La Cité des sciences propose une exposition sur la crise, L'économie : krach, boom, mue ? (du 26 mars 2013 au 5 janvier 2014). Le projet tombe à pic mais qu’en pensez ? Malheureusement pas grand-chose. Toute l'exposition ne fait que vulgariser la soupe tiède qui est enseignée à l'université. C'est à dire un libéralisme tempéré par l'Etat dont le rôle est considéré comme incontournable, un libéralisme désincarné issu de la théorie néoclassique (rationnel, froid), un libéralisme où le risque est gentiment circonscrit (la courbe de Gauss est présentée comme l'outil de base des économistes). En somme un libéralisme d'énarque, ou de commissaire européen.
L'école autrichienne est inexistante (Hayek est simplement cité dans le tableau général des économistes, mais pas dans le glossaire du catalogue). La monnaie est seulement abordée sous l'angle de la confiance, qui est garantie par les banques centrales, bien sûr. Benoît Mandelbrot, Nassim Taleb et son cygne noir (qui ont remis en cause la courbe de Gauss justement) ne sont même pas cités, alors qu’ils proposent dans leurs livres nombre d’exemples pédagogiques.
Alors qu'y voit-on ? Une vulgarisation souvent bébête de mécanismes économiques basiques (l'équilibre entre l'offre et la demande, avec de gros boutons à tourner), un discours lisse sur un monde idéal dans lequel les acteurs échangent produits et services, le tout dans une décoration pauvrette et répétitive.
Y a-t-il l'esquisse d'un discours critique sur l'obésité de l'Etat et la dette publique, sur le danger des produits dérivés (qui ne sont même pas présentés !), sur les effets pervers de la réglementation, sur le capitalisme de connivence, sur les risques des politiques de monétisation menées par les banques centrales ? Rien. Plus grave, il n’y a pas de confrontation entre les courants de pensée actuels (keynésiens/autrichiens, relance/rigueur, sortir ou pas de l’euro, etc.).
Mais alors, pourquoi sommes-nous en crise ? A cause de «l'effet domino» (avec de vrais dominos à faire tomber, véridique) qui fait chuter les institutions financières puis l'économie réelle. Pourquoi en arrive-t-on à cette fragilité, cela n'est pas précisé. Mais l'effet domino explique opportunément, selon l'exposition, pourquoi les économistes ne peuvent pas prévoir les crises. C'est ballot, nos pauv' économistes qui ont de jolis modèles et une belle courbe de Gauss, que l'on vient de voir de façon idéalisée tout au long de l'exposition, sont complètement pris de court en cas de crise, au moment où on aurait le plus besoin d'eux !
Au fait, il n'y a strictement rien sur l'euro, sa formation et son fonctionnement, et la crise qu'il traverse. Mais, c'est vrai, l'euro est solide et inspire confiance, pas la peine de perdre du temps. Une exposition inutile et grotesque. Qui malheureusement n'en restera pas là puisqu'elle préfigure la Cité de l'économie, un musée permanent conçu par la Banque de France.
Philippe Herlin