentaire. Il est encore temps de stopper ce projet complètement délirant.
Philippe Herlin