Les gouvernements nous assurent, et veulent se convaincre, d’une reprise rapide qui effacera les traces de la crise. La distinction qu’opère Bercy entre un déficit structurel et un déficit de crise est à cet égard révélatrice de cette méthode Coué (voir cette note). Patrick Artus, directeur de la recherche économique à Natixis, a le mérite de taper du poing sur la table et d’interpeller ces gouvernements :
«Au lieu d'entretenir l'espoir d'une reprise rapide de la croissance et de l'emploi, les gouvernements feraient mieux de dire aux Européens qu'ils vont être confrontés :
- à une perte irréversible d'emplois dans les secteurs qui se contractent après la crise (construction, finance, biens durables…), d'où un chômage durablement très élevé ;
- à l'absence d'idées pour créer des emplois nouveaux en quantité suffisante pour compenser les pertes d'emplois ;
- à l'inefficacité des politiques de soutien de la croissance par l'exportation, avec la contraction du commerce mondial et, pour la zone euro, le risque d'appréciation de la devise ;
- à la disparition du modèle de soutien de l'activité par la hausse de l'endettement ;
- au besoin de rééquilibrer les finances publiques par des politiques budgétaires restrictives ;
- à l'accélération des délocalisations avec l'écart de croissance et de coûts de production entre les pays émergents et les pays de l'OCDE ;
- à la déformation du partage des revenus au détriment des salariés, avec le chômage élevé, les délocalisations…»
Ne se limitant pas à l’imprécation, il propose des perspectives :
«La seule solution constructive à cette masse de problèmes n'est pas d'amplifier les politiques contracycliques mais :
- d'accepter la perte inévitable de pouvoir d'achat et de capacité de dépense de l'Etat ;
- de construire les entreprises et les secteurs qui créeront de nouveaux emplois durables.»
Il dénonce également la folle ronde des déficits, qui ne font que créer d’autres bulles :
«Les politiques monétaires très expansionnistes ne font repartir ni le crédit ni la demande intérieure, puisqu'il y a besoin de désendettement, et contribuent seulement à l'excès de liquidité mondiale qui génère des bulles sur les prix des actifs (actions, matières premières).»
Sera-t-il entendu ? On l’espère mais on en doute…
Que les gouvernements aient le courage de dire la vérité aux Européens, Patrick Artus, Natixis
Philippe Herlin
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