Ses interventions dans les médias sont extrêmement rares, mais il a donné hier une interview dans Les Echos, il s’agit du directeur général de l’AFT (Agence France Trésor, qui gère la dette de l’Etat), Philippe Mills. Ca sent l’interview de commande, faite pour répondre à une inquiétude croissante des marchés (la part des non-résidents – 2/3 – chez les détenteurs de la dette française) et avec des réponses « bétonnées » signifiant clairement « tout va bien, circulez y’a rien à voir ». Un tiers de la dette est détenu par des non-résidents de la zone euro, ce que Philippe Mills qualifie de « marché domestique » (sous-entendu, ne nous inquiétons pas) : c’est aller un peu vite en besogne, c’est une zone domestique pour la monnaie (l’euro), mais pas pour les politiques économiques, chaque pays ayant son propre budget ! Et la Grèce et l’Irlande, en faillite, font-elles partie de ce marché domestique ? Oui et c’est tout le problème, les banques européennes ont diversifié leurs emprunts d’Etats entre les différents pays de la zone euro, ce qui accroît le risque systémique lorsqu’un ou plusieurs d’entre eux se trouvent en difficulté. Une sécurité « domestique » très relative donc.
Pour le tiers restant, détenu par des non-résidents hors zone euro, c’est un « critère de bonne santé » ! Soit, si on exportait nos Rafales et nos produits aussi bien que notre dette, notre économie s’en porterait mieux, mais notre déficit commercial en 2010 s’établit à 51,4 milliards d’euros (contre un excédent de 154,3 milliards pour l’Allemagne). Et cette dette, il faut crapahuter pour la vendre : « En 2001, l'AFT effectuait 17 présentations aux investisseurs, essentiellement en Europe. En 2010, nous en avons fait 32, notamment en Asie, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis et dans différents pays d'Amérique latine. » Les nouveaux pays riches et les pétromonarchies financent l’Europe vieillissante, merci à eux.
On apprend par ailleurs, tenez-vous bien, qu’une enquête de l’AMF (Autorité des marchés financiers) a été ouverte pour identifier la source des rumeurs de dégradation de la note AAA de la dette française ! Une rumeur « totalement infondée » bien sûr, 148 milliards de déficit budgétaire en 2010, après 138 en 2009, et plus de 90 prévus pour 2011, on se demande bien ce qui peut justifier l’inquiétude des investisseurs… Et avouons-le, ce blog plaide coupable.
Enfin Philippe Mills n’exclut pas de lancer des emprunts d’une durée de 100 ans (50 ans étant la durée la plus longue actuellement). Comme disait Keynes « à long terme nous serons tous morts », alors empruntons à un siècle et dormons tranquille.
Philippe Herlin
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